de Anonyme (non vérifié)
J’ai été frappée par la foudre
Tisha Ivana se
découvre une véritable passion pour l’écriture à l’âge de 18 ans alors qu’elle
est étudiante en première année de licence en langues étrangères. Elle se rend
compte que cette filière ne lui convient pas, et, pour faire voyager son
esprit, elle se met à écrire. J’ai été
frappée par la foudre est son premier roman.
Tisha Ivana
J’ai été frappée par la foudre
Cette
œuvre est interdite de reproduction. Toute reproduction, totale ou partielle de
cette œuvre, doit se faire avec le consentement de l’auteur. Sous peins de
sanctions.
Ce livre est une œuvre de fiction. Toute
ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, serait pure
coïncidence.
J’ai été frappée par la foudre
Prologue
Samedi 25 Avril
2007 :
Le décor était
magnifique. Léa portait une robe de mariée couleur ivoire qui lui allait merveilleusement
bien. Elle était belle et rayonnait comme la lune. Pour la première fois de sa
vie, non seulement elle semblait avoir ce dont elle avait toujours rêvé, mais,
en plus, elle avait l’air réellement heureuse.
Elle s’avança
vers celui qui sera, dans quelques minutes, son mari. Lorsqu’il l’aperçut, son
visage s’illumina. Il y avait de quoi. Léa était vraiment très belle.
La cérémonie se
déroulait à la mairie. Les nombreux invités présents étaient, pour la grande
majorité, très émus. Qui n’a jamais rêvé de se marier avec un homme formidable
et dans un décor aussi somptueux ? Le maire demanda à Kevin s’il voulait
épouser Léa. Il répond par l’affirmatif, sans hésiter. Il se tourna ensuite
vers Léa. Elle dira forcément « oui ». C’est obligé. Elle l’aime plus
que tout. Seulement, elle semblait hésiter. Elle regarda Kevin, qui attendait
une réponse. Sa bouche s’ouvra mais aucun mot n’en sortit. Etait-il vraiment
judicieux de l’épouser ? Cela faisait seulement trois ans qu’ils étaient
ensemble. Etait-ce suffisant pour vraiment connaitre quelqu’un au point de
vouloir faire sa vie avec ? Le mariage n’est pas rien, c’est un engagement
important. Kevin et elle avaient traversé tellement de choses en trois ans.
Trop de choses. Trahison. Jalousie. Mensonge. Et bien pire encore.
-
Je
ne sais pas si je dois t’épouser, Kevin.
-
Quoi ?
-
Je
suis désolée. J’ai besoin de plus de temps.
Devant
l’assistance ébahie, Léa prit ses jambes à son cou et quitta la mairie.
1
22 juillet 2004 :
-
Christopher,
souhaitez-vous prendre pour épouse, Sara ici présente ?
-
Je
le veux, répondit-il.
-
Sara,
souhaitez-vous prendre pour époux, Christopher ici présent ?
-
Je
le veux, répondit-elle à son tour.
Kevin et Léa avancèrent
en direction de leurs amis. J-2 avant le
mariage de Christopher et Sara. Léa et Kevin avaient été choisis pour être les
témoins respectifs de ces derniers. Malheureusement, entre eux, ça avait plutôt
mal commencé. Ils se détestaient. Plus exactement, Léa détestait Kevin. Kevin était
le genre d’homme qui ne passait pas inaperçu. Il était beau comme un dieu. Grand,
musclé, le corps bronzé, c’était un véritable apollon. Il possédait ce regard
bleu océan qui donnait envie à toutes les femmes de se noyer dedans. Dans la
logique des choses, Léa aurait dû succomber à ses charmes. Mais, elle était
immunisée contre l’amour. A seulement dix-sept ans, elle ne souhaitait plus
tomber amoureuse. Pour rien au monde. Son cœur avait trop souvent été brisé par
le passé. Comme à chaque fois, Léa avait la bêtise de s’attacher trop vite aux
gens. Elle ne le faisait pas exprès, mais, ce que le cœur avait décidé, la
raison ne pouvait que le subir. Du coup, elle s’interdisait de redonner la
moindre chance à un homme, bien que les charmes de Kevin ne la laissaient pas
indifférente.
-
S’il
te plait, l’implora Kevin. Je ne te demande pas la lune. Je veux juste qu’on
puisse sortir ensemble un soir.
-
N’insiste
pas. Ma réponse est encore non.
-
Donne-moi
une seule raison valable et j’arrête de te charmer.
-
Mes
raisons ne regardent que moi. Je sais pourquoi je ne veux pas sortir avec toi.
Ça me suffit. Tu n’as pas forcément besoin de le savoir.
Sur ces mots,
elle s’éloigna de Kevin. « Ce n’est
pas grave, pensa t-il, j’essaierai encore demain et les jours
suivants. Jusqu’à ce qu’elle veuille bien me donner ma chance ».
Léa partit
retrouver Christian, son meilleur ami. Ils s’étaient rencontrés il y a deux
ans, au lycée. Leur amitié avait commencé comme un véritable coup de foudre
amical. Christian venait d’emménager dans la région. Il ne connaissait personne
hormis ses frères. Arrivée au lycée, Léa ne connaissait que ceux qu’elles
avaient connus au collège. Et avec eux, elle n’entretenait pas de très bons
rapports. Réunis dans la même classe, ils étaient condamnés à passer toute une
année ensemble. Comment leur amitié avait-elle commencé ? Aucun des deux
ne saurait le dire. Ils savaient juste qu’ils avaient échangé des banalités
puis s’étaient retrouvés liés. Après tout, peu importait. La force qui les unissait
était le plus important.
-
Je
suis perdue, Christian, avoua Léa.
-
A
cause de ce Kevin ?
-
Tu
sais bien que oui.
-
Pourquoi
fais-tu tant de manières alors que tu sais qu’il te plait ?
-
Ça
aussi tu sais pourquoi. A chaque fois que j’ai suivi mon cœur, il s’est
retrouvé brisé. Je suis blasée.
-
Dans
les deux cas, tu souffres : ou bien tu souffres de ton célibat, ou bien un
homme te brise le cœur.
-
Je
sais. Je ne demande pas la lune. Je veux juste qu’on m’aime pour ce que je
suis.
-
Il
n’y a qu’un seul homme qui t’aimera pour ce que tu es.
-
Je
t’aime aussi, Christian. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi.
Léa se réfugia
dans les bras réconfortants de son ami.
-
Tu
sais que je ne veux que ton bonheur ? rappela Christian.
-
Je
le sais. Et, c’est réciproque.
-
Alors,
laisse sa chance à Kevin.
-
J’ai
peur d’aimer. Aimer peut-être la plus belle chose au monde mais également la
plus destructrice.
-
Temps
mort. Fini les grandes phrases. Brise le mur que tu as construit autour de ton
cœur et va me faire le plaisir d’être amoureuse.
-
Tu
ne me prends pas au sérieux.
-
Si,
Léa. Seulement, tu as perdu ta joie de vivre depuis que Thomas t’a quitté.
Léa en voulait à
Christian d’avoir prononcé le nom interdit. Thomas. Elle s’était juré de ne
plus jamais entendre ce prénom. Elle ne voulait même plus y penser. Thomas était
le dernier homme en date à avoir brisé le cœur de Léa. C’était aussi celui
qu’elle avait le plus aimé. Il y a encore quelques semaines, elle était une
jeune adolescente comme les autres. Amoureuse et heureuse. Thomas et elle
sortaient ensemble depuis huit mois. Suffisamment longtemps pour que Léa
ressente des choses fortes pour lui. Elle n’imaginait pas finir sa vie à ses
côtés. Néanmoins, elle pensait que Thomas la respectait suffisamment pour ne
pas la tromper. Victoria était le nom de la femme qui avait brisé la vie de
Léa. Sans elle, Thomas ne l’aurait jamais quittée. Sans elle, elle serait encore
heureuse. Sans elle, sa vie serait encore parfaite. Sans elle, elle n’aurait
que faire de ce prétentieux de Kevin.
-
Je
suis désolé, s’excusa Christian. Je ne voulais pas en parler.
-
Trop
tard. Je te remercie d’avoir ravivé mes blessures.
-
Je
te prie …
-
Laisse
tomber, je dois rentrer. A plus tard.
Encore une fois,
elle prit la fuite face à une situation qu’elle ne maitrisait pas.
Kevin était
abasourdi. Jamais, au grand jamais, une femme ne lui avait résisté de cette
façon. A Bordeaux, il était connu pour être un coureur de jupon. Il avait
réussi à mettre dans son lit toutes les femmes qu’il avait convoitées. Au point
qu’il ne doutait plus du tout de son pouvoir de séduction. Kevin n’avait plus
si confiance en lui depuis que Léa se refusait à lui.
-
Cette
femme me trouble, dit-il à Sara, sa meilleure amie.
-
Qui
ça ? Léa ?
-
Oui.
Elle m’intrigue d’une telle façon, tu ne peux pas imaginer.
-
Qu’est-ce
qui t’intrigue tant que ça ?
-
Tout.
Malgré le temps que j’ai passé avec elle, je n’arrive pas à la définir. Tu
arrives à cerner sa personnalité, toi ?
-
Bof.
En même temps, je ne fais aucun effort pour la comprendre. Je me méfie de
toutes les ex de Christopher. Sans exception.
-
C’est
l’ex de Christopher ? s’étonna Kevin.
-
Oui.
Il a été son premier petit copain. Depuis, ils s’entendent plutôt bien.
-
Faut
que j’arrive à sortir avec elle. Il le faut.
-
Dites-moi
que je rêve. Notre Kevin nationale serait-il en train de tomber amoureux ?
-
Tu
exagères.
-
Pas
du tout. Tu as vraiment l’air amoureux. Regarde comment elle t’obsède. Je
ne t’avais pas vu comme ça depuis…
depuis que tu es tombée amoureux pour la toute première fois, il y a maintenant
plusieurs années.
-
Ça
n’a rien à voir avec ce que j’ai ressenti autrefois.
-
Crois-le
ou non, tu es bel et bien amoureux.
-
Je
t’assure que non. Je ne me sens pas amoureux du tout.
-
Si
tu le dis. Quelle est la prochaine étape concernant ta tentative de séduction
de Léa ?
-
Je
ne sais pas. Je vais peut-être laisser faire les choses. Ça avancera comme ça
avancera.
-
Kevin
Kallan laisse faire les choses. Je suis impressionnée.
En effet, Sara
n’avait jamais vu son meilleur ami dans cet état. D’ordinaire, Kevin aimait
tout contrôler. Il ne laissait pas de place au hasard, car, selon lui, si l’on
voulait parvenir à ses fins, il fallait tout contrôler.
« Il faut vraiment que j’arrive à en savoir
davantage sur cette Léa » pensa Kevin.
Léa rejoignit le
quartier où elle vivait. Devant son immeuble, ses amis d’enfance discutaient.
Elle alla à leur encontre, les salua puis entra chez elle. Elle n’avait pas
réellement envie de parler ce soir. Elle voulait rester seule. Les préparatifs
du mariage l’épuisaient physiquement, et, l’acharnement de Kevin la fatiguait
psychologiquement. Pourquoi diable
s’acharnait-il à la séduire ? Elle ne se sentait pas particulièrement
jolie. Ni séduisante. Pourquoi moi ? Il
est beau comme un Dieu, il pourrait avoir toutes les filles qu’il veut. Alors,
pourquoi moi ? L’attention que lui portait Kevin la préoccupait vraiment.
Elle fut interrompue dans ses pensées par sa mère qui lui demanda de venir
manger. Elle déclina et sortit son livre
d’or. Elle se mit à écrire des chansons, comme à chaque fois qu’elle avait
besoin d’évacuer ses sentiments. L’inspiration était au rendez-vous
aujourd’hui. Elle se mit à écrire des tonnes de pages, jusqu’à l’heure du
coucher. La nuit, ses rêves appartenaient à Kevin.
Le lendemain au
réveil, Léa était toujours aussi perplexe. La nuit ne lui avait pas porté
conseil. Elle se demandait encore comment un homme aussi beau et cultivé que
Kevin pouvait vouloir sortir avec elle. Pire, elle se demandait comment
pouvait-on l’aimer.
Kevin, de son
côté, chercha LE moyen d’approcher Léa. Une idée germa dans son esprit,
seulement, son téléphone sonna au même moment :
-
C’est
Sara. J’ai besoin de toi, tout de suite.
En deux temps
trois mouvements, Kevin rejoignit son amie.
-
Alors,
qu’est-ce qui t’arrive ?
-
Je
ne sais pas ce qui s’est passé, mais, vous avez intérêt à régler le problème
très rapidement. Je me marie demain, et j’apprends qu’il y a un souci avec le
traiteur.
-
Quoi ?
Comment ça ? Pourtant, j’ai tout vérifié.
-
Tu
en es sûr ? Alors explique-moi comment des huîtres se sont retrouvées dans
la commande alors que tu sais que j’en suis allergique
-
Je
n’en sais rien, répondit Kevin impuissant.
-
Tu
as intérêt à savoir très rapidement. J’ai annulé la commande mais il est trop
tard maintenant pour commander autres choses pour demain. Comment je fais, moi ?
Je laisse mes invités mourir de faim ?
-
Bonjour,
je suis venue aussi vite que j’ai pu, dit Léa qui venait de faire irruption
dans la pièce.
-
Il
ne manquait plus qu’elle, s’énerva Sara.
-
Qu’est-ce
qui se passe ? demanda Léa, ignorant la remarque de Sara.
-
Il
y a eu un pépin dans la commande du traiteur. Il a cru qu’on avait commandé des
huîtres alors que Sara y est allergique.
-
Tu
ne sais pas comment c’est arrivé, je suppose ? demanda Sara, le ton
accusateur.
-
J’ai
dû me tromper en envoyant la commande, répondit Léa bien qu’elle ne savait plus
vraiment si c’était elle ou Kevin qui avait envoyé la commande.
-
Comment
je fais maintenant ? Aucun traiteur n’acceptera de me faire deux cents
entrées pour demain.
-
On
a qu’à les faire, proposa alors Kevin.
-
Pardon ?
-
Léa,
tu sais cuisiner ? tenta Kevin.
-
Je
me débrouille.
-
Okay.
Je me débrouille aussi. Sara, ne t’inquiètes pas. On s’occupe de tout. Je te promets
que demain tu auras toutes tes entrées et que tes invités se régaleront.
-
Il
y a intérêt, dit-elle sèchement avant de tourner les talons.
Une fois qu’ils
firent seuls, Kevin se tourna vers Léa :
-
Je
suis désolé de l’attitude de Sara, s’excusa-t-il. L’approche du mariage la
stresse particulièrement.
-
Ça
ne donne pas envie de se marier.
-
Je
ne suis pas d’accord. C’est beau le mariage.
-
Si
tu le dis. Bon, par où on commence ?
-
Et
si on allait faire les courses ? On a du pain sur la planche.
Ils s’étaient
donné un maximum d’une heure pour trouver un maximum de produits frais. Kevin
s’y connaissait relativement bien en cuisine mais il ne connaissait pas la
région. Léa connaissait la région mais ne savait pas où trouver les produis que
cherchait Kevin. Ils mirent, finalement, plus de trois heures pour trouver tout
ce dont ils allaient avoir besoin, accumulant beaucoup de retard pour la suite.
Kevin prit la tête des opérations :
-
On
va faire simple. Des canapés, ça plait à tout le monde et c’est bon. Qu’est-ce
que tu en penses ?
-
Je
te suis. Mes goûts ne doivent pas être aussi raffinés que les vôtres.
-
Je
suis sûr que tu as des goûts de qualités toi aussi.
-
Ouais,
bien sûr. N’essaie pas de me flatter.
Kevin préféra ne
pas réagir à la remarque de Léa. De toute façon, il lui était impossible de
discuter avec elle. Il montra à Léa comment faire les canapés - à vrai dire, ce
n’était pas bien compliqué - et elle se mit au travail. Ils préparèrent les
entrées dans un silence de cimetière. Aucun n’osa prononcer le moindre mot. A
vrai dire, ils n’avaient pas spécialement envie de se parler. Kevin craignait
de se faire jeter, et Léa, craignait ses nouvelles avances. Finalement, elle
brisa le silence :
-
Qu’est-ce
que tu en penses ? demanda-t-elle en lui montrant ses premiers canapés.
-
C’est
la première fois que tu en fais ?
-
Je
vois. Ça ne ressemble à rien, c’est ça ?
-
Je
trouve ça mignon.
-
Okay,
j’ai compris. On ne me l’a fait plus. Je ne suis pas un gosse. Tu peux me le
dire que tu n’aimes pas ce que j’ai fait.
-
Non,
je suis sincère.
-
Et
moi je suis la reine d’Angleterre.
-
T’es
toujours sur la défensive comme ça ?
-
Qu’est-ce
que tu me veux ?
-
Je
veux apprendre à te connaitre.
-
Qu’est-ce
que ça t’apportera ?
-
Ça
me permettrait de me dire que je ne suis pas trompée à ton sujet et que j’aie
raison de t’aimer.
Ignorant les
mots de Kevin, Léa continua de couper les légumes. Il lui saisit le poignet,
l’obligeant à s’arrêter. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux. Il
sentait son désir de l’embrasser augmenter. Il succomba à ses pulsions. Le
baiser raviva les émotions les plus enfouies de Léa. Très vite, elle se détacha
de l’emprise de Kevin. Elle avait les yeux inondés de larmes et une envie de le
gifler. Ce qu’elle fit. Elle tenta de
s’enfuir mais il la rattrapa et la tint par le bras.
-
Laisse-moi
partir, implora-t-elle.
-
Dis-moi
ce qui ne va pas.
-
Je
n’en ai pas envie. Laisse-moi partir.
-
Pourquoi ?
-
Je
te déteste Kevin. Va au diable.
-
Dis-moi
pourquoi tu pleures, insista-t-il.
-
Laisse-moi
partir, sale fumier. Je ne veux pas être ici avec toi. Laisse-moi partir ou je
crie.
Il n’insista
plus et obéit. Elle alla se réfugier dans un coin assez tranquille de la salle,
laissant ses émotions émerger.
Kevin, de son
côté, était totalement désorienté. Il ne voyait pas ce qu’il avait pu faire qui
aurait blessé Léa. Il ne comprenait pas à quel moment il avait fait un faux
pas. Léa lui échappait complètement. Pour la première fois, ce Dom-juan pensait
avoir perdu tous ses talents.
Léa finit par
quitter la salle. Elle ne pouvait plus rester ici. Il lui fallait partir loin
de Kevin et trouver du réconfort auprès de quelqu’un qui saurait la comprendre
mieux que quiconque : Christian.
-
Qu’est-ce
qui se passe ? demanda-t-il en voyant son amie pleurer.
-
J’ai
besoin de toi.
-
Entre,
dit-il.
Il la fit
asseoir et lui servit un chocolat chaud.
-
Raconte-moi
ce qui t’arrive.
-
Je
n’en peux déjà plus de ce mariage alors qu’il n’a même pas encore eu lieu.
-
C’est
Kevin ?
Elle feignit de
n’avoir rien entendu.
-
Ce
matin, je reçois un coup de fil de Sara. Elle m’ordonne de venir sur le champ à
la salle de réception. Tu te rends compte ? Je la connais depuis peu et
elle se permet de me donner des ordres. Pour qui elle se prend ? Alors
j’arrive dans salle et elle me tape un scandale parce qu’il y a eu un problème
avec la commande des entrées. Je n’en peux plus de cette fille. Elle me déteste
alors que je ne lui ai jamais rien fait.
-
Il
n’y a qu’elle qui te tape sur le système ?
-
Va
au bout de tes pensées Christian. Tu sais très bien que je n’aime pas quand tu
tournes autour du pot.
-
Tu
en es où avec Kevin ?
-
Tu
le sais très bien. Il ne me laisse pas du tout indifférente.
-
C’est
tout ?
-
Il
m’a embrassée. Et j’ai adoré.
-
Sérieux ?
demanda Christian incrédule. Et tu l’as laissé faire ?
-
Non,
je lui ai dit que je le détestais, je l’ai traité de « sale fumier »
ensuite je l’ai giflé et je suis partie.
-
Qu’est-ce
que je vais bien pouvoir faire de toi, Léa ?
-
Bah
quoi ? Il n’avait pas à m’embrasser sans prévenir.
-
Tu
as parfaitement raison. La prochaine fois, il devrait dire : excusez-moi mademoiselle, j’aimerai vous embrasser mais j’ai peur de me prendre
une gifle. Permettez-vous que je me donne cette peine ?
-
Arrête
de te moquer de moi. Tu sais bien que je n’aime pas être comme ça.
-
Oui.
C’est vrai. Je suis au courant. Mais Kevin ne le sait pas. Ouvre-lui ton cœur.
-
Plutôt
mourir.
-
Tu
te laisses déjà mourir à petit feu.
-
N’importe
quoi.
-
Pourquoi
tu refuses de le faire ?
-
Parce
qu’aimer quelqu’un c’est lui laisser la possibilité de nous faire souffrir. Et
j’en ai assez de souffrir. Je veux pouvoir aimer un homme qui saura m’aimer en
retour. Je veux d’un homme qui saura m’aimer simplement, sans pour autant vouloir aller voir ailleurs parce que je lui
suffirai et lui conviendrai sur tous les plans. Je veux d’un homme qui sache me
respecter pour ce que je suis et ce que je veux être. Un homme sur qui je
pourrai toujours compter, qui m’apportera autant que je lui apporterai. Un
homme profond et cultivé qui ne me juge pas sur ce qu’il voit de moi mais sur
ce qu’il connait de moi. Je veux qu’il sache tout de moi et qu’il n’ait pas
peur de mon passé, mon présent ou mon futur. Je voudrais pouvoir lui faire
confiance quelque soit les circonstances et je voudrais que lui aussi puisse me
faire confiance. Je voudrais d’un homme qui n’ait pas peur de construire
quelque chose avec moi. Je voudrais qu’il m’aime sincèrement et qu’il n’ait pas
peur de m’aimer toute la vie parce que moi je l’aimerai probablement toujours.
Mais, je sais que vous, les hommes, ce sont des choses qui vous font peur.
-
C’est
touchant ce que tu dis. Je t’assure, et ce ne sont pas des paroles en l’air,
t’es la plus belle femme qu’il m’ait été donné de rencontrer. Tu es belle aussi
bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Tu as un cœur énorme et tu mérites
sincèrement d’être heureuse. Pour ça, il faut que tu t’en donnes les moyens. Et
tu ne pourras pas le faire si tu laisses les blessures du passé t’empêcher
d’avoir droit au bonheur.
-
Je
ne veux pas qu’il me fasse mal.
-
Je
sais ma petite Léa. Et, je te promets que s’il te fait du mal, je serai là pour
lui remonter les bretelles.
-
Plus
personne ne dit « remonter les bretelles »,
fit remarquer Léa avec un sourire. Tu utilises toujours des expressions
ringardes.
-
Parce
que j’aime ton sourire et je veux te voir sourire à chaque moment de la vie.
-
Tu
es le meilleur ami qu’il m’ait été donné de rencontrer.
-
Je
le sais. Tu es aussi la meilleure amie que j’aie jamais eu. En tant que
meilleur ami, il est de mon devoir de te rappeler que tu devrais retourner
aider Kevin. Ne le laisse pas dans la merde.
-
Tu
as raison. J’y vais de suite. Merci de m’avoir écoutée. Je peux toujours
compter sur toi.
-
Ouais.
Et, fais gaffe, je ne suis pas prêt à t’abandonner. Attends-toi à me supporter
toute ta vie.
-
Toi
aussi.
Il ne le savait
surement pas mais Léa l’aimait énormément et elle se sentait fière d’avoir un
ami aussi génial que lui.
Elle finit par
retrouver Kevin. Il avait pas mal avancé sur les entrées bien qu’il restait encore
énormément à faire.
-
Je
te prie de m’excuser. Je n’aurai jamais dû te laisser en plan alors qu’on est
censé bosser ensemble.
-
…
-
Tu
fais la gueule ?
-
On
a beaucoup de travail pour demain. On ne devrait pas prendre du retard.
-
On
irait plus vite et on prendrait plus de plaisir si on travaillait dans une
bonne ambiance.
-
Tu
es gonflée quand même. Tu es toujours en colère, tu es agressive envers tout le
monde, puis, quand ça te chante, tu redeviens gentille et tu penses que le
monde va t’accueillir à bras ouverts ?
-
Je
ne m’attendais pas à une telle animosité de ta part, mais, si ça peut nous
faire repartir sur des bases saines, je fais comme si je n’avais rien entendu.
-
Je
crois rêver. Je fais des pieds et des mains pour essayer de m’entendre avec
toi, et j’ai droit à des insultes et une gifle en guise de remerciement. Et
maintenant, tu arrives comme une fleur en faisant comme si de rien était ?
-
Terminons
de préparer ces entrées, et, si tu le veux bien, je serai plus à même de discuter ce soir.
-
Où
est le piège ?
-
Il
n’y en a aucun.
-
J’y
réfléchirai.
Cinq heures plus
tard, sans aucunes interruptions, ils terminèrent de préparer toutes les
entrées. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, ils avaient réussi à ne pas
s’entretuer. Léa avait dans l’intention de tenir sa promesse et s’ouvrir un peu
plus à Kevin.
-
Tout
ce travail m’a ouvert l’appétit, dit-elle.
Aucune réaction
de la part de Kevin. Pourtant, son désir, bien que dissimulé, était
relativement clair.
-
Tout
ce travail m’a ouvert l’appétit, répéta-t-elle.
-
J’ai
entendu.
-
Ah…
Okay.
-
Une
grosse journée nous attend demain. On ne devrait pas traîner.
-
Ouais,
je ferai mieux de rentrer. J’ai besoin de me reposer. Salut.
-
Attend.
Avant de partir te reposer, accepterais-tu que je t’invite à diner ? Tout
ce travail m’a aussi ouvert l’appétit.
-
Comment
refuser une si belle invitation ?
Il sourit.
C’était bien la première fois qu’une remarque de Léa le faisait sourire. Kevin
connaissait quelques bons restaurants de renom qu’il aurait aimé faire
découvrir à Léa. Elle s’arrêta devant plusieurs d’entre eux, regarda le menu,
se tourna vers Kevin, qui devinait qu’il ne fallait pas s’attarder. Arrivé au
dernier restaurant de sa liste, Kevin commençait à perdre espoir.
-
Tu
te rends compte que tu m’as emmené que dans des restaurants chics ?
-
Je
sais. Pourquoi ? Tu n’aimes pas ?
-
Tu
m’emmènes devant des restaurants où, à la lecture des menus, je ne sais pas ce
que je compte manger. Ne te tracasse pas, tu sais, un plat de pâtes ou du riz,
ça me suffit.
-
Il
fallait me le dire plus tôt, on n’aurait gagné du temps.
-
Désolée.
-
Ce
n’est pas grave. Où voudrais-tu qu’on aille manger ?
-
Tu
aimes manger épicé ? demanda-t-elle.
-
Oui.
-
Alors,
suis-moi.
Elle l’emmena
dans un restaurant indien. Kevin fut d’abord impressionné par la quantité de
nourriture que représentait un simple repas. Ce qui fit rire Léa. Elle compara
le repas qu’elle avait devant elle à la cuisine gastronomique, qui, selon elle,
ne remplissait pas les ventres. Elle fut ensuite prise d’un fou rire quand elle
vit le visage de Kevin virer au rouge sous l’effet du piment.
-
Tu
es une petite nature, se moqua-t-elle.
-
Non,
je me suis fait avoir, se défendit-il.
-
Tu
es une petite nature, insista-t-elle.
-
Je
l’admets, je suis une petite nature. Satisfaite ?
-
Très.
Alors, ça te plait ?
-
Oui,
c’est très bon.
-
Rien
à voir avec ta gastronomie. Ici, tu repars le ventre plein.
-
Ça
t’amuse de te moquer de moi ?
-
Je
ne me moque pas, je te taquine. Tu ne vas pas me dire que tu es susceptible ?
-
Non,
je te taquinais aussi. Ça fait plaisir de te voir sourire. Ça change.
-
Ça
veut dire quoi ça ? Que je ne souris jamais?
-
Non.
D’habitude tu es sur la défensive. Pourquoi ?
-
Tu
n’abandonnes jamais ?
-
Pas
avec toi.
-
Je
ne dois pas être la seule fille à qui tu dis ça.
-
Pourtant,
si. Alors ?
-
Alors
quoi ?
-
T’essaie
de gagner du temps là. Pourquoi es-tu souvent sur la défensive ?
-
Parce
que j’ai mal.
-
Mal
où ?
-
Mal
au cœur.
-
Tu
digères mal le poulet au curry ?
-
Très
drôle.
-
Désolé,
je voulais détendre l’atmosphère. Tu as souvent eu le cœur brisé ?
-
C’est
pire que ça. On ne m’a jamais aimé.
-
Pourquoi
tu dis ça ?
-
Je
suis sortie huit mois avec mon ex, qui a décidé de me plaquer pour une jeune
fille plus jolie.
-
Tu
es jolie toi aussi.
-
N’essaie
pas de me consoler.
-
J’ai
cru comprendre que tu étais sortie avec Christopher. Ça s’est plutôt bien terminé
puisque vous êtes en bon termes aujourd’hui.
-
Tu
plaisantes ? Christopher est un mec génial mais il ne m’aimait pas
suffisamment pour que notre histoire continue.
-
Je
croyais que vous aviez rompu sur un commun accord.
-
Bien
sûr, j’avais ma fierté. Je n’allais pas lui courir après puisque son choix
était fait. Ce que je voudrais, idéalement, c’est occuper la première place
dans le cœur d’un homme, ou, à défaut, la deuxième, si la première est occupé
par sa mère. Mais, il faut croire que l’amour n’est pas fait pour moi.
-
Je
suis prêt à te le donner cet amour.
-
Tu
dis ça aujourd’hui. Demain tu ne tiendras pas le même discours.
-
Mes
sentiments ne changeront pas en une nuit.
-
C’est
une façon de parler. je veux dire que, aujourd’hui, tu veux bien m’offrir ton
amour, mais tu ne te projettes pas avec moi.
-
Tu
n’en sais rien.
-
Arrête
Kevin. Pourquoi tu t’amouracherais d’une fille comme moi ? Tu as tout pour
toi. Tu pourrais avoir toutes les filles de France, alors pourquoi sortirais-tu
avec moi ?
-
Tu
m’intéresses. Voilà tout. Tu n’es pas superficielle, et, en plus de la beauté,
tu as de l’esprit.
-
Tu
as bien appris ton texte. C’est bien.
-
Tu
n’arrives vraiment pas à croire que je t’aime pour ce que tu es ?
Elle ne répondit
pas et quitta le restaurant sous le regard surpris de Kevin. Il posa un billet
de 50€ sur la table, ce qui était bien plus que ce qu’il devait, et courut derrière
Léa. Il la vit entrer dans la gare. Il sauta le tourniquet pour ne pas la
perdre de vue. Elle s’apprêtait à entrer dans le train. Le signal sonore
retentit. Il courut aussi vite qu’il put. Les portes se fermèrent quand il
arriva devant elles. « Merde »
se dit-il. Il avait vraiment besoin de lui parler. Il sortit son téléphone et
appela Christopher. Il lui demanda à quelle gare descendait Léa pour rentrer
chez elle. Christopher répondit : gare
du nord. Kevin le remercia et monta dans le train qui venait d’arriver. Il
en avait pour trois stations.
Léa descendit du
train. Elle était heureuse d’avoir pu fausser compagnie à Kevin. Que lui
arrivait-il, bon sang ? Voilà qu’elle laissait un homme entrer dans sa vie
à nouveau. Bien sûr, elle avait fait une promesse à Christian, mais là, il était
bien au dessus de ses forces de la tenir. Son train ne partait que dans un
quart d’heure. Elle s’avança vers le quai puis s’arrêta net.
Kevin arriva à gare du nord. La gare était si grande,
il ne savait pas où se diriger. Il rappela Christopher et lui demanda de l’aider.
« Va en surface » lui
dit-il. Kevin se renseigna auprès des agents, qui lui indiquèrent le chemin. Il
regarda quel train allait chez Léa. Le premier à partir partait dans douze
minutes. Il courut à toute vitesse. Puis, il la remarqua. Cette fois, il n’avait
pas l’intention de la laisser partir. Arrivé à sa hauteur, il la retint par le
bras.
-
Qu’est-ce
que tu fais là ? demanda-t-elle surprise.
-
C’est
à moi de poser les questions. Pourquoi t’es partie comme ça ?
-
Il
est tard, on se lève tôt demain. Il faut que je rentre.
-
Ne
me prend pas pour un imbécile. S’il était vraiment tard, tu me l’aurais dit et
on serait parti. Ou mieux, tu n’aurais pas accepté qu’on dine ensemble. Je ne
te comprends plus Léa.
-
Je
suis partie à cause de ce que tu as dit.
-
Quoi ?
Qu’est-ce que j’ai dit ?
-
Tu
as dit : « tu n’arrives pas à
croire que je t’aime pour ce que tu es ».
-
Oui.
Et alors ?
-
Alors
ne me dit pas que tu m’aimes Kevin. Je vais avoir envie de croire que ce tu dis
est sincère. Je vais vouloir te faire confiance et croire que je peux commencer
quelque chose avec toi. Mais, très vite, tu vas me faire mal et je ne vais pas
m’en remettre.
-
Je
te jure que je ne te ferai pas souffrir.
-
Arrête
Kevin. Tu ne sais pas de quoi l’avenir sera fait. Tu ne le feras probablement
pas exprès, mais ça va quand même me briser.
-
Je
voudrais tant que tu puisses de nouveau croire en l’amour.
-
J’ai
besoin de temps pour ça. Maintenant, il faut que je rentre. Une lourde journée
nous attend demain.
-
Okay.
Rentre bien.
-
Toi
aussi.
Elle regagna son
train qui était sur le point de partir. En voulant protéger son cœur brisé,
elle venait d’en briser un neuf.
2
Livre
d’or de Léa :
-
Police, ouvrez
la porte.
Dix heures du matin. Ça tambourine à la porte. Je
crois d’abord à un rêve mais je suis bel et bien éveillée. Je suis forcée
d’ouvrir avant que tout l’immeuble ne soit alarmé. Deux policiers se trouvent
devant ma porte en compagnie de mon petit frère de seize ans.
-
On aimerait
parler à vos parents.
Ce n’est pas une question. Ils l’exigent. Mes
parents n’auraient pas pu s’empêcher de mettre au monde l’imbécile qui me sert
de frère ?
-
Je suis désolée,
mes parents ne sont pas là. Que puis-je pour vous ?
-
C’est votre
frère ?
-
Hélas, dis-je.
-
On l’a pris en
flagrant délit de vol. Nous supposons que ce n’est pas la première fois. Est-ce
qu’on peut entrer ?
-
Pourquoi
faire ?
-
Vérifier qu’il
n’y a pas d’objets volés chez vous.
-
Vous supposez
que ces biens qui nous appartiennent auraient été volés par mon frère ?
-
Ce n’est pas
impossible.
-
Mon frère est
bête mais pas à ce point-là. S’il avait amené des objets volés ici, on s’en
serait aperçu. Vous ne croyez pas ?
-
Vous pensiez que
votre frère était au lycée mais ce n’est visiblement pas le cas. Vous ne savez
donc pas tout ce dont il est capable.
Touché. A quoi bon faire de la résistance ? De
toute façon, ils réussiront par obtenir un mandat de perquisition, et, c’est le
meilleur moyen de leur faire croire que mon frère est coupable.
-
Faites comme
chez vous.
Ils ne me le feront pas dire deux fois. Ils se
mettent à fouiller dans les coins et recoins de la maison sous mon regard
rempli de honte. Je ne cherche pas à leur interdire de pénétrer dans telle ou
telle pièce. Encore une fois, je dois leur faire croire que mon frère est
innocent. Face à ma non-opposition, les policiers décident de jeter un œil uniquement dans la chambre de mon frère. Ils
y trouvent mon ordinateur portable. Je leur dit qu’il n’est pas à mon frère.
Ils ont un doute et je tente de le faire disparaitre. « Un trou du cul » comme lui n’a aucun revenu. Où aurait-il
trouvé l’argent nécessaire pour acheter un ordinateur portable qui coute plus
de 600€ ? En disant cela, je pensais que ça jouerait en faveur de mon
frère, mais il n’en est rien. C’est même tout le contraire qui se
produit : étant donné que l’ordinateur se trouve, à cet instant précis,
dans la chambre de mon frère, les policiers pensent que ça fait parti des
choses que mon frère aurait éventuellement volé. Pour leur prouver que je dis
vrai, je leur montre le carton d’emballage de l’ordinateur. Ils demeurent
perplexes.
-
Franchement, si
mon frère avait vraiment volé cet ordinateur, comme vous persistez à le croire,
croyez-vous vraiment qu’il aurait pris la peine de prendre le carton
d’emballage ? Les voleurs gardent rarement les cartons d’emballage. Les
seuls endroits où on les trouve sont les magasins. Ou bien mon frère est très
intelligent pour voler quelque chose d’aussi gros qu’un ordinateur dans un
magasin sans qu’on ne le sache, ou bien, les personnes chargées de la
surveillance des magasins, sont assez bêtes pour ne s’être aperçus de rien.
Aucun ne prend la peine de me répondre, jugeant
probablement mon intervention stupide. Je les laisse vaquer à leurs occupations
pendant que je prépare mon petit déjeuner. Je m’installe au salon, devant la
télé, et déjeune avec ma petite sœur. J’allume la télé et choisis un programme
jeunesse de dessin animé. Ma mauvaise foi dirait que je choisis ce programme
pour épargner à ma petite sœur la violence de ce débarquement policier matinal.
Ma bonne foi dirait que j’adore les dessins animés malgré mon âge. Il n’y a pas
de mal à cela. Je les ai toujours aimés. Ils me font faire un bond dans le
temps, m’emmenant dans un monde que je regrette souvent et qui me manque malgré
le fait que je sache que je n’y retournerai jamais : le passé. Mon passé
n’est pas rose mais j’ai l’impression qu’il est meilleur que mon présent et
moins noir que mon avenir tout encore incertain. Ce qu’il y a de bien avec le
passé, c’est qu’on sait de quoi il est fait. L’avenir est trop flou. Quand au
présent, il devient aussitôt passé. Les dessins animés me permettent donc de
garder un pied dans le passé.
Je me souviens que chaque dimanche, en fin
d’après-midi, je regardais ça cartoon,
une émission jeunesse avec plein de dessins animés. Aujourd’hui, les dessins
animés ne sont plus aussi innocents qu’autrefois, mais, le monde change et nos
goûts sont forcés de suivre. Et moi, j’ai plus ou moins suivie.
-
Cassez-vous
maintenant, bande de fils de pute.
La réalité m’empêchera toujours de vivre heureuse
dans le monde fictif. L’abruti qui me sert de frère insulte les policiers qui
n’hésitent pas à lui mettre une raclée. J’augmente le volume de la télé afin de
couvrir les bruits – le but étant d’éviter ce genre de scène à ma petite sœur -
et vais voir ce qui se passe. Ils n’y vont pas de main morte. Je m’interpose,
leur demandant de laisser mon frère tranquille car, après tout, il n’a que
seize ans. L’une des femmes policières me demande de ne pas m’en mêler.
Seulement, je ne peux pas rester les bras croisés pendant qu’on frappe mon
frère aussi stupide soit-il.
-
Arrêtez,
j’ordonne. Vous n’avez pas le droit de le frapper.
-
Votre frère nous
insulte et on ne devrait pas réagir ?
-
Je vous ai déjà dit
que mon frère n’est pas très futé, que voulez-vous de plus ? Je ne
cautionne pas ce qu’il fait mais ce n’est pas une raison pour que vous le
frappiez.
Ils continuent de fouiller. Ne trouvant rien, ils
finissent par s’en aller, à mon grand bonheur, me demandant de prévenir mes
parents dès leur retour. Une chose est sûre, je n’ai jamais eu aussi honte de
toute ma vie. J’aimerai tellement partir d’ici. J’en ai marre de ce quartier,
j’en ai marre de la cité. Comment voulez-vous que je me construise un avenir
dans une ville où les rêves ne sont pas permis ? Je laisse mon regard
s’attarder sur cette cité qui brise tous mes rêves. J’aperçois des enfants,
âgés de moins de dix ans, jouer. Il est à peine dix heures du matin. Plus que
jamais, j’ai envie de changer de vie.
Léa venait de
perdre un temps fou. Elle se sentait tellement mal à l’aise. Elle rêvait d’une
vie où tout serait facile, loin de la violence. Finalement, son père arriva.
Elle lui annonça la bonne nouvelle.
Il s’énerva. Léa n’avait que faire de son cinéma, elle savait que, par la
suite, il ne dirait rien au principal concerné. Il partit pour le commissariat,
et, elle attendit le retour de sa mère qui entra au bout de trois quart d’heure.
Elle lui raconta ce qui s’était passé. Elle sentait la honte gagner sa mère,
même si celle-ci n’en laissa rien paraitre. Elle se prépara, et partit au
mariage de son ami.
Sara était
presque prête. Il ne lui manquait plus qu’à enfiler sa robe. Elle était
néanmoins d’une humeur massacrante. « Pourquoi
les femmes qui se marient sont toujours d’aussi mauvaise humeur »s’interrogea
Léa. « Est-ce le signe que leur
mariage sera voué à l’échec ? Si un jour je suis amenée à me marier,
j’espère être de meilleure humeur le jour j ». Léa passa entre les
mains du coiffeur, du maquilleur et de l’habilleur. Au bout de deux heures,
elle était très belle. Sara lui demanda de voir avec Kevin s’il avait bien les
alliances, et si tout était au point. Elle en profita pour écrire un mot à
Kevin que Léa devra lui transmettre. « Quelle
plaie ! ». Elle n’avait aucune envie de voir Kevin pour le
moment. Elle aurait préféré le voir pendant la cérémonie. Pas avant. Elle
descendit dans la loge de Kevin, frappa et attendit qu’il l’invita à
entrer :
-
Salut,
j’ai un message de Sara pour toi.
Quand leurs
regards se croisèrent, leurs cœurs s’emballèrent. Ils furent, tous deux,
agréablement surpris par l’attirance qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre.
-
Salut,
répondit Kevin.
-
Tiens,
dit-elle en lui tendant le message.
-
Je
te remercie, répondit-il en lui effleurant la main.
Il répondit au
mot de Sara. Léa dut faire un effort insurmontable pour résister à l’envie de
l’embrasser. Lorsqu’il lui rendit le bout de papier, et qu’elle le vit si
irrésistible, elle se dit qu’elle devrait peut-être sortir avec lui, tout
compte fait. Pourtant, ses blessures se ravivaient à chaque fois qu’elle était
près de lui. L’amour était décidément trop compliqué.
-
Tu
es ravissante, la complimenta Kevin.
-
Je
te remercie. Tu n’es pas mal non plus.
-
Seulement
« pas mal » ?
-
T’es
très beau.
-
Merci.
Tu m’as manqué hier soir. Je n’ai pas cessé de penser à toi.
-
C’est
gentil.
-
Et
là, j’ai vraiment envie de t’embrasser.
Elle ne le lui
fera pas dire deux fois.
-
Je
suis désolée, dit-elle au moment où leurs lèvres se séparèrent.
-
Pourquoi ?
-
Je
ne peux pas te donner ce que tu attends de moi.
-
Ce
n’est pas la peine que j’insiste ? Tu ne changeras pas d’avis.
-
Non,
n’insiste pas. Bon, j’y vais. La mariée a probablement besoin de moi.
-
Okay.
Elle quitta la
loge de Kevin. Avant qu’elle n’aille plus loin, il la rappela.
-
Tu
n’oublis rien ? demanda t-il.
-
Non.
Enfin, je ne crois pas.
-
Dis
à Sara que les alliances sont avec moi.
-
Ah
oui, les alliances. Okay. C’est noté.
« Quelle idiote je suis, pensa Léa. Qu’est-ce qui m’a pris de l’embrasser ?
Après tous les efforts que j’ai faits pour lui résister, il a fallu que je lui
cède maintenant. A quoi bon faire des pactes avec soi-même si on n’est même pas
fichu de les respecter ? Promis, je ne tomberai plus jamais amoureuse.
L’amour fait plus de mal que de bien et ce n’est pas pour moi ».
En sortant de la
loge de Kevin, Léa s’attendait presqu’à voir des confettis tomber du plafond.
Elle s’attendait aussi à voir les amis de celui-ci débarquaient dans la loge,
champagne à la main, pour le féliciter de sa technique de drague très au point.
Mais ce ne fut pas le cas. Et, elle en fut que plus heureuse.
La cérémonie
avait lieu à la mairie. Kevin et Léa avancèrent d’un même pas. Quelques temps
après, Christopher fit son entrée. Sara entra quelques instants plus tard. Elle
fut accueillie par quelques flashs qui manquèrent à peine de l’aveugler. Le
maire fit son éternel discours que Kevin et Léa connaissaient désormais par
cœur à force de l’avoir entendu. Christopher et Sara échangèrent vœux et
alliances, et firent unis à vie par les liens sacrés du mariage. Certains des
invités furent émus par la cérémonie, d’autres étaient heureux de voir des gens
s’aimer. Seule Léa restait sceptique quant à cette union. Bien sûr, c’était
beau de se marier, mais, où était le vrai but du mariage ? Autrefois, il
avait plus de valeurs et de sens. De nos jours, on se mariait pour un oui ou pour un non
et on divorçait aussi pour les mêmes raisons. La fête avait ensuite lieu
dans une salle. Comme de coutume, les jeunes mariés devaient ouvrir le
bal. L’orchestre se mit à jouer un air.
A la grande surprise de Léa, Kevin et une charmante jeune femme s’avancèrent
vers la scène et se mirent à chanter :
Un regard, un sourire
Cela
suffit pour me rendre heureux
Et quand je croise ton regard Alors
je vois la vie en rose
Veux-tu me promettre d’être toujours là pour
moi ? Vider la piste
et… m’inviter à danser ?
C’est comme prendre les étoiles et les disperser au
fond de tes yeux C’est braver les obstacles, franchir toutes les barrières,
pour être heureux
Et quand tu m’enlaces très fort,
j’ai envie de t’aimer plus fort Donc
montre-moi que tu m’aimes Montre-moi
que tu m’aimes Montre-moi
que tu m’aimes.
Un regard, des mots doux Cela suffit pour que mon cœur s’emballe Je
vois en toi, l’amour de ma vie J’ai
envie de t’aimer toujours Même si tu doutes de ma
sincérité Je
te promets que je ne jouerai pas avec toi
C’est comme prendre les étoiles et les disperser au
fond de tes yeux C’est braver les obstacles, franchir toutes les barrières,
pour être heureux
Et quand tu m’enlaces très fort, j’ai envie de t’aimer plus fort Donc montre-moi que tu m’aimes
Montre-moi que tu m’aimes
Montre-moi que tu m’aimes
Oh, je ne sais pas ce que je ferai sans toi, amour
de ma vie Ma vie
serait, trop vide de sens Tu
me donnes tant d’amour, que j’aimerai pouvoir te rendre Car ma vie sans toi, ne
pourrait être la même, non.
C’est comme
prendre les étoiles et les disperser au fond de tes yeux C’est braver les
obstacles, franchir toutes les barrières, pour être heureux
Et quand tu m’enlaces très
fort, j’ai envie de t’aimer plus fort
Donc montre-moi que tu m’aimes
Montre-moi que tu m’aimes Montre-moi
que tu m’aimes
-
Qu’as-tu
pensé de cette chanson ? demanda Kevin à Léa.
-
Bof,
répondit-elle. Elle ne m’a pas impressionnée.
-
Je
suis pourtant sûr du contraire.
-
Crois-ce
que tu veux.
-
Ça
t’écorcherait la langue de dire quelque chose de gentil à mon sujet ?
-
Oui.
-
Je
vais devoir faire avec. En attendant, si sa majesté veut bien se donner la
peine de danser avec moi.
-
Je
ne te ferai pas ce plaisir.
-
Je
le sais. Seulement, il fallait y penser avant d’accepter d’être le témoin de ce
mariage. En acceptant ce rôle, tu as accepté de danser avec moi.
Un éclat de rire
se fit entendre dans la salle. Celui de Léa. Elle riait devant le comportement
de Kevin. « Il aurait pu trouver un
meilleur argument pour m’inviter à danser » pensa-t-elle. Autour
d’elle, des visages se tournèrent. Elle avait dû rire trop fort. Embarrassée,
elle accepta malgré elle la proposition de Kevin. Au grand bonheur de celui-ci.
A sa grande surprise, Kevin dansait parfaitement bien. Il profita de ce rapprochement pour en savoir
davantage sur les relations passées de Léa. Elle resta brève sur le sujet,
laissant toutefois entendre qu’elle avait souffert à cause des hommes et
qu’elle ne voulait plus que cela se reproduise. Avant même la fin de la
chanson, Léa se détacha de Kevin. Elle s’excusa et prit place sur la scène,
prête à chanter :
-
Bonjour
à tous. Je souhaite tout le bonheur du monde à Sara et Christopher. Pour leur
prouver ma sincérité, voici une petite chanson que j’ai composée. J’espère
qu’elle vous plaira.
Son regard a réveillé mes plus grandes peurs Son sourire a trouvé place dans mon petit
cœur Mais sera-t-il capable d’atténuer la
douleur ? Pourra-t-il
mettre fin à tous mes petits malheurs ?
Je me sens transportée dans un monde meilleur Je sens sa
présence et ça me fend le cœur Il a apaisé mes craintes, égayé ma vie Serai-je capable de me donner à lui ?
J’ai cessé d’y croire, je ne voulais plus
souffrir Même si ses
intentions étaient vraiment sincères Je n’voulais pas lui donner la chance d’me
détruire Je ne voulais pas redescendre aux enfers
J’aimerai fermer les yeux, me laisser aller J’aimerai arrêter de tout nous compliquer J’aimerai
qu’il me dise, pour simple vérité Qu’auprès de moi, il resterait à jamais
Les souvenirs reviennent et mettent en évidence Que je ne peux
plus me passer de sa présence Il est
mon obsession, durant ses absences Il laisse mon cœur et tout mon être en
souffrance
Dois-je tirer un trait sur mes vrais
sentiments ? Où dois-je lui
dire ce que je ressens vraiment Dois-je donner une énième chance à
l’amour ? Dois-je fermer mon cœur, aujourd’hui, pour
toujours ?
Kevin monta sur
la scène et rejoignit Léa sur cette chanson :
Je panserai toutes tes blessures Je détruirai toute l’armure Qui a embrigadé
ton cœur
Pour apaiser toutes tes douleurs
Ne pense pas que l’amour soit vain Je
t’aiderai à tracer le chemin Qui te
mènera directement au bonheur Qui te délivrera de toutes
tes douleurs
Léa et Kevin
s’interrompirent devant les yeux ébahis de l’assistance. Pendant un moment, ils
ne comprirent pas ce que tous ses regards noirs voulaient dire. Puis, ils se
souvinrent. Ils assistaient à un mariage mais chantaient une chanson qui
blâmait l’amour. La fureur de Sara ne se fit pas attendre :
-
Je
veux que tu quittes mon mariage immédiatement.
-
Je
te prie de m’excuser, Sara. Je ne sais pas ce qui m’a pris. J’ai eu un moment
d’égarement. Je n’aurai jamais dû faire ce que j’ai fait. Mille excuses.
-
Je
ne vais pas le répéter. Quitte tout de suite mon mariage.
-
Je
comprends ta colère mais réfléchis deux secondes : j’ai passé beaucoup de
temps à préparer ce mariage, tu ne vas pas m’exclure de la cérémonie pour une
si petite bêtise.
-
C’est
ce que tu crois ? Tu viens de gâcher le plus beau jour de ma vie, je ne
veux plus te voir.
-
Je
refuse.
-
Pardon ?
-
Je
refuse de m’en aller. Que vas-tu faire ? Me jeter dehors ?
Sans même
qu’elle ne s’y attende, une gifle monumentale atteignit la joue de Léa. Deux
secondes plus tard, Christopher était près de la scène, prêt à sermonner
Léa :
-
Ne
fais pas d’histoire Léa, va t-en, s’il te plait.
-
Christopher,
je suis consciente de ce que j’ai fait. Je ne le nie pas, seulement, je pense
avoir droit à une chance et …
-
Au
revoir Léa.
Blessée, elle
s’en alla sans faire d’histoire. Cette journée avait mal commencé et elle
s’achevait de la même façon.
3
Après le fiasco
qu’elle a provoqué au mariage de Christopher et Sara, Léa avait décidé de
rester enfermée trois jours chez elle avec sa culpabilité. Finalement, elle prit
la décision d’aller voir Christian, qui lui remonterait peut-être le moral.
-
Reconnais
que tu y es allée un peu fort.
-
Je
te remercie Christian. Tu sais vachement me remonter le moral. Tu crois que je
ne suis pas assez mal comme ça ?
-
Je
sais que tu es mal. En même temps, tu l’as bien cherché. Qu’est-ce qui t’a pris
de chanter ça ?
-
Je
n’en sais rien. J’ai improvisé. Ce n’était pas la chanson que j’avais prévu de
chanter. Il fallait que ça sorte.
-
Tu
as envie qu’on parle ?
-
De
quoi voudrais-tu qu’on parle ?
-
De
ce que tu as sur le cœur.
-
Mon
cœur va très bien. Je te remercie de t’en soucier.
-
Tu
sais très bien où je veux en venir.
-
Que
veux-tu que je te dise ? Que je souffre de ne pas être aimée à ma juste
valeur, que ce manque d’amour me rend aigrie et je suis tellement désespérée
que je doute de retrouver l’amour ? C’est ce que tu veux entendre ?
-
Je
veux que tu sois heureuse, et, tant que tu ne le seras pas, je ne pourrais
l’être non plus. Si je ne suis même pas en mesure de t’aider, qui pourra le
faire ?
-
Je
sais tout ça. Et, c’est réciproque. Je suis juste un peu perdue mais ça va
aller, ne t’inquiète pas.
-
D’accord.
Sinon, vous en êtes où Kevin et toi ?
Ding dong.
C’est ce qu’on
appellerait être sauvé par le gong. Cricket alla ouvrir la porte. Léa distingua
des voix masculines. Elle pensa qu’il s’agissait d’un des jumeaux de son ami.
Lorsqu’elle reconnu l’identité du mystérieux visiteur, elle faillit tomber à la
renverse.
-
Bonjour,
la salua Kevin.
-
Salut.
Je suis contente de te voir.
Kevin lui tendit
un bouquet de fleurs. Elle hésita avant de l’accepter, surprise par un tel
geste. Jamais, au grand jamais, on ne lui avait offert des fleurs. D’ailleurs,
elle était incapable de dire quelle variété de fleur elle avait entre les
mains. Elle remercia son ami et mit les fleurs dans un vase.
-
Je
viens de me rappeler que j’ai rendez-vous avec Christophe et Mickaël, mentit
Christian pour laisser son amie seule avec celui qu’elle aime. Tu fermeras en
partant ?
-
Pas
de soucis.
-
Au
besoin, tu sais où est ma chambre, murmura-t-il à l’oreille de son amie.
-
Ça
ne se voit pas vu de l’extérieur mais je suis morte de rire. C’est fou ce que
tu es drôle.
-
Si
on ne peut plus rigoler …
-
Dans
ce cas, rigole quand tu fais des blagues.
-
J’y
penserai pour la prochaine fois. Kevin, ça m’a fait plaisir de te revoir. A
bientôt.
Kevin et Léa se
trouvèrent enfin seuls.
-
Comment
tu as su que j’étais ici ? demanda Léa.
-
J’ai
fait confiance à mon instinct qui m’a guidé jusqu’à toi.
-
Je
réitère ma question : comment as-tu su que tu me trouverais ici ?
-
A
dire vrai, je ne le savais pas. J’ai tenté ma chance. Si quelqu’un pouvait
savoir où tu te trouvais, c’était bien Christian. J’étais venu dans le but de
le lui demander.
-
Tu
n’es qu’un piètre menteur, Kevin.
-
Je
te dis la vérité.
-
Dans
ce cas, si tu ne savais que tu allais me trouver ici, comment se fait-il que tu
avais un bouquet avec toi ? Tu aurais pu mettre du temps avant de me
trouver.
-
Quelle
perspicacité ! Tu as raison. Christian m’a prévenu que tu serais là, je
devais te retrouver quelque temps après ton arrivée.
-
Et
tu es arrivé dès que ton nom a été prononcé. Si ça ce n’est pas de la
coïncidence, je ne m’y connais pas.
-
Qu’est-ce
que tu vas chercher ?
-
Rien.
Je disais ça comme ça. Au fait, comment s’est terminé le mariage ?
-
Relativement
bien. A ce propos, qu’es-ce qui t’a pris de provoquer un scandale pareil ?
-
Je
n’en sais rien. Ce n’était pas volontaire.
-
Encore
heureux. Il ne manquerait plus que tu ais tout planifié à l’avance.
-
Arrête,
je ne suis pas ce genre de personnes. Je ne sais vraiment pas ce qui m’a pris.
J’irai présenter mes excuses à
Christopher et Sara à leur retour de voyage de noces.
-
C’est
le moins que tu puisses faire. Bien que je doute que Sara te pardonne.
-
T’as
fini de me blâmer ? Tu crois que je ne suis pas assez mal comme ça ?
-
J’ai
des doutes.
-
Je
peux savoir pourquoi ?
-
A
première vue, tu n’es pas le genre de personnes à avoir des remords.
-
Je
ne sais vraiment pas comment je dois le prendre.
-
Excuse-moi.
Je ne voulais pas te vexer.
-
Le
mal est fait.
-
Je
suis désolé.
-
Maintenant,
c’est à mon tour d’avoir des doutes.
-
On
va continuer ce petit jeu encore longtemps ?
-
A
toi de me le dire.
-
Quoi
que je dise, tu ne m’écouteras pas. Comme toujours. Tu n’en fais qu’à ta tête.
-
Et
je l’assume complètement.
-
Tu
as toujours des sentiments pour Christopher ?
C’est ce qu’on
appelle passer du coq-à-l’âne.
-
Pourquoi
tu me demandes ça ?
-
Tu
réponds toujours aux questions des autres par d’autres questions ? Je te
demande ça parce que tu refuses mes avances et parce que tu as tapé un scandale
à son mariage ? Ceci pourrait expliquer cela.
-
Comme
tu es drôle. Je ne suis pas forcée de tomber sous ton charme. Et, entre
Christopher et moi, c’est fini depuis bien longtemps. Il n’y aura plus jamais
rien entre nous.
-
J’apprécie
ton franc-parler. Ecoute, tu n’es pas très disposée à discuter avec moi. Je
vais te laisser, on discutera peut-être une autre fois.
-
Non.
-
Quoi
non ?
-
Je
ne veux pas que tu partes.
-
Je
pensais m’y connaitre en matière de femmes mais là je suis complètement paumé.
-
C’est
fait exprès. Tu es tout ce que je déteste chez un homme. Je te trouve arrogant,
prétentieux, imbu de ta personne, fier. Et j’en passe, c’est des meilleurs.
-
Ça
a le mérite d’être clair.
-
Et,
d’un autre côté, je me sens toute chose quand tu es dans les parages.
-
Si
je m’approche de toi et que je t’embrasse, je risque de m’en prendre une
belle ?
-
Tente
ta chance et tu verras.
C’est ce qu’il
fit. Léa ne tenta rien contre lui, et se laissa faire.
-
Et
maintenant, que va-t-il se passer ? demanda Kevin.
-
L’avenir
nous le dira.
-
T’es
vraiment une fille exceptionnelle. T’es la femme parfaite, je regrette de ne
pas t’avoir connu plus tôt, et maintenant, j’ignore si je pourrais vivre sans
toi. Je t’aime.
-
Il
t’a vraiment dit ça ? demanda Cricket.
Léa venait de rejoindre Cricket et ses
frères au pub et leur raconta ses aventures avec Kevin.
-
Si
je te le dis.
-
Qu’est-ce
que tu as répondu ?
-
Je
ne m’en souviens plus, mentit Léa.
-
Qu’est-ce
que tu lui as répondu ? répéta Cricket.
-
Rien.
Je l’ai mis à la porte et je suis venue ici.
-
Tu
n’as absolument rien retenu de notre discussion de l’autre jour.
-
Si,
j’en ai retenu un certain nombre de choses mais je ne les applique pas.
-
Léa,
intervint Mickaël, honnêtement, qu’est-ce que tu lui reproches à ce
Kevin ?
-
Tout.
Le simple fait qu’il existe est un reproche.
Léa regretta
aussitôt sa remarque et tenta de se rattraper.
-
Il
est arrogant, fier, prétentieux, il se croit irrésistible. Enfin, tout ce que
je déteste chez un homme. T’es bien placé pour le savoir.
-
En
d’autres termes, tu l’aimes.
-
Tu
m’écoutes quand je parle ? Je le saurai si je l’aimais.
-
Tu
l’aimes mais tu refuses de l’admettre. Tu te mens à toi-même. Il n’y a qu’à te
regarder quand tu dis son nom : t’as les yeux qui brillent. Tu l’aimes,
j’en suis certain.
-
N’importe
quoi.
-
Je
te connais Léa. Pas aussi bien que mon frère, je te l’accorde, mais, pour être
aussi sorti avec toi, je te connais un minimum.
-
Si
tu le dis.
-
Dis-moi
une chose de bien que tu trouves chez ce Kevin.
-
Il
habite à Bordeaux.
-
Je
suis mort de rire. Imagine que ce soit l’homme de ta vie et que tu le laisses
filer.
-
C’est
qu’il n’était pas l’homme de ma vie.
-
J’abandonne.
Christian prend la relève.
-
A
quoi bon ? Elle ne m’écoute jamais. Si elle veut continuer à être
malheureuse, elle est sur la bonne voie. Si elle veut trouver le bonheur, elle
sait ce qui lui reste à faire.
Un mouton, deux
moutons, trois moutons … allongée sur son lit, Léa n’arrivait pas à dormir. Les
paroles de Christian et Mickaël résonnaient dans sa tête. Après réflexion,
Kevin n’était pas si mal. Dans le fond, elle refusait de se l’admettre mais,
elle était bel et bien amoureuse de lui. Amoureuse comme elle ne l’avait jamais
été. D’un côté, elle voulait se préserver d’autres déceptions mais de l’autre,
en refusant l’amour de Kevin, elle passait à côté du bonheur. Que devait-elle
faire ? La nuit lui porterait peut-être conseil. Sept cent trente et un
moutons, sept cent trente-deux moutons, sept cent trente-trois … Bonne nuit.
Dix-sept jours
plus tard, Léa se décida à rendre visite à Christopher et Sara. Il était plus
que temps qu’elle s’excuse du carnage qu’elle avait provoqué à leur mariage.
Elle avait mis du temps à se décider, mais, mieux vaut tard que jamais.
-
Salut
Christopher. J’aimerai vous parler.
-
Entre,
ordonna-t-il froidement.
C’est ce qu’elle
fit. Sara était installée dans le canapé, en train de lire un livre :
-
Bonjour
Sara.
Silence.
-
Je
ne vais pas vous déranger longtemps. Je tenais sincèrement à vous présenter mes
excuses pour le carnage que j’ai provoqué à votre mariage. J’ignore ce qui m’a
pris et je n’aurai jamais dû gâcher le meilleur jour de votre vie. Je suis
sincèrement désolée. Je ne vous demande pas de me pardonner ni même de me
comprendre, je … je ne sais pas quoi dire d’autre. Je vous demande pardon.
-
Qu’est-ce
qui t’arrive Léa ? Je ne te reconnais pas, dit Christopher.
-
Je
ne sais pas. Je ne le comprends pas moi-même.
-
Je m’attendais à une réponse plus convaincante. Tu
nous dois bien ça.
-
Je
suis un peu perdue en ce moment. Je ne sais plus où j’en suis. Je suis désolée,
je n’ai que cette réponse à vous fournir.
-
Tu
m’excuseras mais ça ne suffira pas. Après avoir gâché notre mariage, tu ne vas
pas t’en sortir aussi facilement.
Léa sentit une
larme coulait le long de sa joue. Elle décida de quitter les lieux.
-
Attends,
ordonna Sara qui n’avait pas ouvert la bouche jusque-là.
-
Oui ?
-
Qu’est-ce
que tu ressens pour Kevin ?
-
Je…
Euh… C’est une question assez déroutante.
-
Tâche
d’y répondre. Tu me dois bien ça.
-
Je
suis totalement folle de lui. Il m’obsède du matin au soir. Il a beau m’énerver
par moment, à d’autres, j’ai envie de
l’étouffer sous mes baisers. Je le déteste autant que je l’aime. Il me rend
folle.
-
C’est
tout ce que je voulais attendre. Chéri, dit-elle à l’intention de Christopher,
sois gentil, va-t-en. Nous devons parler entre filles.
Léa et Sara
restèrent discuter ensemble durant des heures. Léa évoqua ses véritables
sentiments à l’égard de Kevin, Sara fit l’éloge de celui-ci. Elle parvint à
persuader Léa que Kevin était l’homme qui lui fallait.
-
Si
tu veux vous donner une chance, il va falloir te dépêcher. Kevin prend le train
pour Bordeaux, dans exactement - elle consulta sa montre - une heure.
-
Mince.
A quelle gare est-il ?
-
Gare
de Lyon.
-
Je
n’y serai jamais. Vu la circulation à cette heure-ci, je vais me prendre tous
les bouchons.
-
Je
t’emmène en voiture. Dépêche-toi.
La chance
n’était pas au rendez-vous. Il y avait effectivement plein de bouchon, et,
lorsque la circulation redémarrait, Sara avait droit à tous les feux rouges. Finalement,
ils arrivèrent à la gare dix minutes avant le départ du train. Sara appela
Kevin pour savoir sur quel quai se trouvait son train. Deux minutes plus tard, elles
avaient enfin pu mettre la main sur lui.
-
Je
ne m’attendais pas à te voir, dit-il.
-
Je
ne savais pas que tu partais aujourd’hui.
-
Je
pensais que tu n’en avais pas grand-chose à faire, déclara Kevin. Surtout après
la façon dont s’est terminé notre dernier tête-à-tête.
-
Je
veux que tu restes, avoua Léa. Je sais qu’entre nous ça n’a pas commencé sous
les meilleurs hospices, mais, je crois en nous, et je veux nous donner une
chance.
-
Je
ne sais vraiment pas sur quel pied danser avec toi.
-
Je
le sais. Je dois mettre de l’ordre dans ma tête.
-
Et
maintenant ? Elle te dit quoi ta tête ?
-
Elle
me dit que si je te laisse partir maintenant, je risque de m’en mordre les
doigts. Je veux que tu restes.
-
Tu
te moques de moi ?
-
Non.
-
Je
suis désolé, Léa, mais, ce serait trop simple. Un jour tu es douce comme un cœur
et, le lendemain, tu es aussi dur que le roc. Je ne sais pas qui tu es dans le
fond. Et, si je dois commencer une histoire avec quelqu’un, j’aimerai que ce
soit avec quelqu’un que je connaisse un minimum. Maintenant, tu m’excuseras
mais j’ai un train à prendre.
-
Je
comprends. Pardon de t’avoir fait perdre ton temps.
Kevin regagna le
train qui ne tarda pas à démarrer. Léa vit celui qu’elle aimait s’en aller. Le
cœur gros, elle se mit à pleurer.
4
Le retour à la
réalité fut assez violent pour Léa. Elle se retrouva, de nouveau, dans la cité,
là où ses rêves avaient commencé à se briser. Elle rejoignit ses copines dans
l’espoir qu’elle lui fasse oublier son chagrin. Encore une fois, elle fut
frappée par la violence de la réalité :
-
Il
parait que tu sors avec un toubab[1],
dit Halima. C’est vrai ?
-
Il
parait qu’on va tous crever en 2012. Tu penses que c’est vrai ?
-
Pourquoi
tu recommences à faire la fille méprisante ? Je t’ai posé une question. Tu
me dis oui ou non. Fin de la discussion.
-
Je
ne sors avec personne.
-
Pourtant
c’est le bruit qui court de source sûre. Mes indicateurs ne seraient pas des
menteurs ?
-
Et
moi j’en serais une ?
-
T’es
chiante. Répond simplement à ma question. On se connait depuis toute petite. Si
tu ne nous dit pas la vérité, à qui vas-tu la dire ?
-
Elle
a raison, renchérit Samia. Avant, on se disait tout, mais, depuis que tu
traines avec les gens du lycée, tu nous zappes. On ne sait pas ce qu’on a fait
pour mériter ça.
-
Ce
n’était pas volontaire. Je vous rappelle que vous avez aussi vos amis du lycée,
ce n’est pas pour autant que je vous le reproche.
-
Ouais
mais, ce n’est pas pareil. Nos amis sont comme nous. Les tiens ne sont pas
comme nous.
-
Va
au fond de ta pensée, Samia.
-
Ce
sont des petits blancs tes amis, des fils à papa, des gens méprisants. On n’est pas comme ça,
nous. Faudrait pas que tu oublies d’où tu viens, Léa. D’ailleurs, tu es en
train de devenir comme eux.
-
Je
ne deviens pas comme eux, je deviens moi-même. Nuance. Et, si vous donniez une
chance à mes amis, vous verrez que ce sont des gens biens, pas ces monstres que
vous décrivez.
-
On
préfère s’en tenir à nos opinions.
-
Libre
à vous de vous enfermer dans vos préjugés.
-
Je
vois où tu veux en venir, Léa. Ça a failli marcher mais, on n’oublie pas le but
de notre discussion. Tu sors avec un blanc,
oui ou non ?
-
Je
te dis que non. On a juste flirté ensemble. Rien d’autre. Ça s’arrête là.
-
Il
ne veut pas de toi ?
-
Non.
-
Tu
vois que ça ne marchera jamais entre un blanc et toi, Léa. Redescends de ta
bulle. Autrefois, on était leurs esclaves. Tu crois qu’aujourd’hui on peut être
leur femme ? Arrête de rêver. Ils ne nous voient pas comme ça. Pour eux,
on restera toujours des moins que rien. A ton avis, pourquoi le racisme
persiste encore ? Parce que les blancs continuent de nous mépriser. Je dis
ça pour toi Léa. Plus vite tu auras ouvert les yeux, plus vite tu trouveras ton
bonheur. Mais pour ça, il faut voir la vérité en face. Et ta vérité ne se
résume pas aux Jean-Jacques, Claude ou
Pierre.
-
Ne
fais pas d’une minorité une généralité.
-
Parfois
l’aveugle voit mieux que le voyant.
Léa ne l’aurait
jamais avoué devant ses amis d’enfance, mais, elle devait reconnaitre qu’il y
avait du vrai dans ce qu’elles disaient.
La première
chose que fit Kevin lorsqu’il arriva à Bordeaux, fut d’aller draguer sur la
plage. Conscient de son pouvoir de séduction, il comptait bien l’utiliser pour
oublier Léa dans les bras d’une autre. Il n’eut aucun mal à trouver celle qui
lui permettrait de panser ses peines de cœur. Pour cause, Bethany l’avait
dragué avant son départ pour la capitale.
-
Il
y a une chose que j’ai longtemps cherchée sur Paris, mais, que je n’ai jamais
trouvée, c’est la beauté de ton sourire.
-
Tu
es trop mignon, Kevin. Alors comme ça, aucune parisienne n’était à ton
goût ?
-
Jour
et nuit mes pensées t’étaient destinées. Le soir, je regardais les étoiles et
je les baptisais toutes Bethany.
-
Tu
sais que je t’aime quand tu me dis des belles choses ?
-
Je
le sais.
-
Mes
parents sont en week-end. J’ai l’appartement pour moi toute seule, et, je
trouve que c’est trop grand pour une seule personne.
-
Message
reçu cinq sur cinq, beauté.
Un à zéro en
faveur de Kevin. La preuve était faite que quelques belles paroles et un corps
de rêve suffisait à faire fondre certaines filles.
-
Je
persiste à croire que nous devrions faire quelque chose pour les aider, répéta
Sara.
-
Je
ne doute pas de tes intentions, admit Cricket, mais je connais Léa. Si on lui
force la main, elle se refermera davantage. Il vaut mieux laisser les choses se
faire.
-
Je
ne suis pas d’accord. Kevin aime Léa et Léa aussi. Seulement, ils sont tous les
deux trop orgueilleux pour l’admettre. Donc, nous, en tant qu’amis à l’âme
charitable, nous allons les aider à s’avouer leurs sentiments.
-
Je
te le répète, je connais Léa. Elle ne voudra jamais.
-
Tu
préfères qu’elle soit malheureuse pour le restant de sa vie ?
-
Bien
sûr que non.
-
Alors,
tu vas me faire le plaisir de convaincre Léa de retourner avec Kevin.
-
Tu
oublies qu’il est à Bordeaux. Léa ne pourra pas partir comme ça. Ses parents ne
l’admettront jamais.
-
Comme
si leur histoire n’était pas assez compliquée comme ça, il faut aussi que ses
parents s’en mêlent ?
-
Tu
ne sais rien de la vie de Léa. Ne la juge pas. En attendant, je vais essayer –
bien que ce soit perdu d’avance – de la convaincre de renouer avec Kevin.
-
Merci.
Léa s’était mise
à écrire dans son livre d’or. Son
cœur contenait trop de peines, pour aujourd’hui, qu’elle devait mettre sur
papier avant qu’elles ne la brisent. Dans le fond, ses copines avaient raison.
Jamais elle ne pourrait vivre quelque chose de sérieux avec Kevin. Après tout,
ils étaient trop différents. Ils venaient de deux mondes parallèles. Jamais, ô
grand jamais, ses parents n’accepteraient qu’elle vive une histoire avec un
homme blanc. La vérité, c’est qu’ils
étaient racistes. Il fallait appeler les choses par leur nom. Ses parents
n’accepteraient pas qu’elle salisse l’honneur de la famille. Elle devrait
épouser un homme noir, de la même ethnie qu’elle, du même pays, de la même
religion. Peu importe qu’il convienne à Léa ou non. C’était en partie l’une des
raisons pour lesquelles Léa avait toujours mis un frein à son cœur lorsqu’elle
rencontrait un nouvel homme. Elle savait que, si jamais elle tombait amoureuse
– d’un amour réciproque – et que les choses devaient aller plus loin, elle
serait contrainte de se séparer de celui qu’elle aime. Tôt ou tard, ç’aurait
fini par se savoir. A la cité, il était difficile de garder un secret plus de
cinq minutes. Sans compter que son père avait des dons de voyance et avait pu
le lui prouver en lui dévoilant des choses intimes que personne ne connaissait.
Non, elle devait rapidement oublier Kevin avant qu’il ne devienne son
obsession, autrement, son cœur ne survivrait pas à une prochaine et énième
blessure.
-
A
quoi tu penses ?
Silence.
-
A
quoi tu penses ? répéta Bethany.
-
Quoi ?
-
Je
t’ai demandé à quoi tu pensais. Tu avais l’air ailleurs. A quoi
pensais-tu ?
-
Rien
d’important. Je pensais à … ce n’est pas important.
-
D’accord.
Tu veux qu’on fasse quelque chose ?
Nouveau silence.
Kevin était visiblement ailleurs. Les différents appels de Bethany ne
suffisaient pas à le faire revenir à la surface de la terre. Ce qui n’était pas
le cas de la sonnerie de son portable.
-
J’écoute ?
-
C’est
Sara. Je veux que tu viennes me voir.
-
C’est
important ?
-
Si
ça ne l’était pas, je ne t’aurai pas appelé.
-
Tu
n’as pas un mari qui peut s’occuper de toi ?
-
Un
mari ce n’est pas un ami. Tu viens oui ou non ?
-
Non.
-
Comment
ça « non » ?
-
Tu
me prends pour une quiche ? Tu veux que je remonte pour voir Léa. Je ne
suis pas dupe.
-
Je
déclare coupable. Je t’en prie Kevin, je veux que tu reviennes. Je suis sure
qu’elle compte pour toi.
-
Je
ne comptais pas tant pour elle. Elle n’a pas essayé de me retenir.
-
Bien
sûr que si. Seulement, elle n’a pas su trouver les mots pour te garder. Aujourd’hui,
elle le regrette et voudrait te le dire.
-
Ne
te mêle pas de ça, Sara.
-
Je
suis d’accord avec Kevin, dit Bethany qui lui avait arraché le téléphone des
mains. Alors, t’es mignonne Sara mais tu nous laisses tranquilles s’il te
plait. Ciao.
Après qu’elle
ait raccroché, Bethany se tourna vers Kevin :
-
T’as
pas oublié de me dire quelque chose ?
-
Je
crois pas.
-
C’est
qui cette Léa ? Ta copine ?
-
Je
n’ai pas l’intention de t’en parler. Je devrais m’en aller.
-
Pas
avant que nous ayons discuté. J’en pince pour toi Kevin, et ce, depuis que tu
es de nouveau un homme libre. Je pensais que je te plaisais aussi, mais,
apparemment, je ne te servais qu’à panser ton chagrin d’amour. Tu t’es bien
servi de moi.
-
Et
après ? Tu voulais qu’on baise, on l’a fait. Ça s’arrête là. T’es comme
une pute mais en gratuite.
-
Va
te faire foutre Kevin. Tu sais quoi ? Je suis contente que ta copine ait
piétiné ton cœur. Tu ne devrais même pas connaitre l’amour puisqu’à chaque fois
tu bousilles tout. Je te souhaite d’être l’homme le plus malheureux au monde.
5
Bien qu’il n’y
croyait absolument pas au départ, Cricket avait fini par convaincre Léa d’aller
à Bordeaux. Elle se trouvait actuellement dans le train qui n’allait pas tarder
à entrer en gare. Elle avait passé la moitié du voyage à rêvasser, à imaginer
ses retrouvailles avec Kevin. Par-dessus tout, elle avait hâte de voir la tête
qu’il ferait lorsqu’il se rendra compte de sa venue. Elle avait tout comploté
en douce avec Christian et Sara. Cette dernière lui avait donné l’adresse des
parents de Kevin. En principe, elle n’aurait pas de mal à le retrouver.
Trente minutes
plus tard, elle frappa à la porte de la maison des parents de Kevin. Elle fut
d’abord surprise par l’immensité de la maison, et, l’espace de quelques secondes,
elle envia Kevin, qui, selon elle, avait une vie de rêve. On ne tarda pas à lui
ouvrir la porte. Une femme d’un âge avancé mais pas tellement lui ouvrit la
porte et se présenta comme étant la mère de Kevin :
-
Tu
dois être Léa ? Sara m’a prévenue de ta visite. Je t’en prie, entre.
Léa fut quelques
peu décontenancée devant la familiarité de cette femme. Elle n’était pas
habituée à ce que des inconnus l’invitent avec autant de gentillesse chez eux.
Il faut croire que la vie au soleil n’avait rien à voir avec la vie parisienne.
La mère de Kevin
l’installa dans une chambre aussi grande que le salon de ses parents. Léa ne se
sentait pas chez elle. Il y avait plus de luxe dans cette maison qu’elle n’en
verrait jamais de toute sa vie. A cet instant, elle se demanda si Kevin et elle
étaient vraiment faits pour être ensemble. Ils venaient de deux mondes
complètement différents.
-
Kevin
n’est pas là ? demanda-t-elle.
-
Non.
Il est à la plage. Comme chaque jour. C’est à dix minutes à pied et le chemin
est indiqué par des panneaux. Tu ne devrais pas te perdre.
-
Très
bien. Ça vous ennuie si j’y vais ?
-
Bien
sûr que non. Relax, tu es ici chez toi.
Elle s’éclipsa
rapidement. Décidément, elle n’était vraiment pas faite pour cette familiarité.
Elle n’eut pas
de mal à trouver la plage. Elle se mit à l’arpenter à la recherche de son
bien-aimé. Au vue du monde qu’il y’avait, trouver Kevin était comme jouer à Où est Charlie ? Elle continua de
le chercher mais c’était comme rechercher une aiguille dans une botte de foin.
Elle s’apprêtait à continuer quand une jeune femme, âgée d’environ vingt ans,
l’interpella :
-
Vous
avez l’air perdu ? Je peux vous aider ?
-
Je
ne sais pas. Je recherche une personne répondant au nom de Kevin. Vous le
connaissez ?
-
Oui,
on est très proches. Tu dois être Léa ? Kevin a beaucoup parlé de toi.
Si elle avait
était blanche, Léa aurait viré au rouge tomate.
-
Je
l’ignorais, dit-elle timidement.
-
Je
ne voulais pas te mettre mal à l’aise. Désolée. Au fait, je m’appelle Bethany.
-
Ravie
de te connaitre. Ça fait longtemps que tu connais Kevin ?
-
Oui,
d’ailleurs, ça m’étonne qu’il soit amoureux de toi.
-
Pourquoi ?
-
Parce
qu’il n’est pas le genre d’homme qui tombe amoureux. Kevin aime les filles. Il
n’est pas prêt à s’aventurer dans une histoire sérieuse.
-
Pourquoi
tu dis ça ?
-
Regarde
ce côté-là de la plage. Presque toutes les filles ont un jour rêvé de sortir
avec lui. Aucunes d’elles n’y est parvenues. Par contre, la grande majorité a
réussi à coucher avec lui.
-
Pourquoi
tu me racontes ça ?
-
Parce
que je ne veux pas que tu sois une victime de plus dans la liste des cœurs brisés de Kevin Kallan. Mais, j’ai
l’impression que c’est trop tard. Tu es déjà accro.
-
N’importe
quoi. Et puis, je n’ai aucune preuve de ce que tu avances. Tu pourrais être en
train de mentir.
-
Quel
intérêt aurai-je à te mentir ? Ecoute, Kevin Kallan a été le rêve et le
cauchemar de la moitié des femmes présentes en ce moment sur cette plage. Si tu
ne me crois pas, demande-leur.
-
Ce
ne sont pas des choses que l’on demande.
-
Dans
ce cas, après quelques jours passés ici, tu découvriras qui il est vraiment. Il
ne pourra pas être quelqu’un d’autre éternellement.
-
Dans
ce cas, le temps me le dira.
Elle se mit à
prier intérieurement pour que cette fille lui ait menti. Elle ne pouvait pas
croire que, les propos relatés par Bethany, soient la pure vérité. Le Kevin
qu’elle avait rencontré à Paris était tout sauf un coureur de jupon. Il était
certes un peu narcissique mais ça ne faisait pas de lui un homme qui saute sur
tout ce qui bouge.
-
Dis-moi,
Bethany, reprit Léa. Tu as couché avec Kevin ?
-
Il
n’y a pas moins d’une semaine pour tenter de panser la blessure que tu as
infligée à son cœur avant son retour.
-
De
quoi tu parles ?
-
J’avais
un faible pour Kevin avant son départ pour Paris mais il ne me regardait même
pas. A son retour, il m’a fait un numéro de rentre-dedans
et on a couché ensemble. Pendant qu’on reprenait notre souffle, Sara a
appelé pour lui parler de toi. C’est à ce moment-là que j’ai compris qu’il
s’était servi de moi.
-
Et
pour te venger, tu as décidé de me raconter des horreurs à son sujet ?
-
Si
ce que je te dis est horrible, l’homme que tu aimes, l’est. Je ne t’ai pas
menti Léa. Demande-le à Kevin, le voici.
Il lui tournait
le dos. Il faisait une partie de beach-volley avec ses amis. Il semblait
heureux. De temps à autre, il lançait des regards plus que langoureux à certaines filles de son équipe. A cet
instant, Léa sentit un pincement au cœur tout en éprouvant un sentiment de
jalousie. Jamais un homme ne l’avait regardé de la sorte. De plus, l’homme
qu’elle aimait, avait ce genre de comportement envers une autre qu’elle.
L’espace d’un instant elle pensa à remonter sur Paris, mais, un sifflement aigu
la tira de sa rêverie et elle croisa le regard de son bien-aimé. Elle se rendit
alors compte que c’est Bethany qui avait sifflé pour attirer l’attention de
Kevin.
-
Tu
as de la visite, lui cria-t-elle.
Il signala un
temps mort à ses amis qui se répartirent aussi vite un peu partout sur la
plage. Il s’avança vers Léa qui sentit presque le sol disparaitre sous ses
pieds.
-
Qu’est-ce
que tu veux ? demanda-t-il.
-
Te
voir, pardi. Cache ta joie.
-
Je
suis très content de te voir. C’est
juste que je ne m’y attendais pas.
-
C’est
le principe d’une surprise. Tout avait été secrètement organisé par Cricket et
Sara, avec la complicité de ta maman.
-
Tu
es là pour longtemps ?
-
Le
temps que tu voudras. Je commençais à m’ennuyer de toi. Je regrette de ne pas
avoir su te retenir. Laisse-nous une nouvelle chance s’il te plait.
-
Pourquoi
Léa ? Tu m’as fait mal. Tu m’as fait comprendre que je ne devais rien
attendre de toi. J’ai tourné la page.
-
Et
pour m’oublier, tu n’as rien trouvé de mieux que de me remplacer ?
-
Aucune
femme ne t’égale.
-
Même
pas Bethany ?
-
Elle
a encore jeté son venin. Tu ne vas pas croire tout ce qu’elle raconte ?
-
As-tu
couché avec elle ?
-
Tu
as fait tout ce chemin depuis Paris pour me demander ça ?
-
J’ai
fait tout ce chemin parce que je pensais que c’était une erreur de te laisser
partir. Arrivée ici, j’ai entendu plein de choses sur toi qui ne m’ont pas fait
plaisir.
-
Les
« on-dit » ont plus d’importances que ce que moi je te dis ?
-
T’es
ravi de me voir ?
-
A
ton avis ?
Pour la première
fois depuis son arrivée, Kevin sourit. Elle sourit également et l’embrassa.
6
La vie à
Bordeaux semblait plaire à Léa. Rectification : la vie à Bordeaux, auprès
de Kevin, semblait plaire à Léa. Elle avait choisi de se laisser aller, de ne
pas penser aux éventuelles répercussions de son histoire d’amour, et de ne pas
penser non plus à ce que les gens pourraient dire. Elle avait fini par se dire
que, Bethany, au même titre que ses copines d’enfances, jalousaient de la voir
enfin heureuse. Pourtant, elle avait appris que tout venait à point à qui savait
attendre. Et, elle estimait avoir attendu suffisamment longtemps, au point de
ne plus y croire. Kevin avait choisi ce moment-là pour apparaitre et contredire
ses idées.
-
Je
peux te poser une question ? demanda Kevin.
-
En
disant cela, tu poses déjà une question, fit remarquer Léa.
-
Oui
je sais. C’est une autre question que je veux te poser.
-
Tu
es libre de t’exprimer.
-
Qu’est-ce
qu’il t’a fait ton ex pour que tu lui en veuilles autant ?
Bam. La question
qui tuait. Léa hésita à répondre. Penser à Thomas réveillera forcément des
souvenirs douloureux. Aussi, c’était la raison pour laquelle elle avait décidé
de ne plus jamais parler de lui. A
personne. Elle choisit alors de rester évasive sur le sujet.
-
Rien
de plus qu’un autre homme. Il m’a fait souffrir, voilà tout.
-
En
d’autres termes ?
-
Je
n’ai pas envie d’en parler.
-
Pourquoi ?
-
Parce
que ça me fait mal.
-
Tu
l’aimes encore ?
-
Crois-tu
que si je l’aimais je serai ici avec toi ?
-
N’esquive
pas la question.
-
Je
n’esquive rien. J’ai fait plusieurs centaines de kilomètres pour être ici avec
toi. Ce n’est surement pas pour penser à quelqu’un d’autre quand je suis avec
toi.
-
Je
dois me contenter de cette réponse ?
-
Elle
ne te satisfait pas ?
-
Pas
du tout.
-
Désolée
mais c’est tout ce que j’ai.
-
Okay.
Quand tu seras plus bavarde, tu sauras où me trouver. Je vais sur la plage.
Sur ces mots, il
claqua la porte de sa chambre et s’en alla. Léa s’en voulait de ne pas tout
dire à Kevin, mais, en même temps, elle ne se dévoilait pas facilement. Elle
avait appris que, le meilleur moyen de détruire les gens était d’en savoir
beaucoup à leur sujet. Elle ne voulait pas laisser à Kevin le choix de la
détruire encore davantage.
Cela dit, elle
ne voulait pas non plus qu’il y ait de malentendus entre eux. Elle voulait
qu’il soit sûr des sentiments qu’elle lui destinait. Alors, elle courut
derrière lui dans l’idée de rétablir la vérité.
-
Ok,
tu as gagné. Je vais te dire toute la vérité.
-
Je
t’écoute.
-
Je
suis quelqu’un d’entier, Kevin. Je porte très peu de personnes dans mon cœur
mais quand j’aime, je ne fais pas semblant. Je me donne toute entière pour ceux
que j’aime car pour moi c’est comme ça que se passe. Soit j’aime énormément
soit pas du tout. Et j’ai réellement aimé Thomas. Je lui ai voué tout mon amour
mais il l’a piétiné. Il a décidé de me larguer au bout de huit mois. Or,
j’étais déjà amoureuse. Je n’avais plus qu’à me débarrasser de tout l’amour que
je lui destinais. Seulement, ça fait un mal de chien. J’ai pleuré des jours
entiers parce que je ne comprenais pas ce que les autres femmes avaient de plus
que moi pour qu’on ne me choisisse jamais. Dès lors, j’ai verrouillé mon cœur
pour que plus jamais il n’ait à souffrir. Tu as choisi ce moment-là pour
apparaître et me faire croire qu’on pouvait aussi m’aimer. J’ai assez donné
Kevin. J’ai mal. J’ai profondément mal. Si jamais on me brisait le cœur encore
une fois, je tirerai une croix définitive sur l’amour et je ne m’en remettrai
jamais.
Kevin ne trouva
pas les mots pour apaiser les souffrances de son amie. A défaut, il la prit
dans ses bras et se jura de ne jamais lui faire de mal.
-
Il
y a une fête sur la plage, ce soir. Ça te dirait d’y aller, histoire qu’on se
change les idées.
-
Oui.
Pourquoi pas. Ça pourrait être sympa.
En réalité, ce
fut tout sauf sympa. Le soir venu, Léa ne s’amusait guère à la fête. Kevin
l’ayant abandonné, elle se retrouva en compagnie de Bethany, qui, encore une
fois, voulait la convaincre de ne pas fréquenter Kevin. Elle avait même demandé
à plusieurs des filles présentes d’attester qu’elles avaient bel et bien couché
avec Kevin. La majorité des filles confirmèrent les dires de Bethany, au grand
dam de Léa.
-
Je
ne veux pas te faire de peine, Léa. Vraiment. Seulement, regarde par toi-même.
Regarde ton homme et dis-moi sincèrement si tu peux lui faire confiance.
Léa jeta un œil
en sa direction comme le lui avait indiqué Bethany. Il ne faisait pas que
s’amuser, il draguait ouvertement, et avait l’air d’y prendre plaisir. Elle
continua de l’observer, mais, rien dans ce qu’elle voyait n’avait à voir avec
l’homme dont elle était amoureuse. Il fallait qu’elle l’admette : Bethany
semblait avoir raison. Elle l’abandonna et fila d’un pas décidé en direction de
Kevin. Arrivée à sa hauteur, il ne lui prêta même pas attention. Elle demanda à
lui parler. Il l’envoya balader. Elle le fusilla du regard en réitérant sa
demande : il comprit qu’il avait tout intérêt à accepter. Ils se mirent un
petit peu à l’écart.
-
Je
veux rentrer, prétexta-t-elle.
-
Je
ne te retiens pas. Vas-y.
-
Tu
ne m’as nullement prêté attention ce soir. J’avais l’impression de ne pas te
reconnaitre. Tu n’étais plus cet homme gentil et attentionné que tu es quand tu
es avec moi.
-
C’est
tout ce que tu as à me dire ?
-
Non.
Je suis maintenant sûre que Bethany disait vrai. Tu aimes les femmes, tu es un
véritable séducteur. Et je doute que cette partie de ta personnalité colle avec
ma jalousie.
-
Qu’est-ce
que tu veux dire ?
-
Regarde-moi
droit dans les yeux et dis-moi qui tu es.
-
Tu
le sais déjà.
-
Je
veux te l’entendre dire.
-
Je
ne pourrais pas t’être fidèle. Je n’aime pas m’attacher aux filles. Je les
traite plus ou moins comme des objets, et, si possible, j’essaie d’en avoir une
différente chaque soir dans mon lit. Je suis un véritable Dom-Juan et j’ignore
si un jour je pourrais effacer cette partie de moi.
-
M’as-tu
seulement aimé, Kevin ?
-
Je
te l’ai dit : je n’aime pas m’attacher aux filles.
-
Je
te remercie Kevin : tu viens de me prouver que je devais en aucun faire
confiance aux hommes. Tu as brisé mon dernier espoir et je ne m’en remettrai
jamais. J’espère ne plus jamais te revoir.
7
Livre d’or de
Léa :
J’avais enterré mes plus grands rêves dans un coin
de ma tête. J’avais tiré un trait sur tout ce qui pouvait me rendre heureuse
parce que je me disais que le bonheur n’était pas fait pour les gens comme moi.
Mais tout a changé le jour où j’ai été frappée par la foudre. Mes rêves avaient
repris vie pour, quelques temps après, laisser place à mes pires cauchemars. Il
a volé mon cœur et a brisé ma vie le jour où je l’ai laissé y entrer. Je pense
que plus jamais je ne referai confiance aux hommes parce qu’ils m’ont fait
énormément souffrir et perdre toute confiance en moi par la même occasion.
Léa était à
peine sortie de chez elle depuis son retour de Bordeaux. Elle n’avait souhaité
voir aucun de ses amis, car, selon elle, ils ne la comprendraient pas. Et pour
cause, elle disait la vérité. Cricket lui dirait qu’elle aurait dû persévérer.
Mickael, frère jumeau de Cricket et ex de Léa, lui dirait qu’elle avait fait
exprès de rompre parce qu’elle se refusait d’être heureuse. Quant à ses amis
d’enfance, ils lui diraient que Kevin n’était pas l’homme de sa vie et que son
bonheur se trouvait tout près. Oui, Léa se sentait bien seule de n’avoir
personne à qui raconter ses peines de cœur. Elle restait chez elle à broyer du
noir en espérant trouver suffisamment de force pour, un jour, continuer à
avancer.
Sara se sentait
coupable d’avoir envoyé Léa à Bordeaux alors qu’elle savait que Kevin avait
couché avec cette bécasse de Bethany. Elle aurait tant aimé que son meilleur
ami soit enfin heureux. Seulement, elle savait que les blessures qu’avaient
connues son cœur ne se panseraient pas si facilement. Et tant qu’il ne les aura
pas soignées, Kevin pourra difficilement faire de nouveau confiance aux femmes
et leur ouvrir véritablement son cœur.
Christian avait
décidé, en dépit de ce qu’elle dirait, de rendre visite à Léa. Il savait son
amie déprimée et voulait revoir un sourire égayer à nouveau son visage. Il la
prévint par texto de son arrivée. Elle ne fut pas longue à répondre en disant
qu’elle ne voulait pas le voir du tout. Il menaça de monter chez elle si elle
refusait de sortir. Quelques minutes plus tard, elle lui dit qu’elle descendait
mais qu’il devait s’éloigner un petit peu de la cité parce qu’elle ne voulait
pas qu’on les voie ensemble.
-
Qu’est-ce
que tu veux ? lui dit-elle.
-
Prendre
de tes nouvelles. Tu as été bien silencieuse depuis ton retour de Bordeaux.
Comment tu vas ?
-
Je
vais merveilleusement bien. C’est tout ce que tu avais à me dire ?
-
Pas
de ça avec moi, Léa. Je veux vraiment que tu ailles mieux.
-
Je
vais très bien. Tu peux le voir par toi-même.
-
Justement,
ce que je vois me montre que tu ne vas pas bien du tout. Tu te négliges alors
que d’habitude tu fais extrêmement attention à ton image.
-
Je
n’avais pas l’intention de sortir de chez moi, et je me mets rarement sur mon
31 quand je reste à la maison.
-
A
d’autres Léa, je ne suis pas dupe.
-
Tu
n’as rien d’autre à me dire ? Je peux m’en aller ?
-
Je
t’invite à sortir ce soir.
-
Je
peux pas. J’ai quelque chose de prévu.
-
Je
passe te prendre à 20h30. Je te retrouve sur le parking en bas de chez toi.
-
Non,
ne viens plus jusque chez moi.
-
Alors,
sois chez moi à 19h30. On boira un verre avant de sortir. Et, s’il te plait,
fais un effort pour être plus présentable.
Elle contempla
son reflet à travers la vitre d’une porte d’immeuble. Christian n’avait pas
tort, elle faisait peine à voir avec son jogging blanc, son large t-shirt rose,
et le chapeau qui lui couvrait la tête. Elle
consulta l’heure sur son portable et se dit qu’elle devait se dépêcher. Il ne
lui restait que trois heures pour parfaire son image et aller à la soirée
proposée par Christian. Elle n’avait pas tellement envie d’y aller, mais,
connaissant Christian, elle n’avait pas vraiment le choix. S’il ne la voyait
pas arriver, il viendrait la chercher. Et ça, c’était inconcevable pour Léa.
Les ragots allant bon train, si on la voyait avec un garçon, même en tout bien
tout honneur, la rumeur circulerait dans toute la ville et ça donnerait une
bonne raison aux langues de vipères de jacasser à son sujet.
Quand elle
arriva chez Christian avec vingt minutes de retard, Léa ne s’attendait pas à le
voir avec Sara et Christopher. Elle les salua puis prit place sur un fauteuil,
dans un profond silence.
-
Je
suis désolée de ce que t’a fait Kevin, s’excusa Sara.
-
Tu
n’y es pour rien. J’ai toujours eu le chic pour bien choisir les hommes que je
fréquente.
-
Je
ne veux pas me faire l’avocat du diable mais Kevin est réellement un mec bien.
-
Si
nous continuons cette discussion, je vais finir par m’en aller.
-
Je
ne dis pas ça parce que c’est mon meilleur ami. Tu as toutes les raisons d’en
douter mais Kevin t’aime et a un excellent fond. Si tu prends le temps de le
connaitre, tu verras qu’il te plaira.
-
Je
pense en connaitre suffisamment à son sujet. Et, le peu que je connaisse, je le
déteste.
-
Si
je peux me permettre, intervint Christopher, tu devrais laisser une dernière
chance à Kevin. Je me souviens que tu avais un excellent instinct, et, je suis
sûr que, si tu le suivais, tu verrais que Kevin est vraiment fait pour toi.
-
Si
j’entends encore parler de Kevin au cours de cette soirée, je m’en vais de ce
pas et vous ne serez pas prêt de me revoir.
-
Très
bien, dit Christian. Le sujet Kevin est définitivement clos. Et si on y
allait ?
-
Bonne
idée, approuva Léa. Au fait, on va où ?
-
Au
karaoké.
Son rire éclata
à travers toute la pièce. Sous les regards surpris de ses amis, elle s’arrêta.
-
Quoi ?
T’es sérieux ? demanda-t-elle.
-
Bah
oui. Pourquoi ?
-
Ne
t’attend pas à ce que je chante.
-
Bien
au contraire. Je ne veux entendre que toi.
-
Tu
peux toujours rêver.
-
J’en
aurai bien l’attention quand j’entendrai ta voix enjoliver mes tympans. Je sais
que tu aimes chanter et je pense que ça te permettra de te libérer des
évènements des derniers jours.
-
Pourquoi
pas ? Après tout, ça ne peut pas me faire de mal.
En réalité, il
ne s’agissait pas de karaoké. Christian avait eu lafausse bonne idée d’emmener
Léa dans un bar afin qu’elle chante. Tout simplement. Elle prit place sur la
scène et se mit à chanter une chanson qu’elle avait elle-même écrite :
Je ferme les yeux et me rappelle mes lointains
souvenirs Je tente de les saisir
mais je dois me tourner vers l’avenir Le passé emprisonne
mes années de bonheur Le futur est le siège de mes moindres terreurs
J’aimerai simplement oublier que tu m’as
blessée J’aimerai réaliser que je ne m’étais pas
trompée Dois-je un jour affronter cette affreuse
vérité ? Dans laquelle j’assumerai une partie de mon
passé
Tu as su réveiller mes plus beaux rêves Tu as donné un sens à ma triste
existence Quand
j’étais près de toi, tu atténuais mes souffrances Tu abrégeais ma douleur à défaut qu’elle ne
crève
Le rêve était trop parfait pour cette dure
réalité Il s’est estompé dès l’instant où tu as
révélé Ton véritable visage, ta vraie
personnalité Que tu avais, jusque-là, réussi à me cacher
Arriverai-je un jour à me reconstruire ? Pourrais-je à nouveau croire en tes beaux
discours ? Aurais-tu
l’obligeance de ne plus me faire souffrir ? Pourrais-tu me faire de nouveau croire en
l’amour ?
Elle termina de
chanter, et, à sa grande surprise, le public apprécia. L’espace d’un instant,
elle se demanda si Cricket ne les avait pas payés pour qu’ils l’applaudissent,
ou s’il n’y avait pas un chauffeur de salle qui leur faisait signe d’applaudir.
Quoiqu’il en soit, elle avait pris goût à la scène et voulait continuer. Elle
se rappela alors les quelques cours de théâtre qu’elle avait pris. Elle se
souvint de l’immense bonheur qu’elle ressentait à la fin de chaque
représentation. Elle se remémora l’exaltation à chaque fois qu’elle recevait
les applaudissements du public. Elle fut heureuse un court instant en compagnie
de ses souvenirs. Et cette force lui donna envie de se relever et de continuer
d’avancer. Elle fut vite inspirée pour une nouvelle chanson :
Je veux vivre ma vie, réaliser mes rêves M’en aller loin, conquérir l’univers Marcher tout droit, viser toujours plus
haut Toujours demander plus qu’il n’en faut
Je viens de ce qu’on appelle le ghetto Là où on apprend très tôt à viser très
haut Je ne roule pas sur
l’or mais qu’importe
Le respect de mes valeurs fait de moi une
fille en or
Je n’ai pas toujours eu ce que je voulais Frustrée, j’ai dû enterrer bon nombre de mes
rêves J’ai appris à me battre pour être celle que je
voulais Et atteindre chacun de mes rêves
Je veux vivre ma vie, réaliser mes rêves M’en aller loin, conquérir l’univers Marcher tout droit, viser toujours plus
haut Toujours demander plus qu’il n’en faut
Je ne peux pas dire que je vois la vie en rose Mais ça ne m’empêche pas de prendre la
pose Je n’ai peut-être pas l’allure des
top-modèles
Tant mieux car ce ne sont vraiment pas des
modèles
Ça n’a pas toujours été facile Mais
je ne vais pas m’apitoyer sur mon sort J’ai compris
qu’il fallait viser dans le mille Avancer, me tromper, sans la peur d’avoir
tort
Des tours de ma cité, je ne me fais pas
remarquer Pour trouver l’inspiration, je vais juste me
poser Travailler à révéler au grand jour mes talents
cachés Que tout le monde ignore car je suis une fille
pleine de mystère
J’ai appris à me battre, à braver tous les
obstacles Contre ceux qui, sur mon chemin, ont versé
plein d’épine D’un
revers de main, je les évincer Pour ne plus
jamais les retrouver
Je veux vivre ma vie, réaliser mes rêves M’en aller loin, conquérir l’univers Marcher tout droit,
viser toujours plus haut Toujours demander plus qu’il n’en faut
Fini de baisser les yeux quand je marche dans la
rue La tête haute, je conquiers le monde Un jour viendra, je ferai entendre ma
voix Et ceux qui m’ont écrasée, s’en mordront les
doigts
Je n’ai pas peur de m’effondrer quand je peux me
relever Car à
chaque chute, j’en apprends sur la vie Bien que certaines laissent des traces
indélébiles Moi je les vois
comme étant constructives
Je veux vivre ma vie, réaliser mes rêves M’en aller loin,
conquérir l’univers
Marcher tout droit, viser toujours plus
haut Toujours demander plus qu’il n’en
faut
A la fin de sa
chanson, Léa eut droit à une standing
ovation. Encore une fois, elle crut que Cricket était à l’origine de cette
euphorie. Elle quitta la scène pour rejoindre ses amis quand un homme plutôt chic
l’interpella :
-
Léa
Fuston ?
-
On
se connait ?
-
Pas
encore, mais, j’ai beaucoup aimé ce que vous avez chanté et j’aimerai vous
produire.
-
Vous
plaisantez ?
-
Pas
du tout. Voici ma carte. Je m’appelle Pete Brandon, producteur de musique. Vous
pouvez vous renseigner sur internet si jamais vous avez un doute à mon sujet.
Je dois m’en aller mais je vous rappelle bientôt pour connaitre votre réponse.
Sur ces mots, il
quitta les lieux. Léa retourna vers ses amis légèrement secouée par sa
rencontre avec cet homme.
-
C’était
qui ce type ? Il te voulait quoi ? demanda Christian.
-
Tu
ne l’as pas payé ?
-
Non.
C’est la première fois que je le voyais. Alors c’était qui ?
-
Un
certain Pete Brandon. Il serait producteur d’une grande maison de disque
new-yorkaise et voudrait lancer ma carrière.
-
C’est
cool, dit-il. C’est ce dont tu as toujours rêvé.
-
Ça
me semble trop irréel. Je n’ai aucun talent. Quelles sont mes chances pour
qu’un producteur bossant à New-York me rencontre, me découvre et veuille
travailler avec moi ?
-
Peu
importe, ça t’est arrivé. A ta place, j’appellerai ce type dans la seconde et
je signerai avec lui.
-
Il
n’a pas tort, renchérit Sara.
-
Tu
devrais foncer, approuva Christopher.
-
Je
t’encourage à y aller, dit une voix derrière Léa.
Elle se retourna
et tomba nez à nez avec celui qui lui avait brisé le cœur il y a de cela
quelques semaines.
-
Voilà
de quoi gâcher ma journée en quelques secondes.
-
C’est
nous qui lui avons demandé de venir, dit Sara. Même si tu nous en veux par la
suite, on estime que c’est ce qu’il y a de mieux à faire.
-
On
peut se parler ? demanda-t-il.
-
Comment
répondre le plus poliment du monde ? Non.
-
Je
t’en prie. Je n’aurai pas fait autant de chemin pour te voir si je ne tenais
pas à toi.
-
Il
y a quelques temps, nous étions dans des situations inverses mais ça ne m’a pas
réussi. Tu devrais rentrer à Bordeaux dès maintenant. Je ne veux plus rien
avoir à faire avec toi.
Voyant qu’elle
ne changerait jamais d’avis, Christopher, Christian et Sara décidèrent de s’en
aller afin de laisser à Kevin le soin de récupérer sa belle. Il n’en est pas
moins qu’elle bouillait de l’intérieur contre eux :
-
Je
t’écoute. Que veux-tu ?
-
Te
récupérer.
-
Mauvaise
réponse. Casse-toi.
-
Attends,
il faut que je te parle.
-
Je
n’ai pas envie d’écouter ce que tu as à me dire. Tu as été assez clair la
dernière fois.
-
J’ai
été con. Je ne pensais pas ce que je disais. Enfin, si. Comprend-moi. Je suis
connu à Bordeaux pour être un séducteur. Personne ne me prendrait au sérieux si
je disais que je suis amoureux.
-
Il
n’y a que l’image que tu renvoies qui importe ?
-
Non.
Ecoute : comme toi, j’ai eu le cœur brisé infiniment de fois. Toi tu as
décidé d’éviter à jamais les hommes ; moi j’ai décidé de profiter de la
compagnie des femmes. Nos méthodes sont différentes voire opposées, mais,
au final, nous avons le même but. Malheureusement, dans nos deux situations,
nous souffrons quand même parce que nous sommes éternellement seuls.
-
Je
préfère être seule et souffrir qu’être avec toi et souffrir quand même.
-
Ça
me fait mal de t’entendre dire ça mais j’accepte si c’est le prix à payer pour
me faire pardonner.
-
Comment
veux-tu que je te pardonne ? Rien ne me prouve que tu es sincère, et, qui
sait si tu ne vas pas changer ta manière d’être une fois que tu seras avec tes
amis.
-
C’est
vrai. Seulement, j’ai pris conscience que j’étais vraiment moi-même quand
j’étais avec toi.
-
Je
suis désolée Kevin. Je ne peux pas prendre ce risque. Tu ferais mieux de
repartir à Bordeaux et de m’oublier. Car, dès l’instant où tu seras hors de mon
champ de vision, c’est ce que je ferai.
Elle allait
faire demi-tour mais il la retint par la main :
-
Je
suis conscient que je t’ai fait du mal et je m’en voudrais jusqu’à la fin de
mes jours. Je t’ai demandé pardon mais t’as pas été fichue de me l’accorder. Je
ne sais plus quoi faire pour te récupérer. Seulement, je ne te laisserai pas
partir. Plus jamais. Alors, que tu le veuilles ou non, tu vas devoir me
supporter. Que tu veuilles tirer un trait sur l’amour, passe encore, mais, je
ne passerai pas à côté d’une belle histoire parce que tu es têtue comme une
mule.
-
J’ai
envie de t’étrangler jusqu’à ce que tout souffle de vie quitte ton corps.
-
Et
moi, j’ai envie de t’embrasser et je vais le faire.
Il n’a pas
menti, il l’a fait. Et elle l’a laissé faire.
-
Je
te hais, Kevin. Je te hais tellement que j’ai envie de tuer mais je me retiens
de le faire parce que je te déteste autant que je t’aime. Je veux que tu sortes
de ma vie tout comme je ne peux plus me passer de ta présence. Je souhaite que
tu souffres comme je veux que …
Elle
s’interrompit devant l’éclat de rire de Kevin.
-
Pourquoi
tu ris ?
-
Parce
que tu viens de dire que tu m’aimes.
-
Tu
prends tes désirs pour la réalité. Jamais je ne prononcerai ces mots.
-
Et
pourtant, tu viens de le faire. Et, je vais t’avouer quelque chose : moi
aussi je t’aime.
Comment pouvaient-ils imaginer, qu’en prononçant ces
simples mots, ils venaient d’entrer dans un engrenage et qu’à cet instant
précis, ils venaient de bouleverser
radicalement leur vie ?
8
-
Tu
ne t’inventerais pas quelques vies ? demanda Halima.
-
Et
la carte, je l’aurai inventée ? répliqua Léa.
-
Peut-être.
En tout cas, je doute qu’un homme travaillant à New-York veuille travailler
avec toi.
-
Pourquoi ?
-
Parce
que notre avenir est ici. Le tien compris. On arrivera jamais à échapper à la
vie d’ici.
-
On
en reparlera dans quelques temps quand je serai connue dans le monde entier.
-
Tu
crois vraiment ça ?
-
J’en
suis sûre. Tu sais, ce n’est pas parce qu’on a grandi en banlieue qu’on doit
aussi y mourir. Je suis certaine que si on s’en donne les moyens, on peut faire
de grandes choses et être des exemples pour les générations à venir. Quelle
image on leur donne ? La plupart des jeunes garçons prennent les grands de
la cité comme modèle. Autrement dit, ils voient qu’ils peuvent se faire de
l’argent facile en vendant de la drogue et en volant les gens. Quant aux
filles, ce n’est guère mieux. Elles deviennent plus dangereuses que les
garçons. Dans quelques temps, nos petits frères et nos petites sœurs seront
tous déscolarisés et ne sauront plus quoi faire de leur vie. Okay, le système
nous met des bâtons dans les roues, mais, c’est à nous de le contourner pour
nous en sortir, devenir quelqu’un, et servir de modèles à nos petits frères et
petites sœurs. Je rêve de chanter parce que ça me permet de soulager ce qui me
fait mal sans que je puisse le dire. Admettons que je réussisse, je serai une
référence pour ces petits et je leur montrerai que, même en venant de la
banlieue et en ayant le teint un peu trop foncé pour le système, on peut s’en
sortir. J’y crois et je veux qu’on y croit avec moi.
-
Redescend
sur terre, Léa. La vie dont tu parles n’est pas la nôtre. Plus vite tu l’auras
assimilé, mieux ce sera.
-
Pourquoi
on n’aurait pas le droit de rêver et d’être heureux ? Parce que quelqu’un
à un jour décrété que tous ceux qui viennent de banlieue sont des moins que
rien ? Je suis désolée mais je n’adhère pas. Libre à vous de vous
résigner, mais, moi, je veux me battre et accomplir des grandes choses dans ma
courte vie. Je veux qu’après ma mort les gens se souviennent de moi. Et ce
n’est surement pas en renonçant que ça va arriver.
-
Redescend
sur terre Léa et enterre tes rêves comme nous avons si bien su le faire.
-
Je
suis désolée mais j’ai besoin de garder une part de rêve dans cette dure
réalité si je ne veux pas sombrer. Et pour atteindre le bonheur, je dois
réaliser un certain nombre de mes rêves. La cité m’en a volé quelques-uns que
je compte bien récupérer.
-
Qu’est-ce
que tu racontes ? La cité ne t’a rien volé.
-
Détrompes-toi.
Elle m’a volé mes volé mes rêves de gloire et de grand amour.
-
La
gloire tu ne l’aurais pas connu ici. Quant au grand amour, tu as encore
l’embarras du choix. Il reste de bons partis.
-
De
bons partis ? T’es sérieuse ?
-
Pourquoi
tu nous méprise comme ça, Léa ? N’oublie pas d’où tu viens.
-
Je
m’en rappelle et j’ai juste envie de m’enfuir de cet enfer. Si je veux me
réaliser et devenir quelqu’un, je dois aller là où je pourrais réaliser mes
rêves.
-
Tu
parles comme une blanche maintenant.
Ce n’est pas parce que tu sors avec un toubab que tu es devenue une des leurs.
Eux, ils continueront de te mépriser.
-
Là
n’est pas la question. Je ne pourrais jamais être heureuse et m’épanouir tout
en restant ici et en passant ma vie avec l’un des nôtres.
-
Pourquoi
?
-
Je
te l’ai déjà dit : la cité m’a volé mes deux grands rêves.
-
Parle
clairement. Je ne te comprends pas.
Elle désigna du
doigt un immeuble en face d’elle.
-
C’est
là-bas que ça s’est passé, dit-elle. C’est là-bas que j’ai perdu mes rêves de
grand amour. Il y a quelques années de cela, alors que je t’attendais, Samia,
pour sortir, il est apparu devant moi. Le frère ainé de ceux qui habitent au
deuxième étage. Vous savez, celui qui a été envoyé au pays à cause de toutes
ses arrestations. Daouda, je crois qu’il s’appelle.
Elles opinèrent
du chef.
-
Ce
jour-là, alors que je t’attendais, Samia, il m’a demandé de le suivre. Je ne
voulais pas mais il est difficile de lui dire non tellement il fait peur.
Alors, il m’a entrainé dans le local poubelle et il m’a violée. Depuis ce jour,
je sais que mon bonheur ne se trouvera jamais là. Sans compter qu’en m’enlevant
ma virginité, il m’a aussi fait perdre confiance en moi et en beaucoup
d’hommes. Mes aventures futures ont contribué à achever le travail, notamment
mon histoire avec Thomas. Je doute qu’un jour je puisse définitivement croire
en l’amour.
-
Pourquoi
tu n’as pas porté plainte ? demanda Samia.
-
J’étais
jeune et je n’osais pas en parler à mes parents. Je ne me voyais donc pas
débarquer au commissariat à seulement dix ans et dire qu’on m’avait violée.
-
Pourquoi
tu n’en as jamais parlé ?
-
Quand
c’est arrivé, la honte s’est abattue sur moi, et, jusqu’à présent, je n’ai pas
réussi à m’en débarrasser.
-
On
est désolées, dirent-elles d’une même voix.
-
Vous
n’avez pas à l’être. Regardez-moi, je me suis reconstruite. J’essaye d’aller de
l’avant et de me libérer de ce cauchemar. J’espère juste que vous me comprenez.
-
Je
te comprends, dit Halima.
-
Moi
aussi, acquiesça Samia. Par contre, je
doute que ce soit le cas de tes parents. Ça explique pourquoi tu aimes tant les
toubab mais ils ne le comprendront
pas.
-
Je
ne veux pas faire d’amalgames, mais, inconsciemment, je sais que je ne pourrais
pas m’épanouir avec un noir parce que, dès que viendra le moment de passer à
l’acte, je me sentirai comme violer même si ce n’est pas le cas. Sans compter
que je ne veux pas du même mariage que mes parents. J’ai vraiment envie d’être
heureuse et pas seulement faire semblant de l’être devant la galerie.
-
Tu
mérites vraiment d’être heureuse, Léa. Si j’étais toi, j’irai vite rejoindre
mon homme et je m’envolerai pour New-York.
-
Tu
as raison. C’est ce que je vais faire
Elle partit
rejoindre ses amis chez Christian. Une fois là-bas, elle consulta ses mails.
L’un d’entre eux avait été envoyé par Pete Brandon. Il s’agissait de son
contrat qui stipulait qu’elle devait partir à New-York, la ville de ses rêves,
dans deux mois. Pour cela, elle devait payer 2000€ de frais de déplacement.
Somme qu’elle n’avait malheureusement pas.
-
Je
sens que je vais devoir encore renoncer à l’un de mes rêves, dit-elle. Je dois
trouver 2000€ si je veux être produite par Pete Brandon. L’un de vous aurait-il
une idée d’un emploi qui embauche les jeunes sans qualifications et qui paie
bien ?
-
J’ai
une idée, s’exclama Christian. Joue au loto ou espère gagner au casino.
-
Par
moment, je me demande pourquoi je te parle, s’impatienta Léa. Pas de meilleure
idée ?
-
Pas
besoin de bosser, lança Kevin, je te les offre les 2000€.
-
Même
pas en rêve. J’irai à New-York en me débrouillant par moi-même ou je n’irai
pas.
-
Tu
as des préférences ? demanda Kevin.
-
Je
ne vais pas faire compliquer. Je veux juste pouvoir chanter. Je suis prête à
tout accepter pour ça, d’autant plus que ce n’est pas un métier que je vais
faire toute ma vie.
-
C’est
l’été. Pas mal de personnes partent en vacances donc les entreprises recrutent.
-
Peut-être.
Mais, je suis sûre que, malgré toute ma détermination, passé le stade de
l’entretien, très peu d’entreprises me rappelleront.
-
Pourquoi ?
interrogea Kevin.
-
Ouvre
les yeux et regarde-moi : Je suis noire, je suis une femme et je viens de
la banlieue.
-
Et
alors ?
-
Les
mots « discrimination à l’embauche » te disent-ils quelque
chose ?
-
Ça
n’arrivera pas. Les recruteurs ne sont pas cons au point de se passer d’une
fille comme toi.
-
Tes
sentiments envers moi altèrent ton jugement. Je peux t’assurer que dans la
réalité des choses, ma couleur de peau, mon sexe et mon origine peuvent avoir
une influence négative auprès des recruteurs.
20 Avenue de la république, 93800 Epinay-sur-Seine
0708091011
leafuston@hotmail.fr
Lea
Fuston
Objectif
Travailler au sein de votre
entreprise
Expérience
professionnelle
Stage au service
reprographie au sein d’une association
Cursus
universitaire
2004:
baccalauréat littéraire
Mention bien.
Centres d'intérêts
Musique, écriture, chant, théâtre,
danse, mode
Société Anonyme de Mr XXX
Léa Fuston
20
avenue de la république, 93800 Epinay-sur-Seine
Objet : Réponse suite à l’entretien
Paris
le 12 Août 2004
Mademoiselle Fuston
Suite à notre entretien du XXX, j’ai le regret de vous informer que votre
candidature n’a pas été retenue pour le poste de XXX.
Ayant néanmoins pu apprécier vos qualités au cours de cet entretien, je
vous souhaite de trouver rapidement un emploi adapté à vos aspirations
professionnelles.
Veuillez agréer, Mademoiselle Fuston, l’expression de mes salutations
distinguées.
Mr
XXX
Et ce fut des lettres pareilles
qu’elle reçut durant des semaines.
Au bout d’un
mois, après plus de cinquante curriculum vitae et de lettre de motivation
d’envoyés, ainsi qu’une vingtaine d’entretien d’embauche, Léa n’avait décroché
aucun travail. Il lui restait seulement un mois pour réunir l’argent nécessaire
pour réaliser son rêve. Elle commençait à perdre espoir.
-
J’ai
une idée, s’exclama Kevin.
-
Je
t’écoute, dit Léa.
-
Si
tu n’arrives pas à trouver de travail, tu peux poster des vidéos de toi en
train de chanter sur le net. Ça te permettrait de trouver tes premiers fans,
après nous.
-
Je
ne vois pas en quoi ça va m’aider.
-
Deux
mille euros, ce n’est pas énorme. Si on s’y prend dès maintenant, peut-être que
les internautes voudront te produire.
-
J’en
doute fort, mais, ça ne coute rien d’essayer.
-
Très
bien. Le mieux, c’est que tu écrives et composes plusieurs chansons pour
optimiser tes chances. Christian et moi nous occupons de la mise en scène et de
la diffusion.
-
Mise
en scène ?
-
Bah
oui. Tu pourrais enregistrer dans un studio, puis, tourner un clip que nous
nous ferons un plaisir de réaliser. Ensuite, on le diffuse sur les multiples
réseaux sociaux. Ça peut marcher. J’y crois.
-
Okay.
Qu’est-ce que vous attendez ? Au boulot.
Elle composa
diverses mélodies à l’aide d’un logiciel de composition. Ensuite, elle écrivit
plusieurs chansons qui lui tenaient à cœur.
Je rêve
Je rêve de conquérir le monde, Partir à
l’encontre d’aventures Sentir qu’à chaque petite seconde On me chante même dans un murmure
Je ferme les yeux et vois avec désarroi A quel point le monde a
mal tourné J’essaie de faire entendre ma voix Pour que ce cauchemar puisse enfin s’arrêter
Je rêve que sur chaque continent On m’écoute du matin jusqu’au soir Je rêve que durant chaque instant Ma musique chasse vos idées noires
Je veux chanter pour vous faire rêver Je veux que vous puissiez vous évader Je souhaite pouvoir vous faire oublier La misère qui, sur ce monde, a régné
J’aimerai égayer chacune de vos vies Pour que, plus jamais, vous ne soyez malheureux J’aimerai voir que vos
yeux brillent
Que j’ai fait de vous des gens heureux
Amitié brisée
Tu disais que tu resterais prêt de moi à jamais Tu disais qu’entre nous
c’était une véritable amitié
Tu disais qu’elle
durerait pour l’éternité Puis tu es parti sans
même te retourner
J’ai tenté de te comprendre, j’ai échoué Je te trouvais des excuses que rien ne
valait Je me heurte à un tas d’incompréhension,
éclaires-moi Pourquoi
t’es-tu éloigné de moi ?
Tu ouvres une nouvelle blessure dans mon cœur Toi qui avais promis de réparer mes cassures Tu es la cause de mon nouveau malheur Je ne te le pardonnerai jamais, sois-en-sûr
Quelque chose s’est brisé en moi Tu as emporté une partie de moi J’ignore ce qui a changé Je le saurai probablement jamais
Les jours passent et je me rappelle A quel point j’étais bien avec toi Je ferme les yeux et renouvèle Les
souvenirs qui n’appartiennent qu’à toi et moi
Les vidéos furent rapidement mises en
ligne et Léa ne tarda pas à rencontrer un franc succès. En effet, en seulement
quelques jours, elles avaient été visitées par plus de cent mille internautes. Profitant
de cette vague de succès, Léa demanda à ses nouveaux fans de la produire afin
qu’elle puisse partir enregistrer à New-York. Jamais elle n’avait imaginé
pouvoir gagner autant d’argent en si peu de temps.
Elle allait partir à New-York et elle le
devait aux deux hommes de sa vie :
-
Je
ne vous remercierai jamais assez de ce que vous avez fait pour moi. Ça me
touche beaucoup.
-
Ce
n’est pas comme si on avait eu le choix, plaisanta Christian. On ne peut rien
te refuser.
-
Je
suis d’accord avec Christian, confirma Kevin. Ça nous a fait plaisir parce
qu’on t’aime.
Elle ne répondit rien étant assez
pudique quant à l’expression de ses sentiments, mais, Kevin et Christian
savaient à quel point elle les aimait.
9
Arrivée chez
elle, Léa sortit son livre d’or et commença à écrire son bonheur nouveau. Elle
laissa sa plume se baladait sur les pages vierges de son cahier jusqu’à écrire
une nouvelle page de son histoire. Son esprit se trouvait dans une autre
réalité beaucoup plus supportable que la vraie. Soudain, ça tambourina à la
porte et Léa dût affronter les vestiges du monde réel :
-
QUOI ???
hurla-t-elle.
-
Je
peux entrer ? demanda son jeune frère.
-
Tu
veux quoi ?
Sans même
répondre à la question de sa sœur, le jeune Lassana entra dans la chambre de
celle-ci.
-
Il
parait que tu vas aller à New-York.
-
Qu’est-ce
que ça peut te faire ?
-
Rien.
Je suis juste content pour toi.
-
Qu’est-ce
que tu veux ?
-
Juste
te féliciter.
-
A
d’autre. On ne sait jamais entendu alors pourquoi serais-tu content pour
moi ?
-
Je
suis cramé[2].
J’ai besoin de toi.
-
Le
contraire m’aurait étonné. Tu veux quoi ?
-
J’ai
besoin d’argent.
-
Et ?
Je ne travaille pas dans une banque.
-
Non,
mais, j’ai entendu dire que tu avais gagné de l’argent pour aller à New-York.
-
Et
tu espères que je vais te donner une partie de l’argent que j’ai récolté dans
l’espoir de réaliser mon rêve ?!
-
S’il
te plait. Si tu ne me les donnes pas, je vais me faire tuer.
-
Si
tu penses m’avoir par les sentiments, ça ne me fait ni chaud ni froid.
-
Je
ferai n’importe quoi pour toi.
-
Commence
par sortir de ma chambre.
-
S’il
te plait, Léa.
-
Qu’est-ce
que tu veux faire avec cet argent ?
-
Je
le dois à quelqu’un.
-
Combien
et pourquoi ?
-
1500€
-
Tu
te moques de moi ?
-
Non,
je suis sérieux. Ça fait des mois que je le lui dois, et, si je ne lui donne
pas dans une semaine, il va m’envoyer à l’hôpital.
-
Pourquoi
tu lui dois cet argent ?
-
Pour
une vieille histoire, je ne sais même plus …
-
Tu
oses me réclamer de l’argent tout en continuant de mentir ? Ne crois pas
que je suis née hier, c’est forcément une histoire de drogue.
-
N’importe
quoi, je ne touche pas à ça, moi.
-
Y’a
écrit « andouille » sur mon front ?! Tu empestes la drogue. Tout
le monde le sent même si personne ne parle.
-
Tu
m’aides ou pas ?
-
C’est
une histoire de drogue ?
-
Oui.
-
Bien
que ça m’en coûte, je t’aide seulement si tu arrêtes de dealer et de te droguer
après.
-
Oui.
-
Tu
crois que je vais m’en contenter ? Si je t’aide, je t’envoie dans un
centre de désintoxication.
-
Abuse
pas. T’es pas ma mère.
-
Ce
sont mes conditions. Si je te laisse ici, tu vas continuer tes conneries parce
que tu penseras qu’il y aura toujours quelqu’un pour te sortir de la merde dans
laquelle tu te fourres toujours.
-
Tu
ne veux pas me donner l’argent ? C’est ça ?
-
Plus
que cet argent, je veux te donner l’occasion de t’en sortir et de te prouver
que tu vaux bien plus qu’un ignoble dealer.
-
Okay.
J’irai dans ton centre de désintoxication.
-
Très
bien. Je te donnerai l’argent et ma confiance. Tâche de ne pas me décevoir. De
mon côté, je trouverai un autre moyen de gagner l’argent qui me permettra
d’aller à New-York. Prends conscience que pour te sauver je risque de passer à
côté de la chance et du rêve de ma vie.
-
Merci,
Léa.
Retour à la case
départ. Alors qu’elle venait de régler tous les détails concernant son voyage à
New-York, Léa allait devoir tout reprendre depuis le début.
10
Trois semaines plus tard :
-
Bonjour,
j’aimerai parler à Pete Brandon s’il vous plait.
-
Une
minute.
Léa patienta
pendant que la réceptionniste pianota sur son ordinateur. Au bout de quelques secondes, elle leva les
yeux vers Léa :
-
Que
lui voulez-vous ? demanda-t-elle.
-
Nous
sommes en affaire. Enfin, il m’a proposé de travailler avec lui, et, je suis
venue lui faire part de ma décision.
-
Très
bien. Dites-la-moi et je lui dirai.
-
Il
en est hors de question. Je parlerai avec Mr Brandon ou avec personne.
-
Dans
ce cas, bonne journée.
-
Vous
plaisantez ? Je lui parlerai que vous m’aidiez ou non.
La
réceptionniste ne fit pas attention à Léa. Elle continua de pianoter sur son
ordinateur. Après deux minutes d’attentes, des hommes en costume-cravate se
présentèrent à elle :
-
Je
peux vous aider, mademoiselle ?
-
Je
voudrais parler à Pete Brandon. Il m’a proposé de travailler avec lui et je
veux lui faire part de ma décision.
-
Veuillez
nous suivre s’il vous plait.
Elle ignora les
demandes des agents, sortit son téléphone portable et composa un numéro :
-
Mr Brandon? Bonjour,
c’est Léa Fuston. On
s’est rencontrés il y a quelques semaines, et, vous avez décidé de me produire…
Oui… Je suis dans l’enceinte de votre immeuble, et, j’aimerai m’entretenir avec
vous, mais, la réceptionniste et deux types dont j’ignore la fonction, refuse
de me laisser vous voir… Oui…Très bien. Merci.
Elle raccrocha
puis se tourna vers les deux hommes :
-
Mr
Brandon va venir me chercher en personne. Si j’étais vous, je m’en irai avant de me
faire virer.
Ses tentatives
d’intimidations étant vaines, les agents ne l’écoutèrent même pas. Pete Brandon
vint enfin à sa rencontre :
-
Mlle
Fuston, comment-allez-vous ? Je suis désolé qu’on ne vous ait pas laissé
entrer. Allons dans mon bureau, nous serons plus tranquilles.
Elle le suivit
puis atterrit dans le plus beau lieu où il lui ait été donné de poser le regard.
Aux yeux de Léa, le bureau de Pete Brandon était fort impressionnant et
somptueux. Tout était raffiné et élégant. A tel point qu’elle ne s’y sentait
pas à sa place.
-
Alors,
Mlle Fuston, vous avez réfléchi à notre arrangement ?
-
C’est
à ce propos que je viens vous voir.
-
Je
m’en suis douté, sinon, vous ne seriez pas là.
-
Oui,
un point pour vous. J’ai apporté le contrat que je n’ai pas signé. Voyez-vous,
je suis consciente de la chance que vous m’offrez et, je n’en aurai jamais de
semblable. Je veux aller à New-York, c’est mon rêve. Je veux changer le monde à
travers ma musique et égayer le quotidien parfois triste des hommes. J’aime
rendre les gens heureux et je suis persuadée que ma musique pourrait le faire.
Seulement, j’ai eu du mal à trouver les 2000€ puis j’ai finalement réussi à les
avoir. Après quoi, j’ai dû les donner à mon petit frère parce qu’il s’est
retrouvé dans des histoires pas claires. Je n’ai qu’une envie c’est quitter la
banlieue pour m’enrichir des merveilles du monde. Ce serait génial qu’une chose
pareille m’arrive, seulement, je ne suis pas naïve : je n’ai que dix-huit
ans et je doute que je sois prête à affronter l’univers impitoyable de la
chanson. Si je signe, je n’ai pas envie de devoir me mettre à moitié à poil
pour que l’on m’écoute ou faire des choses dans ce genre. Je veux pouvoir
rester digne jusqu’au bout, mais, soyons honnêtes, très peu d’artistes
américaines reconnues le sont encore. Je refuse d’en être une de plus.
-
Vous
m’avez l’air très mature pour quelqu’un de seulement dix-huit ans. Je ne suis
pas n’importe qui, je ne travaille pas avec n’importe qui et je ne fais pas
faire n’importe quoi à mes poulains. Aucun
des artistes que j’ai produits n’a fait des choses contre sa volonté. Aucun
d’entre eux n’a eu un jour à se déshabiller. Si jamais l’un d’eux en avait envie,
je déchirerai son contrat et lui dirai d’aller voir ailleurs. Je comprends vos
craintes et ne veux en aucun cas vous forcez la main, mais, je crois en vous et
en votre talent.
-
Très
bien. Je vais y réfléchir. A bientôt.
A la sortie du
bureau de Pete, elle fila voir Kevin, pour lui demander conseil :
-
Je
n’ai plus que cinq jours pour prendre une décision finale. Je ne sais pas quoi
faire. Aide-moi.
-
Tu
te poses trop de questions, ma puce. Pour une fois, fonce.
-
Et
si ça foire ?
-
Tu
auras au moins essayé. Si tu n’y vas pas aujourd’hui, tu vas le regretter plus
tard.
-
Sans
doute. Tu dois avoir raison. Oui, je vais signer. Il n’empêche que ça va être
dur d’être loin de toi. Tu vas énormément me manquer. Je t’aime.
-
Je
t’aime aussi, Léa. Je n’ose même pas imaginer ma vie sans toi.
-
Relax,
je vais revenir. Ce n’est pas comme si tu allais me perdre.
-
Ce
n’est pas ça. J’ai quelque chose à t’avouer.
-
Tu
me fais peur. Que se passe-t-il ?
-
J’ai
décidé d’être honnête avec toi, Léa. Je ne veux plus avoir de secrets et je ne
veux pas te blesser, mais, je ne peux plus te cacher la vérité plus
longtemps : ça va te surprendre à cause de mon jeune âge, mais, je suis
sorti avec une fille il y a quelques années. Je la connaissais depuis longtemps
mais, on a mis du temps avant de nous mettre ensemble. On a fini par le faire
et très vite, notre relation est devenue très sérieuse.
-
Qu’essaies-tu
de me dire ? Tu as encore des sentiments pour cette fille ?
-
Pas
du tout. Ce que je veux te dire c’est que j’ai eu une fille avec mon ex. Elle a
cinq ans aujourd’hui.
-
Tu
n’as pas jugé bon de m’en parler plus tôt ?
-
Je
ne savais pas comment te le dire. J’avais peur de ta réaction.
-
Tu
n’as que vingt-deux ans enfin. Tu ne peux pas être père. C’est juste impossible.
-
Je
ne te mens pas, Léa. Je peux comprendre que ce soit dur à avaler pour toi,
mais, je te devais la vérité. Libre à toi d’en faire ce que tu veux maintenant.
-
Je
vais aller à New-York, et, ce sera, pour nous, l’occasion de faire une pause
dans notre relation.
11
A dix-huit
ans, Léa Fuston part à la conquête de l’Amérique
Léa Fuston débarque à New-York
pour faire entendre sa voix. Cette jeune francilienne rêvait depuis de toujours
de se produire dans la ville qui ne dort
jamais. Pete Brandon a réalisé son rêve. Très vite, elle rencontre du
succès auprès du public américain qui l’a vite adoptée. Une carrière
prometteuse s’annonce.
D'Epinay à Broadway, Léa Fuston est passée de raté à célébrité.
Quel chemin parcouru en
seulement quelques mois. Les chansons de Léa Fuston font un véritable carton
auprès des jeunes. Elle n’a plus rien à voir avec la jeune adolescente timide
qu’elle était autrefois.
Son premier album réaliser
mes rêves est un véritable succès
En
seulement quelques mois, son premier album se vend à plus de 500 000
exemplaires à travers le monde.
Léa Fuston aurait une idylle avec Rick Jackson, le célèbre
acteur de All for One
Léa
Fuston serait sortie d’une charmante soirée au restaurant en compagnie de Rick
Jackson. Il semblerait que ces deux-là ne se quittent plus depuis quelques
temps.
Son deuxième album se vend à plus de 2 millions
d’exemplaires, quatre fois plus que le premier.
Son
histoire d’amour avec Rick Jackson y serait-elle pour quelque chose ?
Léa Fuston a rompu avec Rick Jackson
Nous
ignorons encore tous des raisons de cette rupture.
Léa Fuston envisage d’arrêter sa carrière de chanteuse
Malgré
le succès rencontré ces deux dernières années, Léa Fuston vient d’annoncer à la
presse qu’elle arrêtait sa carrière. Les causes ? Elle ne supporte plus sa
notoriété et veut retrouver une vie calme.
12
Vingt-quatre mois plus tard :
-
C’est
décidé, tu arrêtes ta carrière de chanteuse ?
-
Oui,
Christian. Je suis désolée. Kevin et toi vous êtes donnés beaucoup de mal pour
que je puisse réaliser mon rêve, et je vous en remercie. Seulement, je ne peux
plus continuer à chanter. J’en suis incapable bien que je n’oublierai jamais ce
que j’ai vécu.
-
Ta
décision n’a rien à voir avec ta rupture avec Kevin ?
-
Non.
Entre Kevin et moi, ça fait plus d’un an que c’est fini. Il ne compte plus pour
moi.
-
Je
suis sûr que tu te trompes. Sans Kevin, tu as perdu cette étincelle qui
t’inspirait à écrire des chansons. Il était ta muse.
-
Il
est surtout celui qui m’a caché qu’il avait une fille. Je n’ai plus envie d’en
parler maintenant. Tu devrais être content de me voir rentrer.
-
Bien
sûr que je le suis. Tu es ma petite sœur.
-
Et
toi alors, raconte-moi tout ce qui t’est arrivé depuis mon départ ?
-
Tu
sais, rien de spécial. Je vais juste me marier.
-
Tu
vas te marier ? Avec qui ?
-
La
plus belle fille du monde. Je l’ai rencontrée il y a un an pendant mes
vacances. Depuis je suis totalement fou d’elle et on a décidé de se marier.
-
Elle
est enceinte ?
-
Qu’est-ce
que tu vas chercher ? Non, elle n’est pas enceinte.
-
Pourquoi
ce mariage précipité ?
-
Parce
que je l’aime et elle m’aime. Je m’attendais à ce que tu sois plus heureuse
pour moi. Cette nouvelle n’a pas l’air de t’enchanter.
-
Ce
n’est pas ça. Je suis contente pour toi. Je trouve juste que tu vas un peu trop
vite.
-
C’est
la femme de ma vie. Je ne vois pas pourquoi je devrais attendre plus longtemps.
On est heureux ensemble et on veut officialiser notre couple en nous unissant.
-
Okay,
si c’est ce que tu veux, je suis heureuse pour toi. Je pourrais la
rencontrer ?
Au même moment,
comme si elle s’y attendait, une belle brune aux yeux verts entra dans la
pièce. Selon Léa, Christian n’avait pas menti, elle était d’une beauté
époustouflante.
-
Salut,
je suppose que tu dois être Léa. Je suis Elodie, la future Mme Callming.
-
Enchantée,
répondit-elle froidement.
-
Christian
t’a demandé ?
-
T’as
quelque chose à me demander ?
-
Je
voulais savoir si tu voulais bien être le témoin de mon mariage ?
-
Rien
que ça. Tu n’as pas peur que je fasse le même scandale qu’au mariage de
Christopher ?
-
Si
tu ne veux pas, dis-le clairement.
-
T’es
bête. Bien sûr que j’accepte. Ça ne pouvait pas être autrement.
Devant le peu de
sincérité de la part de Léa, Christian décida de ne pas répondre.
-
Bon,
je vais vous laisser. Je dois rentrer chez moi. A plus tard.
Les choses
avaient changé au sein de la famille Fuston. Beaucoup de choses. Des décisions
avaient été prises, des promesses n’avaient pas été tenues. Il n’y a pas à
dire : il n’y avait rien de mieux que de rentrer chez soi à nouveau.
-
C’était
bien ton voyage ? demanda monsieur Fuston.
-
Oui,
mais, je suis contente d’être rentrée.
-
Tant
mieux. Maintenant que tu as pu faire ce que tu voulais, il faut que tu penses à
ton avenir.
-
Je
vais reprendre mes études.
-
Je
ne parle pas de ça. Il faut que tu penses à te marier maintenant. Tu as déjà
vingt et un ans.
-
Vingt,
rectifia-t-elle tout en étant choquée que son père ne connaisse pas son âge.
Et, je suis encore jeune. Je n’ai pas dans l’intention de me marier dans
l’immédiat.
-
Au
pays, tu serais déjà mariée.
-
Sauf
que je suis en France.
-
Et
tu es ma fille. Pendant ton voyage, je t’ai donné
à quelqu’un pour ton mariage. Il viendra te voir bientôt.
-
Je
ne suis pas un objet. On ne me donne pas
et je choisis seule la personne avec qui je dois faire ma vie.
-
C’est
trop tard. J’ai choisi pour toi. Vous allez vous marier dans deux mois puis tu
iras vivre avec lui.
-
Jamais
de la vie. Tu as fait de ta vie ce qui te semblait le mieux. A moi maintenant
de faire ce que je veux de la mienne.
-
Tu
es ma fille et tu m’obéis.
-
Non.
-
Ose
le répéter.
-
J’ai
dit « non ». Je ne me marierai pas avec quelqu’un que je n’aime pas
et que je ne connais dans le seul but de te faire plaisir.
Une gifle
monumentale atteignit la joue de Léa qui manqua, de peu, de perdre l’équilibre. Ses yeux ruisselaient
de larmes :
-
Frappe-moi.
Ça ne me fait plus peur. Après tous les coups que tu m’as donnés, je n’ai même
plus mal.
-
Sors
de chez moi. Si tu ne veux pas faire ce que je te dis, tu te trouves une autre
maison. Tu n’es plus ma fille.
-
Tu
me renies parce que je refuse de me soumettre à tes ordres. Je ne suis pas à ta
merci. Je suis libre de mes choix.
-
Ou
tu te maries ou tu dégages de chez moi.
-
Si
c’est ce que tu veux, je m’en vais. Cela dit, regarde-moi bien, papa, parce que
c’est la dernière fois que tu me vois. Après quoi, tu ne pourras plus me
compter comme l’un de tes enfants.
Une heure plus
tard, elle avait recueilli toutes ses affaires. Elle embrassa une dernière fois
sa mère et sa petite sœur, puis, s’en alla vivre sa nouvelle vie où elle
n’était plus la fille de son père.
13
-
Je
te remercie de m’héberger, Christian, mais, tu n’es pas obligé. Je peux me
payer un hôtel ou un studio.
-
Tu
penses vraiment que je te laisserai moisir dans un hôtel alors que tu peux
venir ici. Sans compter que, je doute que tu puisses vivre seule. T’es habitué
à avoir des gens autour de toi. Ce n’est pas pour toi la solitude.
-
Ce
n’est pour aucun être humain. Quoiqu’il en soit, j’insiste pour payer tes
parents pour les désagréments que je leur cause.
-
Tu
verras ça avec eux mais je doute qu’ils acceptent.
-
Je
saurai les convaincre.
-
Je
te fais confiance.
-
Cricket,
je voudrais m’excuser pour la façon dont j’ai réagi à l’annonce de ton mariage.
C’était malhonnête et égoïste. Je suis désolée.
-
C’est
déjà oublié.
-
Non,
Christian. On ne peut pas faire comme s’il ne s’était rien passé. J’ai dû te
blesser et je m’en veux. Si quelqu’un mérite d’être heureux, c’est bien toi. Je
suis contente que tu ais rencontré la femme de ta vie. Je t’ai montré le
contraire mais ce n’était pas mon intention. La vérité est que je suis jalouse
de toi. Tu as de la chance d’avoir pu rencontrer la femme de ta vie. J’aimerai
que ça m’arrive mais je fais toujours tout pour que mes histoires soient vouées
à l’échec. J’ai compris que ton bonheur valait plus que le mien donc je n’ai
pas le droit de t’empêcher de le vivre. J’irai également présenter mes excuses
à Elodie.
-
Je
te remercie Léa. Ça me touche. Et, tu sais, je suis persuadé que tu trouveras
un jour l’amour de ta vie. Il ne peut pas en être autrement, on ne peut que
t’aimer.
-
C’est
gentil. Quand tu m’as appris que tu allais te marier, j’avais également peur que
ton mariage ait une incidence sur notre amitié. Tu seras beaucoup moins
disponible, et, j’ai peur de te perdre. Je tiens trop à toi pour ça.
Des larmes
embuèrent ses yeux. Christian la prit dans ses bras et la serra très fort.
-
Je
ne t’abandonnerai jamais, Léa. Je te le promets. Célibataire ou marié, je serai
toujours à tes côtés.
-
Merci.
-
Tu
ne devrais pas me remercier aussi vite. J’ai fait quelque chose qui risque de
fortement t’énerver.
-
Je
crains le pire.
-
J’ai
demandé à Kevin de passer.
-
Je
peux savoir pourquoi ? Je n’ai rien à lui dire.
-
Si
tu n’as rien à lui dire, écoute au moins ce que lui a à te dire. Sans compter
que tu ne lui as pas laissé le temps de s’expliquer avant ton départ.
-
Tu
as fait une bêtise, Christian. Je n’ai vraiment pas envie de voir Kevin.
-
Tu
l’aimes encore.
-
J’ai
eu le temps de faire le deuil de mon amour pour lui en deux ans.
-
J’imagine
que Rick Jackson a beaucoup aidé pour ça.
-
Tu
penses vraiment que je suis sortie avec lui ?
-
Je
sais que ce n’est pas le cas.
-
Alors
c’est quoi ces sous-entendus ?
-
Rien.
Je veux te faire avouer que tu aimes encore Kevin.
-
Je
t’ai déjà dit que j’avais eu le temps de faire le deuil de mon amour pour Kevin
en vingt-quatre mois.
-
Tu
as eu le temps de le faire mais ça ne veut pas dire que tu y sois parvenue.
-
Je
déteste quand tu lis en moi comme ça.
-
Je
sais. Kevin t’attends devant la porte, tu devrais aller lui ouvrir.
-
Comment
tu sais ?
-
Je
viens de recevoir un sms.
En le voyant, elle
s’aperçut que ses sentiments pour lui n’avaient jamais disparu. Au contraire,
ils étaient restés enfermer dans son inconscient jusqu’à aujourd’hui. Le temps
avait passé, mais, il n’avait pas permis d’apaiser ses blessures ni d’atténuer
son amour.
-
Je
suis content de te voir, dit Kevin.
-
Je
ne sais pas si je peux en dire autant.
-
On
peut se parler ?
-
Je
n’ai rien à te dire mais je t’écoute.
-
Je
suis désolé pour ce qui s’est passé entre nous. Je suis désolé d’avoir brisé ta
confiance. J’aurai dû te dire que j’avais une fille mais j’avais peur de te
perdre en te l’avouant et c’est finalement ce qui a fini par arriver. Si je
pouvais, je remonterai le temps pour pouvoir te retrouver parce que tu
n’imagines pas à quel point c’est dur de vivre sans toi. Ce ne sont pas des
paroles en l’air, Léa, j’ai été sincère avec toi durant le peu de temps qu’a
duré notre histoire. Je t’ai réellement aimé et je continue de le faire. J’ai
fait une belle boulette et je serai prêt à faire n’importe quoi pour te
récupérer.
-
Je
n’ai pas envie de te croire. Je suis désolée, Kevin, mais, si tu m’aimais
vraiment, tu m’aurais dit la vérité sans chercher à me protéger. Je me suis
sentie blessée, c’est comme si tu n’avais pas confiance en moi. Pourtant, je
t’ai ouvert mon cœur et je t’ai même
avoué des choses que je ne m’avouais même pas à moi-même. Je t’ai accordé ma
confiance mais tu n’en as pas fait autant. Ça ne pourra pas marcher entre nous.
-
Ça
va marcher. Tu verras que j’ai raison.
-
Encore
faut-il que j’accepte de te donner une seconde chance.
-
Tu
vas le faire, je ne te laisse pas le choix.
-
Tu
penses réellement pouvoir me dicter ma conduite ?
-
Je
pense pouvoir te dicter ce que te dit ton cœur. J’ai réussi à te le faire
écouter une fois, je suis prêt à recommencer.
-
Je
te trouve bien sûr de toi.
-
Je
suis sûr des sentiments que j’éprouve pour toi. Ça me suffit.
-
J’ai
besoin de quelque chose de concret. Tes mots ne me suffisent pas.
-
Tu
veux du concret ? Très bien. Viens avec moi, je te présenterai à ma fille
comme étant la femme de ma vie. Tu veux que je te prouve que j’ai confiance en
toi ? Très bien. Tu veux que je te dise tout même si la vérité n’est pas
toujours bonne à entendre : j’ai été marié à la mère de ma fille. Notre
mariage a duré quelques mois avant de partir en fumée. J’avais dix-sept ans
quand mon ex est tombée enceinte. A l’annonce de sa grossesse, on a décidé de
nous marier. Seulement, après quelques mois de mariage, on a vite compris que
nous n’étions pas faits l’un pour l’autre. Ça fait trois ans que nous sommes en
procédure de divorce.
-
Ça
veut dire quoi ça ?
-
Je
suis certain que tu as compris toute seule. A l’heure d’aujourd’hui, je suis
toujours marié aux yeux de la loi. Je te l’ai dit, toute vérité n’est pas bonne
à dire ni à entendre. Seulement, tu voulais que je te montre que j’ai confiance
en toi, et c’est ce que je fais.
14
-
Je
lui ai tout dit, reconnut Kevin.
-
Comment
ça, tout ? demanda Sara.
-
C’est
simple. J’ai avoué à Léa que je suis encore marié à Maria.
-
Comment
elle a réagi ?
-
Elle
a immédiatement changé de sujet, puis, nous sommes partis chez moi où elle a vu
Julie. On a passé la nuit ensemble et le matin, à mon réveil, elle n’était plus
là.
-
Tu
devrais peut-être tirer un trait sur cette fille. Elle est trop compliquée
votre histoire.
-
Peut-être,
mais, je l’aime.
-
J’ai
l’impression qu’elle se moque de toi.
-
Elle
n’est pas comme ça. Apprends à la connaitre et tu le remarqueras par toi-même.
-
J’ai
déjà mon opinion sur elle. Je peux aller lui parler si tu veux.
-
Je
te l’interdis formellement. C’est clair ?
-
Relax.
Je n’irai pas. Calme-toi. Par contre, j’ai rendez-vous chez le médecin dans une
heure. Il faut que j’y aille.
-
Pourquoi,
t’es malade ?
-
Non.
Simple contrôle routinier. Je te tiens au courant.
-
Ça
marche, à plus tard.
Léa sirotait un
jus de fruit dans le jardin en compagnie de Christian. Lorsqu’elle vit Sara
entrer, elle sut que les ennuis n’allaient pas tarder à commencer. Sara avait
du mal à ne pas se mêler des affaires de cœur de son meilleur ami.
-
Sara.
-
Léa.
-
Je
suppose que tu veux me parler.
-
Tu
supposes bien. Kevin attends une réponse par rapport aux révélations qu’il t’a
faites hier soir.
-
C’est
lui qui t’envoie ?
-
Bien
sûr, sinon je ne serai pas là.
-
Permets-moi
d’en douter.
-
C’est
la vérité.
-
Dans
ce cas, tu ne verras aucun inconvénient à ce que je lui téléphone pour m’en
assurer.
-
Il
ne m’a pas envoyé.
-
J’en
étais sure.
-
On
s’en fiche de qui m’envoie. Il attend une réponse. Tu vas le faire languir
encore longtemps ?
-
Je
ne sais pas et ça ne te regarde pas.
-
L’une
de vous pourrait-elle me mettre au parfum ? demanda Cricket.
-
Je
le fait, dit Léa. Hier, Kevin a voulu jouer franc jeu avec moi pour que je ne
puisse plus douter de sa sincérité. Du coup, il m’a avoué qu’il avait été marié
avec la mère de sa fille et que le divorce n’avait toujours pas été prononcé à
l’heure qu’il est. C’est tout.
-
Tu
te moques de moi ?
-
Non.
C’est ce qu’il m’a dit.
-
Et
tu t’en moques ?
-
J’ai
compris une chose depuis que j’ai rencontré Kevin : mes histoires d’amours
ne se passeront jamais comme je l’imagine. Et, malgré tous les efforts que je
fais pour lutter contre mes sentiments, je n’arrive pas à oublier Kevin. Quelque soit les secrets qu’ils cachent, je
m’en moque parce que je ne peux plus me passer de lui maintenant.
Quelques
secondes plus tard, Kevin et Mickaël entrèrent dans le jardin. Ils avaient
vraisemblablement entendu ce que Léa venait de dire.
-
Je
suis content que tu le prennes comme ça, dit-il.
-
J’ai
souffert de ton absence pendant tout le temps passé en tournée. Sans oublier
que, sans toi à mes côtés, je n’avais plus le même goût à la vie.
-
Pareil
pour moi. J’ai une bonne nouvelle : j’ai vu avec mon ex, on a pu obtenir
une audience le mois prochain pour le divorce.
-
Cool.
Tu seras de nouveau un homme libre.
-
Pas
exactement. Ça va dépendre de toi.
-
Comment
ça ?
Il s’agenouilla
et sortit une bague de son étui :
-
Léa
Fuston, veux-tu me faire l’honneur de devenir ma femme en m’épousant ?
15
Trois
mois plus tard :
-
Elodie,
tu auras beau crier, je n’irai pas plus vite.
-
Je
suis désolée, Léa. Une mariée est toujours stressée le jour de son mariage.
Le jour où Kevin
demandait la main de Léa, Elodie apprenait à Christian qu’il allait devenir
père. Une semaine plus tard, c’était au tour de Sara. On n’aurait dit une
épidémie de femme enceinte. Léa avait été ravie de l’apprendre. D’une certaine
façon, elle allait devenir tante. Kevin
avait alors suggéré à Léa son envie d’avoir un autre enfant. Elle avait été
catégorique et avait refusé. A seulement vingt ans, elle allait entrer en école
d’infirmière. Après seulement elle envisagerait peut-être d’en avoir. Kevin
avait pris ce second refus – après celui de la demande en mariage – comme une
belle claque. Leur couple battait sérieusement de l’aile depuis quelques temps.
-
Léa,
tu es bien sure que tout est en place ? s’inquiéta Elodie.
-
Oui,
ne t’inquiète pas. J’ai tout vérifié avant de monter. Une seconde, j’ai un coup
de fil : Allô ?...
D’accord !... ok, ça marche. A tout de suite.
-
C’est
bon ta maquilleuse est arrivée. Je vais
voir où en sont les garçons et ce qu’il en est de ta robe.
-
Attend
Léa.
-
Oui ?
-
On
ne verra pas que je suis enceinte à travers
ma robe ?
-
Non.
Tu es sublime.
A voir le stress des mariées, Léa
n’avait vraiment pas envie de sauter le pas.
Elle fila en bas voir où les garçons en
étaient. A sa grande surprise, ils étaient tous déjà prêts.
L’émotion la gagna rapidement. Christian
et ses deux frères jumeaux étaient vraiment identiques. Il lui était presque
difficile de les distinguer. Heureusement, le costume de Cricket était blanc
alors que celui de ses frères était noir.
Très vite, les
larmes lui montèrent aux yeux. Cricket d’approcha d’elle et lui tendit un
mouchoir :
-
Tiens,
et ne t’avise plus de pleurer avant la cérémonie. Je veux que tu sois la
deuxième plus belle femme de cette journée.
-
D’accord,
dit-elle dans un demi-sourire. Je suis tellement heureuse pour toi.
-
Tu
aurais pu vivre ça si tu l’avais voulu.
-
Ne
me fais pas la morale, pas aujourd’hui. Je sais pourquoi je ne veux pas me
marier, et, ça ne regarde que Kevin et moi.
-
Je
ne dis plus rien. En tout cas, c’est cool que ça aille mieux entre vous.
-
Oui.
Bon, je retourne auprès de la mariée. A tout à l’heure les garçons.
Elle prit la
direction de la sortie mais Christian l’interpella peu de temps avant qu’elle
n’ait franchi le seuil :
-
Tu
n’oublies rien ?
-
Non.
-
Tu
as les alliances ?
-
Oups
… Je suis désolée. Promis, je les aurai pour la cérémonie.
-
Y’a
intérêt.
Les alliances en
main, elle retourna dans la loge d’Elodie. La maquilleuse et coiffeuse était
arrivée pendant son absence. Léa s’installa et la laissa la fameuse Jamie faire d’elle une beauté le temps
d’une journée. Elle enfila la robe qui lui était réservée et s’apprêta à
partir.
A la vue
d’Elodie, l’émotion la submergea encore une fois. Elle rêvait secrètement de se
marier, et, en même temps, elle en avait peur. Il lui était néanmoins sûr que
Christian avait pris la meilleure décision de sa vie en voulant épouser
Elodie :
-
Tu
es prête à devenir ma belle-sœur ? Je pense qu’ils nous attendent à la
mairie.
-
Je
suis stressée. J’ai peur d’y aller.
-
C’est
normal. Tu vas prendre une décision qui risque de changer à jamais le cours de
ta vie.
-
Tu
as raison.
-
J’ai
toujours raison. On devrait vraiment y aller maintenant. Prête ?
-
Oui.
A la mairie,
tout le monde était en place. La famille et les amis proches occupaient les
premiers rangs. Léa avança jusqu’à arriver à hauteur de Christian. Quelques
secondes plus tard, le visage de ce dernier s’illumina et pour cause, Elodie
venait d’entrer. Le maire entama son discours :
-
Mesdames,
mesdemoiselles, messieurs, nous sommes réunis en ce jour et en ce lieu, pour
unir à jamais, par les liens du mariage, deux êtres qui s’aiment. Ils ont finalisé
leur amour dès lors que leurs regards se sont croisés, ils l’ont confirmé par
la demande en mariage et, aujourd’hui, devant tous leurs proches, ils vont de
nouveau prouver qu’ils sont destinés à s’aimer pour l’éternité. Le mariage
n’est pas chose facile. C’est le début d’une vie à deux qui ne pourra que
s’embellir au fil des jours. Et malgré les moments difficiles, ce serait
utopique de dire qu’il n’y en aura pas, vous en sortirez plus fort. Parce que
l’amour que vous ressentez l’un pour l’autre, surmontera tous les obstacles que
vous rencontrerez. Christian Alexandre Callming, veuillez adresser vos vœux à
Elodie Tersons, ici présente.
-
Elodie,
notre rencontre a été bien plus qu’un coup de foudre. Dès l’instant où je t’ai
vue, je me suis juré de ne jamais céder la place à quelqu’un d’autre dans mon
cœur. Des femmes, j’en ai rencontrées, mais aucune n’avait une telle emprise
sur moi. Tu es la femme de ma vie, et si on devait un jour me demander de
définir l’amour, je dirais que c’est toi.
Je ne respire que pour contempler ta beauté et être auprès de toi. J’ai appris
à t’aimer, mais une chose est sûre, je ne cesserai jamais de le faire. Je
t’aime plus que tout au monde Elodie Tersons.
-
Christian,
tu es la lumière de ma vie et mon unique raison de me lever le matin. Tu mets
de la lumière dans ma vie depuis que tu y es rentré, et les choses les plus
insolites de la vie deviennent, avec toi, tellement extraordinaires. Je t’aime à
un tel point que l’univers tout entier ne suffirait pas pour mesurer l’étendue
de mon amour. Dès l’instant où tu m’as souri, tu es entré dans ma vie et dans
mon cœur pour ne plus jamais en ressortir car je t’aime plus que tout au monde.
Sur ces
déclarations, Léa éclata en sanglots. Le maire poursuivit :
-
Christian
Alexandre Callming, voulez-vous prendre pour épouse Elodie Tersons ici
présente ? Promettez-vous de l’aimer, de la chérir, et de l’accompagner
dans tous les moments de votre vie, que ce soit dans la richesse ou la
pauvreté, la santé ou la maladie, jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
-
Oui,
je le veux.
-
Elodie
Tersons, voulez-vous prendre pour époux Christian Alexandre Callming ici
présente ? Promettez-vous de l’aimer, de le chérir, et de l’accompagner
dans tous les moments de votre vie, que ce soit dans la richesse ou la
pauvreté, la santé ou la maladie, jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
-
Oui,
je le veux, et même au-delà s’il le faut.
Léa donna les alliances à Christian.
-
Désormais
ces anneaux symbolisent votre union et le début de beaucoup de bonheur.
Christian Alexandre Callming et Elodie Tersons, je vous déclare mari et femme.
Christian, vous pouvez embrasser la mariée.
Un tendre et langoureux baiser mit fin à
la cérémonie mais marqua le début d’une belle et grande histoire d’amour.
16
-
Cesse
de m’importuner, Kevin. Je t’ai déjà dit ce que j’en pensais et je ne changerai
pas d’avis.
-
Donne-moi
une bonne raison de ne pas m’épouser ni d’avoir des enfants avec moi et je te
laisse tranquille.
Depuis le
mariage de Christian, Kevin insistait pour que Léa et lui aient des enfants.
Cette dernière refusait, tout comme elle avait refusé sa demande en mariage. Et
ça, Kevin ne le comprenait pas.
-
Avoue-le,
tu ne m’aimes pas.
-
Quoi ?
-
Tu
ne m’aimes pas.
-
N’importe
quoi. Tu sais bien que c’est faux.
-
Alors
parle-moi.
-
Mais
je n’ai rien à te dire.
-
Ouais,
ça fait des semaines que tu refuses de me parler. Qu’est-ce que je t’ai
fait ?
-
Il
ne fallait pas me demander en mariage.
-
Pardon ?
-
Je
ne veux pas te blesser mais je ne veux pas t’épouser.
-
Est-ce
trop demander de savoir pourquoi ?
-
Je
ne veux pas me marier, Kevin.
-
Tu
ne veux pas te marier ou tu ne veux pas te marier avec moi ?
-
Je
ne veux pas me marier tout court.
-
Explique-moi.
-
Je
n’en vois pas l’intérêt. Je t’aime et ça me suffit. Pourquoi se marier ?
Ça n’amplifiera pas notre amour. Je ne
veux pas faire comme tous les autres couples qui se marient pour marquer le
coup, et qui, au bout de quelques années, divorcent. Je rêve secrètement de me
marier, mais, si je le fais, c’est pour toute la vie. Or, je doute qu’un seul
homme soit capable de m’aimer durant toute une vie. Et, mon côté hypersensible
ne le supporterait pas. Ne m’en veux pas, Kevin, je cherche juste à me
protéger.
-
Je
n’ai pas l’intention de te faire souffrir.
-
Je
le sais bien. Tu me feras souffrir sans le vouloir.
-
Tu
me fais du mal en disant ça.
-
Je
suis désolée. Sache quand même que mes décisions n’ont rien à voir avec la
nature de mes sentiments.
-
Ta
décision est irrévocable ?
-
Je
ne voulais pas sortir avec toi et pourtant …
-
Je
peux quand même espérer.
-
Oui.
Ne m’en veux pas mais je dois te laisser. Les jumeaux ont besoin de moi pour
aménager l’appartement de Christian.
-
D’accord.
Elle s’en alla sans
laisser à Kevin le temps de répondre.
Christian et
Elodie étaient en voyage de noce. Les parents d’Elodie leur avaient offert une
croisière. Durant leur absence, les jumeaux, Christopher et Léa les aidaient à
aménager l’appartement que Léa leur avait offert.
Cricket avait
d’abord refusé son cadeau mais Léa avait su trouvé les mots pour le
convaincre :
-
Arrête,
ce n’est rien. Accepte ce cadeau.
-
Non,
c’est beaucoup trop, tu ne peux pas m’offrir un appartement.
-
C’est
trop tard, et je l’ai déjà acheté, donc si tu ne le prends pas, je le donne à
la première personne sans-abris que je croiserai.
-
Léa,
je ne pourrai jamais t’offrir un tel présent, j’aurai l’impression de t’être
redevable à vie.
-
Cricket, tu m’as
offert tant de choses, et, au cas où tu l’aurais oublié, tu m’as offert un toit
quand je n’en avais plus. Et tu as toujours été présent quand j’avais besoin de
toi. Ton amitié vaut bien plus que n’importe quel appartement au monde. Alors
accepte.
Dès qu’elle
arriva chez les parents Callming – bien qu’elle y vivait désormais, elle avait
du mal à dire que c’était chez elle –
Léa trouva les garçons en train de charger le camion et proposa son aide :
-
Salut
les hommes ! Je suis venue aider.
-
Salut
Léa. On vient de finir de charger les dernières affaires de Christian et
Elodie. Il ne reste plus qu’à les emmener dans leur nouveau nid d’amour et
attendre la livraison des meubles.
-
Très
bien. Je vous suis.
Christophe – l’un des jumeaux de Cricket - conduisit le
camion. Léa avait pris soin de choisir un appartement à proximité de la demeure
familiale des Callming pour ne pas être trop éloignée de son meilleur ami.
Arrivés chez
Christian, ils déchargèrent la totalité du camion, puis travaillèrent en
binôme : Christopher avec Léa et Mickaël avec Christophe.
-
Cette
pièce ne va pas là, dit Léa.
-
J’ai
le plan sous les yeux et il dit tout le contraire.
-
Si
les meubles de Christian ne ressemblent à rien, ce sera de ta faute.
-
Tu
m’agaces, Léa.
-
Je
ne dis plus rien.
-
Ça
avance ici ? demanda Mickaël qui venait de faire irruption dans la pièce.
-
Si
on veut, admit Christopher.
-
C’est-à-dire ?
-
Madame
je-sais-tout pense savoir monter les
meubles sans plan.
-
Léa.
Léa. Léa. Tu ne changeras donc jamais.
-
J’ai
le droit de m’exprimer si je pense qu’il va droit dans le mur.
-
Tu
peux mais …
On sonna à la
porte avant que Mickaël n’ait pu finir son sermon. Sauver par le gong, pensa Léa.
Les livreurs
déposèrent le reste des meubles. C’est alors que le visage de Léa se figea
lorsqu’elle reconnut l’un d’autre eux. Elle pensait en avoir définitivement
fini avec lui. Depuis tout ce temps, il a fallu que leurs chemins se croisent à
nouveau. Apparaissaient alors sous ses yeux, tous ces souvenirs qu’elle avait
enfouit au plus profond de sa mémoire. Défilaient sous ses yeux, sa trahison,
sa tromperie, et la descente aux enfers de Léa. Elle qui pensait avoir dépassé
tout ça. Elle qui croyait que tout était fini. Mais c’était bien avant. C’était
bien avant d’imaginer qu’elle pourrait tomber sur lui. Il ne l’avait pas encore
vu et c’était tant mieux pour lui. Elle l’avait tellement insulté en silence, à
défaut de l’avoir devant elle. Elle avait gardé, dans un coin de sa tête, tout
un discours à lui dire, au cas où leurs chemins venaient à se croiser. Le
moment était venu de tout dévoiler. Il l’aperçut. Son regard se figea. Il n’osa
pas parler. Lâche, il préférait fuir son regard.
-
Salut
Thomas.
Il rougit sans
prononcer le moindre mot. Léa espérait au plus profond de son cœur que la honte
envahissait son ancien petit copain. Les autres ne disaient rien. Elle en
conclut qu’ils savaient que se tenait devant eux celui qui avait un jour brisé
son cœur.
-
Salut
Léa. Il reste encore beaucoup à décharger dans le camion. Je ferai mieux
d’aller aider mes collègues.
Il se dirigea à
grandes enjambées vers la porte d’entrée mais Léa l’interrompit :
-
Attend
Thomas. Tu ne croyais tout de même pas que tu allais t’en tirer comme ça. De
quel droit t’es-tu permis de me briser le cœur ? J’avais tout donné pour
toi, Thomas. J’étais prête à n’importe quoi pour te garder et voilà qu’un bon
matin, je découvre que tu es partie avec une autre que moi. T’es-tu demandé, ne
serait-ce qu’un quart de secondes, ce que je ressentirai quand tu me
quitterais ? La vérité c’est que j’étais effondrée et je pensais que je ne
m’en remettrai jamais. J’avais mal et la blessure a mis du temps avant de
cicatriser mais j’y suis parvenue. Qu’as-tu à dire pour ta défense ? Et ta
Victoria, où est-elle que je puisse lui dire ce que je pense d’elle ?
-
Elle m’a largué, répondit-il.
-
Bah ça, tu vois, c’est la meilleure
chose qui aurait pu t’arriver !
Elle l’avait dit
avec une telle froideur qu’elle en eut des frissons. Elle eut alors l’impression
que toute forme de bon sentiment avait quitté son âme. Sa rancœur envers Thomas
faisait d’elle, en cet instant, un être cynique et froid. Elle avait soudain
oublié tout ce qu’elle avait accompli pour l’oublier. Elle avait l’impression
de revenir au jour où Thomas l’avait rayée de sa vie. Elle revivait ces
journées insupportables à pleurer, ne comprenant pas pourquoi Thomas avait
préféré Victoria à elle. Cricket faisant de son mieux pour la sortir de son
désespoir. Elle était comme une folle qui avait perdu tout sens à la vie. Mais
le temps avait passé et elle avait
dépassé tout ça. Du moins, le pensait-elle.
-
Je
comprends mieux pourquoi tu es si réticente à l’idée de t’engager avec moi,
lança Kevin qui venait d’apparaître derrière elle.
-
Ce
n’est pas ce que tu crois, Kevin. Je te jure que …
-
Economise
ta salive. Je ne veux plus rien entendre.
Sur ces mots, il
quitta l’appartement. Léa tenta tant
bien que mal de le rattraper. Arrivée à sa hauteur, elle cria :
-
Je
peux tout expliquer. Il n’y a plus rien entre Thomas et moi.
-
Je
devrais m’en contenter ? Léa, visiblement, tu as encore des sentiments
pour ton ex. Tu n’es pas au clair avec toi-même. Si tu veux le rejoindre,
vas-y, je ne courrais pas éternellement derrière toi.
-
J’ai
enterré mes sentiments pour Thomas il y a bien longtemps. Seulement, le fait de
le voir … Tu comprends, je devais me débarrasser de la rancœur que j’avais pour
lui pour me sentir enfin libérer.
-
Non,
je ne te comprends plus, Léa. Pour la première fois de ma vie, je sais ce que
je veux. Et ce que je veux, c’est toi. Et je ne comprends pas pourquoi tu es
toujours aussi en colère après lui. Bon sang, ça fait plus de deux ans que
votre histoire est terminée. Comment veux-tu que je me sente ?
-
Je
ne suis pas stupide, je comprends ce que tu ressens. Mais, ce qui s’est passé
avec Thomas ne doit pas remettre en cause les sentiments que j’ai pour toi.
-
J’ai
du mal à le croire, Léa. En vue des derniers évènements et de ce que je viens
d’entendre, j’ai vraiment du mal.
-
Je
t’ai dit pourquoi je ne voulais pas me marier et je suis trop jeune pour penser
à avoir des enfants.
-
Juste
trois ans de plus que moi quand j’ai eu ma fille.
-
Cette
décision t’appartenait. Tu l’as fait et tant mieux, mais, je ne pense pas comme
toi.
-
Okay
pour les enfants. Remettons à plus tard. Mais, tu as dit que tu pourrais
changer d’avis concernant le mariage.
-
Je
l’ai dit, oui.
-
Qu’est-ce
que je dois faire ?
-
Convainc-moi
-
Quoi ?
-
Convainc-moi de t’épouser.
-
Je ne devrais pas avoir à te convaincre,
tu devrais vouloir m’épouser parce que tu m’aimes. Je ne devrais pas avoir à te
convaincre, ça doit être quelque chose de naturel. Tu dois ressentir ce besoin
de m’épouser.
-
Convainc-moi, s’il te plait. Je ne crois
pas au mariage, je n’en vois pas l’utilité, mais, je crois en l’amour et je
crois en toi. Trouve les mots qui me feront changer d’avis et j’accepte de
t’épouser.
-
Je ne peux plus me passer de toi, je
t’aime comme un fou. Tu m’obsèdes du matin au soir, j’ai tout le temps envie
d’être à tes côtés. C’est maladif, j’ai besoin de toi, tout le temps. Moi non
plus je ne croyais pas au mariage mais j’ai envie de t’appeler ma femme, j’ai envie que tout le monde
sache que je suis à toi. Je veux t’appartenir,
être ton homme pour toute la vie.
-
…
-
Je n’ai pas été assez convaincant ?
-
Si. Tu m’as plus que convaincu.
Seulement, j’ai peur. J’ai peur parce que je t’aime énormément, à en devenir
malade quand tu n’es pas là. Je ne voudrais pas que le mariage mette fin à
notre amour comme c’est le cas chez un grand nombre de couple. Je n’y survivrai
pas.
-
J’ai confiance en nous et en notre
amour.
-
Dans ce cas, je te fais confiance. J’accepte
de t’épouser.
17
Livre d’or de
Léa :
Je ne sais pas
ce qui m’a pris. J’ignore pourquoi j’ai accepté la demande en mariage de Kevin
bien que je l’aime plus que tout. J’ai tellement peur d’être heureuse si mon
bonheur doit être éphémère et s’ensuivre de déception. Comment le faire
comprendre à l’homme que j’aime ? Sera-t-il en mesure d’écouter et
comprendre mes craintes ? Surtout, sera-t-il en mesure de les
accepter ? Je ne sais pas où je mets les pieds. Je ne sais pas ce que je
dois faire. Continuer en prenant le risque d’être blessée ou arrêter et
souffrir quand même ? Je n’avais jamais imaginé qu’aimer pouvait être si
compliqué. Que me conseillerait Cricket s’il était là ? De foncer.
Naturellement. Je ne sais pas quoi faire, et pourtant, je dois prendre une
décision.
Allongée sur son lit, elle referma son
cahier qui contenait les moindres de ses secrets. Soudain, la vie sans son
meilleur ami lui parut tellement dure. Pour elle qui n’avait pas l’habitude de
choisir seule, elle allait devoir prendre deux décisions qui changeraient à
jamais sa vie.
-
Myriam,
je sors. J’essaierai de ne pas rentrer trop tard.
-
Très
bien, répondit celle-ci. C’est trop indiscret de te demander où tu vas ?
-
Non.
Je vais faire les magasins. Il n’existe meilleur antidépresseur.
-
Ça
ne va pas ?
-
Disons
que j’ai besoin de réfléchir, mais, ne t’inquiète pas. Je gère.
-
Très
bien. A ce soir.
-
A
ce soir.
Elle n’eut
jamais le temps de se détendre en faisant du shopping. A peine avait-elle
quitté l’appartement Callming qu’elle fut prise de vertige et de maux de
ventre, et, perdit subitement connaissance.
Lorsqu’elle
reprit connaissance, ses douleurs et la sensation de vertige avaient disparues.
Cependant, elle se sentait très fatiguée et ignorait où elle était.
-
Ça
va ? demanda Myriam.
-
Je
suis complètement naze. Où suis-je ?
-
A
l’hôpital. Tu as perdu connaissance devant la maison.
-
Ce
n’était pas la peine de m’emmener à l’hôpital.
-
Je
suis sure du contraire.
-
Pourquoi ?
Qu’est-ce qui se passe ?
En guise de
réponse, elle sortit de la chambre et y rentra quelques secondes plus tard, en
compagnie d’une infirmière :
-
Bonjour
Mlle Fuston. Je suis Eva l’infirmière qui va vous prendre en charge tout au
long de votre séjour. Comment allez-vous ?
-
Ça
va. J’aimerai juste comprendre ce qui se passe.
-
Vous
avez perdu connaissance devant chez vous. Une ambulance vous a emmené ici.
-
Ça,
je le sais déjà. Ça ne me dit ce que j’ai.
-
Le
médecin va passer vous voir.
-
Je
sens que c’est grave. Je me trompe ?
-
Vous
en discuterez avec votre médecin. Je vais l’appeler.
Il ne tarda pas
à arriver.
-
Bonjour,
Mlle Fuston. Comment vous sentez-vous ?
-
Très
bien. Pouvez-vous me dire ce que j’ai ? Par pitié, allez droit au
but.
-
Comme
vous voudrez. Vous êtes enceinte de cinq mois.
-
Je
suis quoi ?
-
Vous
êtes enceinte. Visiblement, vous avez fait un déni de grossesse.
-
Vous
n’êtes pas sérieux ? J’ai encore eu mes règles il y a deux semaines. Je ne
peux pas être enceinte.
-
Lorsque
vous faites un déni de grossesse, vous continuez d’avoir vos règles. A vrai
dire, votre corps ne réagit pas au changement et vous n’avez pas l’air d’être
enceinte. C’est ainsi que vous continuez d’avoir vos règles.
Léa n’en croyait
pas ses oreilles. Il y a encore quelques semaines, elle se disputait avec Kevin
parce qu’elle refusait d’avoir des enfants pour le moment, et voilà que le
destin lui jouait un bien vilain tour.
-
Vous
devriez lui dire la suite, conseilla Myriam.
-
Quelle
suite ? demanda Léa soudainement inquiète.
-
L’échographie
a révélé que vous étiez au moins enceinte de jumeaux.
-
Qu’est-ce
que ça veut dire au moins ? J’attends des jumeaux ou
pas ?
-
L’image
n’était pas très nette bien que l’échographie ait été faite à plusieurs
reprises. Ce qui est sûr est que nous avons distinctement pu voir deux enfants.
Il semblerait qu’il y en ait un autre mais comme il était retourné, nous ne sommes
pas complètement certains qu’il s’agisse d’un autre fœtus.
-
Je
ne peux pas être enceinte. Je ne veux pas l’être.
-
Nous
comprenons votre réaction. C’est une nouvelle bouleversante que vous venez
d’apprendre. Cela dit, nous pouvons prendre rendez-vous avec un psychiatre si
vous souhaitez en discuter avec quelqu’un.
-
Ce
ne sera pas nécessaire. Merci quand même. Quand est-ce que je pourrais sortir
d’ici ?
-
Il
serait préférable que nous vous gardions ici encore quelques temps pour nous
assurer que tout va bien.
-
Ce
ne sera pas nécessaire. J’ai simplement envie de rentrer. Alors, on va faire
comme si vous m’aviez expliqué tous les risques que j’encoure, que je les ai
écoutés mais que j’ai quand même décidé d’en faire qu’à ma tête.
-
Ça
ne marche pas comme ça. Vous venez d’apprendre une grossesse de plus de cinq
mois, vous attendez probablement des triplés, ça fait beaucoup à encaisser et
pour éviter tous risques pour les bébés, nous devons vous garder en observation
encore quelques jours.
-
Tu
devrais les écouter, avoua Myriam. Crois-en une femme qui a eu des triplés.
-
C’est
d’accord, dit-elle dans un soupir. Je vais rester encore quelques jours.
Les infirmières
lui expliquèrent le déroulement de son séjour et les examens qu’elle sera
amenée à passer dans les jours qui viennent. Dés qu’elles quittèrent la chambre,
Léa laissa ses émotions sortir et pleura toutes les larmes de son corps.
18
Léa quitta
l’hôpital au bout d’une semaine. Elle avait fait promettre à Myriam de ne rien
dire à qui que ce soit. Quant à Kevin, elle lui avait fait croire qu’elle
passait quelques jours chez une amie parce qu’elle avait besoin de remettre de
l’ordre dans ses idées. Il avait semblé la croire. Du moins, il ne laissa rien
paraitre du contraire.
Lorsqu’elle
arriva chez Myriam, elle ne trouva, pour seule compagnie, que le silence de
cette maison vide. Un message était néanmoins épinglée sur le frigo, lui
indiquant où se trouvait les membres de cette maison.
On passe la journée chez Cricket, il nous racontera
sa lune de miel, et montrera les photos de vacances. On ne rentrera pas tard,
bisous. Christophe et Mickaël.
L’espace d’un
instant, elle fut déçue que personne ne l’ait informée plus tôt du retour de
son meilleur ami. Elle ne recula pas pour autant et fonça chez ce dernier.
-
Salut
Cricket. Alors cette lune de miel ?
-
C’était
génial. Je t’en prie, entre.
-
Merci.
En plus des
frères jumeaux de Cricket, Léa trouva également chez lui, Elodie – bien évidemment
– Kevin, Thomas et une jolie rousse dont le visage lui rappelait vaguement
quelque chose.
-
Je
peux m’en aller si je dérange.
-
Surement
pas. En laissant le mot à la maison, mes frères voulaient que tu viennes nous
rejoindre.
-
C’est
quoi ce plan ?
-
Ce
n’est pas un plan, c’est juste qu’il faut que t’écoutes certaines choses,
répondit Cricket.
-
Est-ce
que j’ai le choix ?
-
Pas
trop, non !
-
Léa,
commença Thomas, je suis conscient que je t’ai fait souffrir par le passé, et
j’en suis désolé. Comme tout le monde j’ai fais des erreurs et j’en paie le
prix fort aujourd’hui. L’autre jour quand tu m’as dit que le fait que Victoria
m’ait quitté soit la meilleure chose qui aurait pu m’arriver, sur le coup j’ai
été blessé, mais maintenant que j’y pense, c’est vrai. Si elle ne m’avait pas
quitté, je n’aurai jamais rencontré ma fiancée.
« Ah parce que cette rousse, c’est sa fiancée, pensa Léa.
Elle ne s’est pas à quoi s’attendre ».
-
Tu
as fini ? A qui le tour maintenant ?
-
Je
t’en ai d’abord voulu lorsque j’ai entendu cette discussion avec ton ex, avoua
Kevin, j’étais persuadé que tu avais encore des sentiments pour lui. Mais je me
suis trompé, je te prie de m’excuser.
-
Pourtant,
j’ai eu du mal à te joindre ces derniers jours. Ce n’était surement pas parce
que tu n’étais pas en colère après moi.
-
Je
te préparais une surprise. J’aurai préféré te l’annoncer autrement mais bon.
Tiens, c’est pour toi.
Il lui tendit
une boite en velours rouge avec des écritures dorées. Elle l’ouvrit et y
découvrit un jeu de clé.
-
Tu
m’expliques ?
-
Je
veux vivre avec toi, Léa. Je t’aime et veux passer chaque jour de ma vie à tes
côtés. J’ai visité un appartement que j’ai adoré et je suis sûr qu’il te
plaira. Je l’ai acheté.
-
On
s’apprête à vivre ensemble mais tu choisis tout seul notre appartement ?
-
Je
te l’ai dit, j’ai voulu te faire la surprise. Et puis, tu as fais la même chose
pour Cricket et Elodie.
-
C’est
vrai. Je ne vais pas t’en tenir rigueur. Dis-moi, il a combien de pièce, au
juste, cet appartement ?
-
Trois
pièces, pourquoi ?
-
Parce
que j’espère que tu aimes les surprises toi aussi. Je suis enceinte de cinq
mois, mon chéri, et l’échographie a révélé que j’attendais au minimum des
jumeaux. Surprise !
19
Ils étaient
ainsi l’un face à l’autre depuis plus d’une heure mais aucun d’eux n’ouvraient
la bouche. Il attendait qu’elle se dévoile, elle attendait le bon moment. Au
prix que coutait la séance, elle décida de briser le silence :
-
Je
suis déprimée depuis que je suis enceinte, avoua-t-elle.
-
Tu
en connais les causes ? demanda Christopher.
-
Je
m’en veux de ne pas avoir découvert plus tôt ma grossesse. S’il arrivait
quelque chose aux bébés, je ne m’en remettrai pas.
-
Ne
pense pas au pire. Profite des quelques mois de grossesse qu’il te reste.
Ensuite, tu aviseras.
-
Facile
à dire.
-
Comment
réagit Kevin ?
-
Il
m’en veut.
-
Il
te l’a dit ?
-
Non
mais ça se ressent. On se parle à peine depuis qu’on a emménagé. Il sort
beaucoup et quand il rentre il est trop crevé pour faire attention à moi.
-
Prend-le
à part dans un cadre non-familier et oblige-le à te dire ce qu’il ressent.
-
Je
ne sais pas. Je ne crois pas que je suis prête à entendre ce qu’il va dire.
-
Il
va falloir te faire violence ma belle. Au nom de tes enfants.
-
Oui.
Je vais essayer. Je te dirais si j’ai réussi. Je dois m’en aller. Je te dis à
ce soir pour la pendaison de crémaillère ?
-
Compte
sur moi.
A dix-neuf
heures, ce soir là, Léa accueillit ses invités dans sa nouvelle demeure. Tous
avaient répondu présent : Mickaël, Christophe, Sara, Christopher, ainsi
que Thomas et sa nouvelle fiancée. Léa ne se rappelait toujours pas où elle
l’avait vu mais avait bien envie de tuer Kevin
pour cet affront. Elle leur fit visiter l’appartement que personne, hormis
Sara, n’avait vu, puis, ils passèrent à table. Les invités semblaient
apprécier, sans grande surprise, le repas.
-
C’est
délicieux. C’est toi qui as cuisiné Léa ?
-
Si
ç’avait été moi, je doute que tu aurais trouvé cela délicieux. Et je n’aurai
jamais osé vous le faire manger.
Cette remarque
fit rire ses invités. Ne vous méprenez pas, Léa savait et aimait cuisiner,
mais, à côté de Kevin, elle ne faisait pas le poids.
-
Avant
que je n’oublie, Léa, tu as reçu un courrier du lycée chez mes parents. J’ai
reçu le même. Apparemment, ils organisent une sorte de bal à l’espace lumière dans un mois.
-
Ils
n’ont rien d’autre à faire ? Tu comptes y aller.
-
Oui.
Ça pourrait être sympa de revoir ceux qu’on a perdu de vue. Et toi, tu comptes
y aller ?
-
Je
ne sais pas. Il faut que je réfléchisse.
-
Et
toi, Maria, comment va ta fille ? demanda Sara.
-
Bien.
Je l’ai laissée chez mes parents le temps du divorce.
-
Oh,
tu es en train de divorcer ? interrogea Léa avec une once de joie dans la
voix.
-
Oui,
répondit-elle simplement.
-
Et
bien, Thomas, on peut dire que tu sais choisir tes conquêtes.
-
Léa,
l’interpella Kevin tout en la fusillant du regard.
-
Ce
n’est rien, dit Maria. La situation ne doit pas être facile pour elle.
-
Ce
n’est pas une raison.
-
Tu
pourrais aller la voir, proposa-t-elle.
-
Pourquoi
irait-il voir ta fille ? C’est Thomas ton copain, c’est à lui d’y aller.
-
J’irai,
dit-il en ignorant la remarque de Léa.
Un silence
gênant s’installa alors. C’est alors que Léa se souvint du lieu où elle avait
vu, pour la première fois, cette belle rousse qui partageait maintenant la vie
de Thomas.
-
Le
mariage de Christopher et Sara, dit-elle.
-
Quoi,
notre mariage ? demandèrent-ils d’une même voix.
-
C’est
là que j’ai vu Maria pour la première fois. Quand je l’ai revue chez Cricket,
son visage m’était familier mais je viens tout juste de comprendre. Ton ex se
tape mon ex, c’est ça ?
-
Je
ne voulais pas te blesser, admit Kevin.
-
Non.
Bien sûr que non. Tu ne voulais pas me blesser, mais, me prendre pour une
conne, ça, tu t’en fiches.
-
Qu’est-ce
que ça change que ce soit mon ex ?
-
Ça
change que vous vous voyez souvent ces derniers temps et que tu m’as menti.
-
Je
t’ai caché la vérité parce que je ne
voulais pas que tu fasses une scène comme maintenant.
-
Vous
avez été mariés et avez une fille ensemble. J’ai toutes les raisons de me
sentir menacée.
-
Si
ça peut te rassurer, dit Maria, entre Kevin et moi, c’est bel et bien fini
depuis longtemps.
Ignorant sa
remarque, elle se retourna vers Kevin :
-
Au
mariage de Christopher et Sara, quand tu chantais ta belle chanson c’est comme prendre les étoiles et les
disperser au fond de tes yeux. C’est braver les obstacles, franchir toutes les
barrières pour être heureux … Tu t’adressais à moi ou à Maria ?
-
Tu
exagères, Léa.
-
Répond
à ma question.
-
Lors
du mariage, je n’avais d’yeux que pour toi. Sans compter qu’entre Maria et moi
c’était déjà fini depuis bien longtemps.
-
Je
suis désolée, Kevin, mais, j’ai beaucoup de mal à te croire. Je vous souhaite
de passer une bonne soirée, car, en ce qui me concerne, je ne peux pas rester
plus longtemps ici. Au revoir.
Emmenant
tristesse et déception, elle quitta son appartement.
20
Livre d’or de
Léa :
Ma jalousie me perdra. Je souffre d’une pathologie
qu’on appelle « jalousie maladive ». Elle finira par me perdre ou à
me faire perdre ceux que j’aime. Je dois me débarrasser de ce sentiment si je
veux les garder à jamais. Ce n’est pas pour rien si certaines femmes se
retrouvent à tuer leur rivale et leur homme par jalousie. Je ne veux pas faire
partie de celles-là. Je veux pouvoir faire confiance à Kevin et ne plus jamais
douter. Mais, c’est plus fort que moi. Je veux enterrer mes sentiments néfastes
et me permettre d’être enfin heureuse. Comment l’être si j’en ai peur ?
Les réflexions
de Léa furent arrêtées par les coups frappés à la porte. Elle n’avait pas
besoin de savoir de qui il s’agissait : ça ne pouvait être que Myriam.
-
Ça
va, ma puce ?
-
Oui.
Ne t’inquiète pas.
-
Tu
es sure ? Ça n’a pas l’air
pourtant. Tu veux qu’on en parle ?
-
Pourquoi
pas.
Elle prit place
sur le lit, aux côtés de Léa.
-
Ça
s’est mal passé ta soirée ?
-
On
peut dire ça. Kevin avait invité, sans que je le sache, Thomas et sa fiancée,
Maria. Au début, ça m’a agacé mais sans plus. Puis, au cours d’une des
conversations, j’ai pu me rendre compte que la copine actuelle de Thomas est en
fait la mère de la fille de Kevin. autrement dit, sa femme d’un point de vue
légal.
-
Où
est le problème ?
-
J’ai
l’impression qu’il m’a prise pour une conne, dit-elle au bord des larmes. Il
m’a menti. J’aurai aimé savoir qui c’était. Ils ont quand même été mariés et
ont une fille. Ce n’est pas anodin. Elle a dû compter pour lui.
-
Surement,
mais, ils sont en train de divorcer. Ça veut dire qu’il n’en a plus rien à
faire.
-
Si
ç’avait été le cas, il m’aurait dit qu’elle était dans le coin. Pourquoi il me
l’a caché ?
-
Tu
n’en as pas une petite idée ?
-
A
cause de ma jalousie ?
-
Entre
autres, mais, je doute que ce soit la raison principale. Tu es enceinte. Il ne
doit pas vouloir réveiller tes hormones en furie. Il a déjà vécu ça avec son
ex-femme. Je pense qu’il doit vouloir prendre des pincettes, pour ne pas
blesser la grande émotive que tu es.
-
J’aurai
pu le comprendre. Je ne suis pas en sucre tout de même.
-
En
es-tu vraiment sure ?
Elle réfléchit
un instant puis finit par avouer :
-
Non.
Ç’aurait été trop dur pour moi.
-
Je
sais. Je commence à te connaitre. Il n’y a rien d’autres qui te tracasse ?
-
Si.
J’ai peur d’avoir fait une connerie en acceptant la demande en mariage de
Kevin.
-
Explique-toi.
-
J’ai
peur que ça foire. J’aime Kevin mais je ne suis pas sure que le mariage soit
une bonne solution. Il a déjà été marié et son mariage n’a pas marché. J’ai
peur que ça fasse la même chose avec moi.
-
Chaque
situation est différente. Il a vécu un échec en amour mais ça ne veut pas dire
que ce sera toujours le cas. Vois le bon côté des choses, son précédent échec
vous a permis de vous trouver. C’est plutôt une bonne chose.
-
Je
ne doute pas de notre couple. Seulement, j’ai peur que le mariage, sur la
durée, ne vienne à bout de notre couple. La plupart des couples qui se séparent
ont été mariés autrefois. Les couples qui ne se marient pas ont une durée de
vie supérieure.
-
Ne
te préoccupe pas des autres couples. Vis pour toi sans te comparer aux autres.
Si je peux me permettre, les autres couples mariés n’ont pas marché parce
qu’ils ne s’aimaient pas autant que Kevin et toi.
-
Tu
as sans doute raison. Merci Myriam. Tu es comme une seconde mère pour moi.
-
N’est-ce
pas le devoir d’une mère d’aider sa fille quand elle en a besoin ?
Une semaine plus
tard :
Elle portait une
longue robe de soirée de grossesse, il portait un élégant costume. Un dernier
coup d’œil dans le miroir et ils étaient prêts à partir pour leur soirée. Elle
tenta, une dernière fois, de convaincre son fiancé de l’accompagner, mais il
déclina l’invitation. C’était donc aux bras de son meilleur ami que Léa se rendait à la soirée organisée par
son ancien lycée.
Il y avait
foule, ce soir-là, devant l’espace
lumière. De nombreux anciens lycéens avaient répondu présent à
l’invitation. Léa et Cricket reconnurent de nombreux visages. En même temps, le
lycée Feyder n’étant pas très grand,
tout le monde se connaissait. De vue, au moins.
Un vigile était
posté devant l’entrée. Il leur demanda leur invitation, qu’ils tendirent, et
entra dans ce lieu qu’ils ne reconnaissaient plus. Question décoration, le
lycée n’avait pas lézardé sur les moyens. On se croirait presque dans ses
soirées étudiantes américaines qui font rêver tant de jeunes français à défaut
d’y être.
-
Léa
Fuston ? C’est bien toi ?
Elle se retourna
et tomba nez à nez sur ce qu’on pouvait appeler une mauvaise surprise. Ketty était, tout, sauf une amie de Léa. Elles
avaient été dans la même classe une année mais le courant n’était jamais passé
entre elles.
-
C’est
moi. Comment tu vas Ketty ?
-
Ça
va. Tu as drôlement changé depuis que la gloire t’a laissée tomber. Tu as
grossi aussi.
-
Primo :
j’ai arrêté ma carrière et non l’inverse. Deuzio : je n’ai pas grossi, je
suis enceinte.
En moins de
temps qu’il ne le faut, elle ébruita la nouvelle à travers toute la salle.
« Je n’aurai jamais dû venir », pensa Léa.
-
Viens,
dit Cricket. On va aller dans un endroit plus calme.
Elle ne le
suivit pas mais s’enferma dans les toilettes d’où elle envoya un message à
Kevin : Viens me chercher, je n’ai
plus envie de rester, c’était une mauvaise idée. Bisous, je t’aime. Lorsqu’elle en ressortit, elle alla se réfugier dans
un coin isolé de la salle en attendant l’arrivée de Kevin.
La fête battait
son plein, tout le monde semblait s’amuser et passer une bonne soirée.
Une demi-heure
plus tard, Kevin arriva vêtu d’un beau costume.
-
Alors
pendant que je me lamentais, tu te refaisais une beauté ?!
-
Je
voulais être à ta hauteur. Que se passe-t-il ?
-
Je
veux qu’on s’en aille.
-
Pourquoi ?
-
Parce
que je ne me sens pas à ma place. J’ai l’impression qu’on ne fait que me
regarder et parler dans mon dos. Ça me stresse et tu sais très bien que ce
n’est pas bon pour les bébés.
-
Laisse-les
parler si ça leur chante. Ils sont tous envieux de toi.
-
Envieux ?
Envieux de quoi ?
-
Tu
as réalisé tous tes rêves. A seulement vingt ans, tu as réalisé le rêve de ta
vie en allant chanter dans plusieurs pays, tu as rencontré le mec le plus beau
et le plus intelligent du monde, et maintenant, vous vous apprêtez à avoir les
plus beaux enfants métissés du monde. Crois-moi, elles ont vraiment de quoi
t’envier.
-
Tu
arrives toujours à me faire sourire.
-
C’est
le deal. J’ai promis de te rendre heureuse jusqu’à la fin de tes jours. Je fais
en sorte de tenir mes promesses.
-
Je
t’aime.
-
Je
t’aime aussi. Et maintenant, tu vas me faire le plaisir de redevenir la grande
artiste que tu es et enflammer la piste de danse.
-
Ça
va être dur avec mon grand ventre. J’ai l’impression de peser trois tonnes. Au
mieux, je vais me ridiculiser. Mais, il y a encore une chose que je peux très
bien faire : chanter.
-
Qu’est-ce
que tu attends ? Dépêche-toi. Je veux pouvoir dire à tout le monde présent
ici que la grande artiste qui chante sera bientôt ma femme.
Au moment où
elle s’apprêtait à se lever, elle sentit des coups dans son ventre :
-
Tu
sais quoi ? Je viens de sentir l’un des bébés me donner un coup.
-
C’est
vrai ? A mon avis, ils veulent aussi que tu ailles chanter. C’était pour
t’encourager.
Elle ne se le
fit pas dire deux fois et quitta la chaise où elle était assise, direction la
scène. Elle savait qu’elle se la jouait, mais, ça lui plaisait de montrer, à
tous ceux qui l’avaient toujours rabaissé, qu’elle avait fini par s’en sortir
et être quelqu’un. Elle demanda, sans se gêner, au DJ de changer de musique et
d’en mettre une sur laquelle elle pourrait chanter. Sa demande fut accompagner
de quelques houlements mais elle s’en moquait. Elle allait, de nouveau, se
produire sur scène, et se sentir revivre.
Maintenant je sais que le lycée est bien fini
Et, je dois aller à la fac
Je ne me sentais pas prête pour ce changement Mais je
ne veux plus vivre dans le passé
Je me dis donc « la vie continue »
Le lycée, c’était, plein de bons moments Je n’oublierai pas cette
période de ma vie
Non jamais, Oh non
Je ne veux plus vivre dans le passé
Il remplit mon cœur de tant de tristesse
J’y ai tellement d’excellents souvenirs
Qu’à sa pensée, Oh, je suis nostalgique
Je suis nostalgique
J’y ai rencontré des gens géniaux Qui
aujourd’hui me manquent énormément
Ils sont à jamais dans mon cœur
Même
si on s’est perdus de vue
Que serait ma vie sans ces personnes-là ?
Surement beaucoup moins marrante Pour tous ses fous-rires,
je vous dis « merci »
Je vous aime tant, oh yeah
Je ne veux plus vivre dans le passé
Il remplit mon cœur de tant de tristesse
J’y ai tellement d’excellents souvenirs
Qu’à sa pensée, Oh, je suis nostalgique Je suis nostalgique
Oh, je dois aller de l’avant
En n’oubliant pas ce que j’ai vécu
Des moments de purs bonheurs, gravés à jamais
Je ne veux plus vivre dans le passé
Il remplit mon cœur de tant de tristesse
J’y ai tellement d’excellents souvenirs
Qu’à sa pensée, Oh, je suis nostalgique
Je suis nostalgique, nostalgique, nostalgique
-
Pathétique,
lui dit Ketty quand elle eut quitté la scène.
-
Le jour où tu ressentiras ce que je
ressens et ce que je vis, ce qui est loin d’arriver étant donné à quel point tu
es égoïste et méchante, on en reparlera.
-
Ah,
tu es immonde, hurla-t-elle en regardant ses chaussures. Tu viens de me pisser
dessus.
Léa posa son
regard à l’endroit indiqué par Ketty : force lui était de constater
qu’elle venait de perdre les eaux.
Il fallait
absolument qu’elle retrouve Kevin. Elle retourna à l’endroit où elle l’avait
laissé il y a seulement quelques minutes. Il n’était plus là. Son sac à main
non plus. Elle demanda aux personnes assises où elle l’était il y a encore
quelques minutes si elles n’avaient pas vu Kevin. Elles répondirent qu’il s’en
était allé en prenant son sac.
Elle tenta de le
chercher à travers la foule. En vain.
Ketty prit place
sur la scène, et, tenta, encore une fois, d’humilier Léa :
-
Regardez
là-bas, dit-elle en pointant du doigt l’endroit où Léa avait perdu les eaux. A
son âge, elle pisse encore sur elle.
Certains rires
émergèrent dans la salle. Elle n’y prêta pas attention et continua sa quête. Elle
ne mit la main ni sur Kevin ni sur Christian et elle n’avait pas de quoi
téléphoner.
Elle aperçut
l’un des vigiles et se rua sur lui :
-
J’aurai
besoin de votre aide. Vous allez monter sur scène et demander Kevin Kallan, mon
fiancé. S’il ne répond pas, demandez Christian Callming. Je suis sur le point
d’accoucher et j’aurai besoin que l’un des deux m’emmène à l’hôpital.
-
Rien
que ça. Désolé, je ne peux rien pour vous.
Elle lui arracha
le téléphone qu’il avait dans les mains et composa le numéro de Kevin.
-
Rendez-moi
mon téléphone, ordonna le vigile.
-
Fichez-moi
la paix. Je dois appeler mon homme.
Comme ça ne
suffisait, il fallut que Kevin mette du temps avant de décrocher :
-
Tu
as intérêt à avoir une bonne raison d’être parti, bordel de merde. Je suis en
train d’accoucher.
-
Pardonne-moi.
J’ai dû accompagner Christian à l’hôpital. Elodie est en train d’accoucher.
-
Figure-toi
que moi aussi. T’as intérêt à venir immédiatement parce que je souffre le
martyre.
-
Je
me dépêche. J’arrive de suite. Courage. Je t’aime.
Elle raccrocha
et rendit au vigile son téléphone. Elle n’aura pas le temps d’attendre le
retour de Kevin ni l’arrivée de l’ambulance : le travail commençait.
21
-
Okay.
Il y a une petite salle vide derrière, annonça le vigile. Je m’occupe de vous
trouver quelques couvertures propres et des oreillers.
-
Trouvez-moi
surtout un médecin. Je ne peux pas accoucher maintenant.
Elle était en
sueur, tendue et paniquée. Elle n’était pas arrivée au terme de sa grossesse.
Qui plus est, elle avait fait un déni. Les contractions étaient de plus en plus
rapprochées et elle souffrait atrocement.
Les ambulanciers
arrivèrent au bout de dix minutes. Léa se sentait mourir. La douleur était
tellement violente qu’elle crut qu’elle allait la tuer.
-
Depuis
quand ont commencé les contractions ? De combien de temps sont écartées
chacune d’entre elles ? S’agit-il de votre premier enfant ? Combien
de temps dure une contraction, et, avez-vous perdu les eaux ?
-
Pourquoi
me demandez-vous tout cela ? Je vais accoucher, prenez soin de mes
enfants.
-
C’est
pour mesurer si l’on a le temps de vous emmener ou non à l’hôpital.
-
J’ai
perdu les eaux il y a environ une demi-heure. Ce sont mes premiers enfants,
mais, j’en attends au moins trois. Les contractions ont commencé dès que j’ai
perdu les eaux et l’intervalle entre chacunes d’elles est d’environ trois
minutes. Elles durent à peu près une minute.
-
L’accouchement
est pour tout de suite. Il va falloir pousser.
-
Sans
Kevin et sans péridurale, c’est impossible. En plus, mes enfants sont
prématurés.
-
Je
ne dis pas que ce sera facile, mais, vous n’avez plus le choix.
Alors elle
exécuta les ordres du médecin. Elle poussa jusqu’à ce que sorte son premier
enfant, puis le deuxième, puis le troisième
et enfin le quatrième qui n’était pas prévu. Elle entendit les premiers
sons de leur voix et ressentit un fort soulagement. Le médecin nota leur score
d’agpar[3] à
une puis cinq minutes. Léa fut rassurée et laissa libre court à ses émotions. Le
médecin enveloppa chacun des enfants dans une couverture et leur mit un bonnet
sur la tête. Léa continua de pleurer sans savoir si c’était de douleur ou de
joie, puis, prise dans un trop plein d’émotion, elle ferma les yeux et ce fut
le trou noir.
-
Elle
ne s’est toujours pas réveillée, dit l’une des infirmières à l’obstétricien.
Elle a perdu connaissance juste après avoir mis au monde ses quadruplés.
-
Quoi ?
Elle a perdu connaissance d’un seul coup ? demanda-t-il surpris.
-
Oui.
Selon les ambulanciers, après avoir mis son dernier enfant au monde, elle a
fermé les yeux et ne s’est pas réveillée jusqu’à maintenant. Pourtant, en
prenant ses constantes, il n’y avait rien d’anormal. Elle n’a pas eu de
problèmes durant sa grossesse ?
-
Difficile
à dire. Elle a fait un déni de grossesse. Elle l’a su il y a seulement deux
mois. Les enfants n’auraient pas dû naitre si tôt.
-
Le miracle de la
vie,
docteur. Pourtant, ils vont bien. Votre collègue a été les voir en
néonatalogie.
-
Très
bien. Je passerai les voir. Prévenez-moi quand leur mère se réveille.
Juste avant
qu’il ne s’en aille, l’aide-soignante les rejoignit. Elle informa que Léa
Fuston venait de se réveiller.
-
Que
s’est-il passé ? demanda-t-elle.
-
Vous
avez perdu connaissance après avoir mis au monde vos quadruplés.
-
Hein ?
Comment ça ? Je n’étais enceinte que de triplés. Comment vont-ils ?
-
Ne
vous inquiétez pas, ils vont tous bien. On les a pris en charge dès leur
arrivée. Votre ami est auprès d’eux, il ne les a pas quittés d’une seule
semelle. Comment vous sentez-vous ?
-
Crevée.
Je peux aller voir mes enfants.
-
Vous
devriez vous reposer un petit peu.
-
J’ai
horriblement souffert pour les mettre au monde. Je veux au moins les voir.
Quelques minutes. Pas plus.
-
Très
bien. Allez-y.
Lorsqu’elle
arriva à la nursery, l’infirmière refusa de la laisser entrer parce qu’elle ne
savait pas qui elle était et avait peur
qu’elle n’enlève l’un des enfants. Kevin l’aperçut et certifia à
l’infirmière qu’il s’agissait de sa femme et mère des quadruplés. L’infirmière
finit par accepter et s’éloigna d’eux.
Elle serra Kevin
dans ses bras et laissa les larmes couler le long de ses joues. Il se contenta
de lui caresser les cheveux et lui rappela à qu’elle point il l’aimait. Elle
pleura de plus belle :
-
Je
suis désolée, dit-elle. Désolée de ne pas avoir pu les mettre au monde dans de
bonnes conditions. S’il leur arrivait quelque chose, je m’en voudrais toujours.
-
Regarde-moi,
dit-il en prenant son visage entre ses mains, tu as été très courageuse et les
enfants vont très bien. Je suis resté auprès d’eux dès l’instant où ils ont
franchi le seuil de l’hôpital et il ne s’est rien passé d’anormal. C’est plutôt
à moi de m’excuser de ne pas avoir été là. Pardonne-moi.
-
Je
te passerai bien un savon si j’en avais la force.
-
Je
t’aime tellement si tu savais.
-
…
-
Et
si on allait voir nos enfants ?
J’avais encore du mal à réaliser, et pourtant,
j’étais la mère de quatre enfants, à seulement vingt ans. Quatre enfants
totalement identiques. Deux filles et deux garçons. J’ai moins peur qu’avant
parce que, désormais, nous serons six. Je n’ose pas les prendre dans mes bras,
de peur de les faire tomber. Néanmoins, je les caresse et me présente à eux
comme étant la personne qui les aimera le plus au monde. J’ai du mal à croire
ce que je vais dire, mais, finalement, je suis bien contente d’être mère.
J’aimerai que cet instant dure toujours. Je jette un œil vers Kevin qui a pris
l’un des enfants dans ses bras. Il sait y faire, ça se voit. Je ne peux
m’empêcher de sourire et de remercier Dieu pour toutes les belles choses qui me
sont arrivées dans la vie depuis que j’ai rencontrée Kevin.
Pour une fois, je veux aller au-delà de mes peurs et
prends l’un de mes fils. Soudain, je suis prise d’une émotion étrange : Ça doit être ça l’amour
maternel. Je prends mon enfant pour la première fois et il me fait le premier sourire
de sa vie. Je sais déjà que ce sera le plus beau sourire que je verrai de toute
mon existence. A cet instant, je suis pris d’un amour fou pour ces petits êtres
qui viennent illuminer ma vie. Je ferai tout pour les protéger. Je ferai tout
pour que leur existence soit la meilleure possible. Je ferai tout pour qu’ils
ne manquent jamais de rien. Je leur donnerai tout mon amour et celui de Kevin.
Je lui jette un coup d’œil. Il porte le fruit de notre amour. Elle lui sourit
et je m’aperçois qu’il a l’air aussi heureux que moi. Il n’y a qu’à voir
comment il regarde notre fille : ça se voit qu’il est fou d’amour pour
elle, tout comme je le suis pour lui. J’ai enfin atteint mon rêve, ce rêve
que la cité m’avait autrefois volé : j’ai atteint le bonheur.
-
Et
si on choisissait les prénoms ? proposa Kevin.
-
Oui.
C’est vrai qu’on n’a jamais eu le temps de se demander quels prénoms nous
plairaient.
-
Tu
as des suggestions ?
-
Pour
les garçons, je pensais à Enzo et Kylian. T’en penses quoi ?
-
J’en
pense que ce sont de beaux prénoms. Ça irait très bien à nos fils. Pour les filles,
j’avais pensé à Laliana et Shayna. Si tu es d’accord ?
Il avait choisi
de donner à ses filles les prénoms de la mère et de la petite sœur de Léa, les
deux personnes qu’elle aimait autrefois le plus au monde. Maintenant, ses
enfants comptaient le plus pour elle, mais, ça n’enlevait rien à l’amour
qu’elle portait aux deux femmes de sa
vie.
-
Bien
sûr que je suis d’accord. C’est une excellente idée. Merci de cette attention.
-
J’ai
encore une petite surprise : j’ai manigancé ces dernières semaines,
notamment avec l’aide de ton meilleur ami. Et, si tu le veux bien, j’ai pu
bloquer une date pour le mariage. Si tu es d’accord, on se marierait dans deux
mois.
Elle sembla
réfléchir puis déclara :
-
Ça
fait trop d’émotions pour moi aujourd’hui. D’abord la naissance des enfants,
maintenant ça. J’ai envie de te dire que je serai ravie de devenir ta femme dans deux mois.
22
Deux mois plus
tard :
Livre d’or de Léa :
Je ne le conçois tout simplement pas. Je n’arrive
pas à réaliser que, dans quelques minutes, je serai une femme mariée. Je vais
dire « oui » à l’homme que j’aime et je n’ai pas peur. Mais, je ne
réalise pas. Ça semble si irréel.
Quand la date du mariage a été fixée, je suis
repartie dans mon ancien quartier, celui qui avait brisé mes rêves. Halima et
Samia se trouvaient toujours au même endroit bien que le temps avait passé.
Nous avons longuement discuté. Je leur ai dit que j’allais épouser Kevin et que
je venais de donner naissance à quatre enfants. Elles avaient semblé contentes
pour moi. C’est tout. J’ai insisté pour qu’elles passent à la maison pour voir
Kevin et les enfants. J’en ai aussi profité pour leur donner les faire-part du
mariage. Elles m’ont alors remercié de ne pas les avoir oubliés mais ont
décliné toutes propositions. Selon elle, j’avais tracé mon chemin, j’étais
parvenue à trouver le bonheur, maintenant, je devais m’en aller et ne plus
revenir, car, nous sommes différentes, et, tôt ou tard, nous finirons par nous
perdre. Leurs mots m’avaient blessée mais pas tant que ça. Il y avait du vrai
dans ce qu’elles disaient. Rares sont les amitiés qui perdurent à travers le
temps. Surtout à notre époque. Je l’ai accepté et je suis partie, comme elles
me l’avaient conseillé. Désormais, je savais que j’allais être heureuse.
Elle avança vers
la mairie, accompagnée de son beau-père de cœur, le père de Christian. Son cœur
battait si fort qu’elle avait l’impression qu’il allait sortir de sa poitrine. Il
la déposa auprès de Kevin : elle sourit. Il lui rendit son sourire.
Le maire relata
le discours qu’il avait préparé, puis, les témoins racontèrent des petites
anecdotes sur Kevin et Léa. Le moment fatidique arriva enfin :
-
Kevin,
souhaitez-vous prendre pour épouse Léa Fuston ici présente ?
Promettez-vous de l’aimer durant toute votre vie, dans la richesse ou la
pauvreté, la santé ou la maladie, jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
-
Oui.
Je le veux.
-
Léa,
souhaitez-vous prendre pour époux Kevin Kallan ici présent ?
Promettez-vous de l’aimer durant toute votre vie, dans la richesse ou la
pauvreté, la santé ou la maladie, jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
-
Je
ne sais pas.
-
Nous
attendons une réponse, dit le maire.
Ignorant cette
remarque, elle se tourna vers Kevin :
-
Je
suis désolée Kevin, mais, je ne sais pas si je dois t’épouser.
Sur ces mots,
elle quitta la salle des fêtes en pleurant.
*
-
Léa,
ouvre la porte s’il te plait.
Elle s’obstina à
ne pas répondre. Il parvint quand même à ouvrir à la porte.
-
Je
pense que nous devons parler.
-
Je
te demande pardon.
-
Je
m’en moque de ton pardon. Quand je t’ai demandé ta main, tu étais réticente
mais tu as finis par accepter. Pourquoi tu l’as fait si c’est pour m’humilier
devant tous nos amis ?
-
Parce
que je t’aime.
-
Tu
viens de le prouver.
-
Tu
m’en veux ?
-
Je
veux une explication.
-
J’ai
toujours rêvé de me marier depuis que je suis toute petite. Il n’y a pas à
dire, tu es l’homme le plus merveilleux que j’ai rencontré. C’est avec plaisir
que je deviendrais ta femme mais j’ai encore des doutes, et, tant qu’ils ne se
seront pas dissipés, je ne pourrais pas te dire « oui ».
-
Développe.
-
J’ai
peur que notre mariage ne fonctionne pas comme ton premier mariage. Qu’est-ce
qui me dit que tu ne vas pas finir par me laisser moi aussi ?
-
Je
ne suis pas voyant Léa. Je ne vais pas te dire que nous vivrons des jours
heureux jusqu’à la fin de notre vie. Je sais juste qu’au moment où je te parle,
mon cœur t’appartient et l’amour que je te porte ne va pas disparaître si vite.
Je ferai en sorte de te rendre heureuse chaque jour que nous passons ensemble.
Parce que j’en suis sûr, tu es l’unique femme
de ma vie. Ce que je ressens pour toi n’a absolument rien à voir avec ce que
j’ai ressenti pour Maria. Je t’aime sincèrement. Si tu n’en crois pas un mot,
regarde derrière toi. Souviens-toi de tout ce que l’on a dû traverser pour en
arriver là où nous en sommes aujourd’hui.
Dans le fond, il
avait raison. Léa et lui en avaient vu des
vertes et des pas mûres mais ils s’en étaient toujours sortis. Elle avait
juste besoin d’être rassurée. Et c’est ce que Kevin avait fait. Il avait
dissipé toutes ses craintes, et, elle se sentait désormais prête à devenir Mme
Kevin Kallan.
Epilogue
Trois ans plus
tard :
Une fois par mois, Léa,
Kevin, Christian, Sara, Christopher et leurs enfants se retrouvaient chez l’un
d’entre eux afin de ne pas se perdre de vue.
En trois ans, ils
avaient grandi, étaient devenus
quelqu’un.
Kevin, inspiré par le
passé artistique de Léa, avait ouvert une école des arts de la scène afin de
donner, à de jeunes artistes, la chance que sa femme avait eu du mal à trouver.
Il la dirigeait avec sa femme, plus calée que lui dans le domaine, et, avait
embauché ses meilleurs amis pour travailler avec lui. Ils avaient tous accepté.
Léa venait tout juste
d’achever sa formation en soins infirmiers. Elle cherchait maintenant un
emploi, ce qui n’allait pas être bien compliquée. En parallèle, de temps à
autre, elle accomplissait son rôle de directrice dans l’école de son mari et y
faisait quelques représentations. Elle était une femme comblée.
Sara et Christopher
attendaient leur deuxième enfant et étaient plus heureux que jamais.
Quant à Christian et Elodie,
ils se plaisaient dans leur rôle de parents et professeurs.
Ils n’étaient partis de
rien mais ils avaient fini par réaliser leurs rêves. Ils avaient été frappés
par diverses sortes de foudre mais aucune n’avait réussi à les faire tomber. Au
contraire, ils étaient plus forts que jamais et désormais prêt à affronter ce
monde inconnu que l’on appelle l’avenir.
Si
vous avez aimé
J’ai
été frappée par la foudre,
ne
manquez pas
Quand
la foudre s’acharne,
le
nouveau roman de Tisha Ivana, disponible sur tishaivana.fr
Tisha Ivana (Villetaneuse)
ISBN
979-10-90444-03-4
Achevé d’imprimer en Juillet 2011
Par lulu.com
United States
Dépôt légal Juillet 2011
[1] Toubab =
blanc
[2]
Cramé : terme argotique signifiant démasqué
[3] Score
d’agpar : score noté sur dix, évalué à la première et à la cinquième
minute de vie du nouveau-né pour s’assurer de son état de viabilité.