Jean-Baptiste Andréa vient de remporter le prix Goncourt 2023 pour Veiller sur elle (L'Iconoclaste), après avoir reçu le prix du roman Fnac. Une consécration pour cette histoire d'amour et de beauté, grande fresque italienne qui réunit tous les ingrédients d'un page turner. Le choix du jury de l'Académie réjouit lecteurs et libraires. Une bonne nouvelle pour les livres.
Il faudra désormais compter avec Jean-Baptiste Andréa. Chouchou des libraires et des lecteurs, l'auteur de Ma reine et Des diables et des saints est le lauréat du prix Goncourt 2023 pour Veiller sur elle (L'Iconoclaste). Une fresque épique, l'histoire d'amour contrarié entre un sculpteur pauvre et une fille de marquis, qui se tient en Italie au début du XXe siècle, sur fond de montée du fascisme, de Vatican, d'ostracisme social et de fascination artistique. Jean-Baptiste Andréa, qui est aussi scénariste, est un conteur qui sait émouvoir.
Il aime décrire les relations puissantes et souvent improbables, entre des êtres que tout aurait pu séparer, mais que les rencontres de la vie sont venues réunir, voire réparer. Il sait mettre en scène décors et personnages, faire surgir de multiples émotions. Il guide son lecteur dans un récit qui l'étreint, comme on le dirait d'une accolade entre deux êtres. En un mot, Jean-Baptiste Andréa aime partager. Les lecteurs ne s'y trompent pas, qui le suivent de plus en plus nombreux depuis quatre livres.
Cependant, ce Goncourt bien mérité n'était pas gagné d'avance. Notamment, car l'auteur n'appartient pas à certaines coteries littéraires et que son éditeur est une petite maison d'édition. Mais précisément, ce sont les raisons pour lesquelles le choix des jurés Goncourt cette année nous réjouit. En voici quelques autres.
L'histoire se déroule sur une période de 70 ans et suit les amours contrariées, dans l'Italie du début du XXe siècle, de Michelangelo Vitaliani, jeune sculpteur de petite taille et de Viola Orsini, fille de marquis. Sa rencontre avec cette jeune beauté, issue d'une riche famille aristocrate, va changer sa vie. Ces deux jeunes gens que tout oppose, n’auraient jamais dû se rencontrer. Certes, leur amour est impossible. Pourtant, ils seront liés à jamais par une attraction indéfectible. Leur amour platonique durera des décennies. Le jeune sculpteur va finir par pouvoir révéler son talent et s'extraire de sa condition. Jusqu'à créer une sculpture ultime. Celle qu'il veillera jusqu'à sa mort. Ce roman se nourrit de l'Italie, pays qui exhale le beau et l'éternité. Au fur et à mesure de la lecture, on ne peut s'empêcher d'humer l'air des cyprès transalpins et de regarder les oiseaux s'envoler depuis le clocher du Duomo...
Jean-Baptiste Andréa est un conteur qui imagine ses livres comme un film. Le lecteur se trouve plongé dans un décor, une ambiance. Il est immergé au milieu de personnages forts. Il lit un texte qui fait défiler dans son imagination images et émotions. Il ne peut s'arrêter. Il en redemande. On dit que certains peinent à finir les livres qu'ils achètent. Avec Jean-Baptiste Andréa, pas de risque. Le lecteur s'installe comme dans fauteuil de cinéma. Il n'a plus qu'à tourner les pages.
« Ils sont trente-deux. Trente-deux à habiter encore l'abbaye en ce jour d'automne 1986, au bout d'une route à faire pâlir ceux qui l'empruntent. En mille ans, rien n'a changé. Ni la raideur de la voie ni son vertige. Trente-deux cœurs solides - il faut l'être quand on vit perché au bord du vide -, trente-deux corps qui le furent aussi, dans leur jeunesse. Dans quelques heures, ils seront un de moins.
Les frères forment un cercle autour de celui qui s'en va. Il y a eu bien des cercles, bien des adieux, depuis que la Sacra dresse ses murs au-dessus d'eux. Il y a eu bien des moments de grâce, de doute, de corps arcboutés contre l'ombre qui vient. Il y a eu et il y aura d'autres départs, ils attendent donc patiemment.»
Veiller sur elle place son récit dans le contexte de la montée du fascisme en Italie. L'art triomphant par sa valeur éternelle et universelle face à cet accident de l'Histoire. Une toile de fond qui n'est pas neutre. Alors que le monde voit la montée des extrémismes rappeler les pires heures des années 30, un livre qui rassemble et rappelle combien une idéologie dictatoriale peut détruire l'humain est une lumière au milieu des ténèbres. Veiller sur elle fait office de veilleur de conscience et d'humanisme. Et cela fait du bien.
Après le fiasco de l'édition 2022, qui avait attribué le prix par défaut à Brigitte Giraud pour Courir vite (Flammarion) et qui avait été vendu à 250 000 exemplaires seulement, indigne des chiffres habituels du prix français le plus prestigieux, il était important pour le jury de choisir un livre qui allait entraîner l'adhésion du public. Sans nécessairement atteindre le million d'exemplaires de L'anomalie (Gallimard) d'Hervé Le Tellier, Goncourt 2020, qui avait fait l'unanimité : populaire et littéraire. Le livre de Jean-Baptiste Andréa s'est déjà écoulé à 50 000 exemplaires et la semaine dernière, il était déjà celui qui se classait numéro 1 dans les chiffres de ventes. L'attribution du Goncourt va le porter au sommet. Les libraires attendaient cette bonne fortune. Car un mauvais Goncourt, c'est aussi une mauvaise année pour eux. Le Goncourt étant souvent acheté par un cercle plus large que celui des lecteurs habituels, roman cadeau par excellence, qui s'offre à Noël, comme une valeur sûre. Un bon Goncourt en termes de ventes, c'est une bonne nouvelle pour toute la chaîne du livre.
Le 31 mai 2023, le monde de l'édition a été en deuil. Sophie de Sivry, fondatrice et directrice de l'Iconoclaste en 1997 s'est éteinte à 64 ans. Lumineuse, visionnaire, accompagnant ses auteurs avec passion et respect, elle était de ces grandes dames chez qui l'élégance se disputait au talent. En 2015, elle avait osé se lancer dans la fiction et s'attaquer aux grands de la rentrée littéraire. C'est elle qui a découvert Jean-Baptiste Andréa, mais aussi Cécile Coulon, Adeline Dieudonné, et plus récemment Maud Ventura. C'est elle qui a fait souffler un vent d'artisanat magnifique dans ce monde éditorial de plus en plus soumis aux logiques des regroupements. Lorsqu'il est arrivé chez Drouant, Jean-Baptiste Andréa a évoqué Sophie de Sivry, sa merveilleuse éditrice qui a réussi à porter Veiller sur elle jusqu'à son dernier souffle. Ce Goncourt est dédié à son courage, son goût du beau et son légendaire sourire.
> Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur elle, L'Iconoclaste, 580 pages, 22,50 euros >> Pour lire un extrait, cliquer sur ce lien >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
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