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Le coffret de santal

Extrait de Le coffret de santal de Charles Cros

Le Hareng Saur   Il était un grand mur blanc — nu, nu, nu, Contre le mur une échelle — haute, haute, haute, Et, par terre, un hareng saur — sec, sec, sec.   Il vient, tenant dans ses mains — sales, sales, sales, Un marteau lourd, un grand clou — pointu, pointu, pointu, Un peloton de ficelle — gros, gros, gros.   Alors il monte à l'échelle — haute, haute, haute, Et plante le clou pointu — toc, toc, toc, Tout en haut du grand mur blanc — nu, nu, nu.   Il laisse aller le marteau — qui tombe, qui tombe, qui tombe, Attache au clou la ficelle —...
Adolphe

Extrait de Adolphe de Benjamin Constant

Je la vis de la sorte marcher par degrés à la destruction. Je vis se graver sur cette figure si noble et si expressive les signes avant-coureurs de la mort. Je vis, spectacle humiliant et déplorable,  ce caractère énergique et fier recevoir de la souffrance physique mille impressions confuses et incohérentes, comme si, dans ces instants terribles, l'âme, froissée par le corps, se métamorphosait en tous sens pour se plier avec moins de peine à la dégradation des organes. Un seul sentiment ne varia jamais dans le cœur d'Ellénore : ce fut sa tendresse pour moi. Sa faiblesse lui...
Mémoires d'outre-tombe

Extrait de Mémoires d'outre-tombe de François-René de Chateaubriand

C’est aussi à Rome que je conçus, pour la fois, l'idée d'écrire les Mémoires de ma vie ; j’en trouve quelques lignes jetées au hasard, dans lesquelles je déchiffre ce peu de mots « Après avoir erré sur la terre », passé les plus belles années de ma jeunesse loin de mon pays, et souffert à peu près tout ce qu'un homme souffrir, la faim même, je revins à Paris en 1800. Dans une lettre à M. Joubert j'esquissais ainsi mon plan : « Mon seul bonheur est d'attraper quelques heures pendant lesquelles je m'occupe d'un ouvrage qui seul peut apporter de l'adoucissement...
Les Fleurs du Mal

Extrait de Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire

Les Aveugles   Contemple-les, mon âme ; ils sont vraiment affreux. Pareils aux mannequins ; vaguement ridicules ; Terribles, singuliers comme les somnambules ; Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.   Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie, Comme s'ils regardaient au loin, restent levés Au ciel ; on ne les voit jamais vers les pavés Pencher rêveusement leur tête appesantie.   Ils traversent ainsi le noir illimité, Ce frère du silence éternel. Ô cité ! Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles.   Éprise du plaisir jusqu'à...
Les Diaboliques

Extrait de Les Diaboliques de Jules Barbey d'Aurevilly

Cette femme prenait encore plus le regard que l'homme qui l'accompagnait, et elle le captivait plus longtemps. Elle était grande comme lui. Sa tête atteignait presque à la sienne. Et, comme elle était aussi tout en noir, elle faisait penser à la grande Isis noire du Musée Egyptien, par l'ampleur de ses formes, la fierté mystérieuse et la force. Chose étrange ! Dans le rapprochement de ce beau couple, c'était la femme qui avait les muscles, et l'homme qui avait les nerfs... Je ne la voyais alors que de profil ; mais, le profil, c'est l'écueil de la beauté ou son attestation la plus...
Le père Goriot

Extrait de Le père Goriot de Honoré de Balzac

Eh bien ! Monsieur de Rastignac, traitez ce monde comme il mérite de l'être. Vous voulez parvenir, je vous aiderai. Vous sonderez combien est profonde la corruption féminine, vous toiserez la largeur de la misérablevanité des hommes. Quoique j'aie bien lu dans ce livre du monde, il y avait des pages qui cependant m'étaient inconnues. Maintenant je sais tout. Plus froidement vous calculerez, plus avant vous irez. Frappez sans pitié, vous serez craint. N'acceptez les hommes et les femmes que comme les chevaux de poste que vous laisserez crever à chaque relais, vous arriverez ainsi au...
Lettres

Extrait de Lettres de Madame de Sévigné

Le mardi, elle eut la question ordinaire, extraordinaire ; elle avait dîné et dormi huit heures. Elle fut confrontée à Mmes de Dreux, Le Féron, et plusieurs autres, sur le matelas. On ne dit pas encore ce qu'elle a dit; on croit toujours qu'on verra des choses étranges. Elle soupa le soir, et recommença, toute brisée qu'elle était, à faire la débauche avec scandale. On lui en fit honte, et on lui dit qu'elle ferait bien mieux de penser à Dieu, et de chanter un Ave maris Stella ou un Salve que toutes ces chansons ; elle chanta l'un et l'autre en ridicule. Elle mangea le soir et...
Le roman comique

Extrait de Le roman comique de Paul Scarron

La charrette était pleine de coffres, de malles et de gros paquets de toiles peintes qui faisaient comme une pyramide au haut de laquelle paraissait une demoiselle habillée moitié ville, moitié campagne. Un jeune homme, aussi pauvre d'habits que riche de mine, marchait à côté de la charrette. Il avait un grand emplâtre sur le visage, qui lui couvrait un œil et la moitié de la joue, et portait un grand fusil sur son épaule, dont il avait assassiné plusieurs pies, geais et corneilles, qui lui faisaient comme une bandoulière, au bas de laquelle pendaient par les pieds une poule et...
Phèdre

Extrait de Phèdre de Jean Racine

Hippolyte. - Madame, pardonnez. J'avoue en rougissant, Que j'accusais à tort un discours innocent. Ma honte ne peut plus soutenir votre vue, Et je vais... Phèdre. - Ah ! Cruel, tu m'as trop entendue. Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur. Eh bien, connais donc Phèdre et toute sa fureur. J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime, Innocente à mes yeux je m'approuve moi-même, Ni que du fol amour qui trouble ma raison Ma lâche complaisance ait nourri le poison. Objet infortuné des vengeances célestes, Je m'abhorre encor plus que tu ne me détestes. Les dieux m'en sont...
Pensées

Extrait de Pensées de Blaise Pascal

Ils ont un instinct secret qui les porte à chercher le divertissement et l'occupation au-dehors, qui vient du ressentiment de leurs misères continuelles. [...] Ainsi l'homme est si malheureux qu'il s'ennuierait même sans aucune cause d'ennui par l'état propre de sa complexion. Et il est si vain qu'étant plein de mille causes essentielles d'ennui, la moindre chose comme un billard et une balle qu'il pousse suffisent pour le divertir. Mais, direz-vous, quel objet a-t-il en tout cela ? Celui de se vanter demain entre ses amis de ce qu'il a mieux joué qu'un  autre. Ainsi les autres...
Les Provinciales

Extrait de Les Provinciales de Blaise Pascal

Je veux maintenant vous faire voir cette grande méthode dans tout son lustre sur le sujet de l'homicide, qu'elle justifie en mille rencontres, afin que vous jugiez par un tel effet tout ce qu'elle est capable de produire. Je vois déjà, lui dis-je, que par là tout sera permis, rien n'en échappera. Vous allez toujours d'une extrémité à l'autre, répondit le Père : corrigez-vous de cela. Car, pour vous témoigner que nous ne permettons pas tout, sachez que, par exemple, nous ne souffrons jamais d'avoir l'intention formelle de pécher pour le seul dessein de pécher ; et que quiconque...
Les Précieuses ridicules

Extrait de Les Précieuses ridicules de Molière

Mascarille. - Je ne sais si je me trompe, mais vous avez toute la mine d'avoir fait quelque comédie. Magdelon. - Eh ! Il pourrait être quelque chose de ce que vous dites. Mascarille. - Ah ! Ma foi, il faudra que nous la voyions. Entre nous, j'en ai composé une que je veux faire représenter. Cathos. - Hé, à quels comédiens la donnez-vous ? Mascarille. - Belle demande ! Aux grands comédiens. Il n'y a qu'eux qui soient capables de faire valoir les choses ; les autres sont des ignorants qui récitent comme l'on parle ; ils ne savent pas faire ronfler les vers, et s'arrêter au bel endroit...
Maximes et Réflexions diverses

Extrait de Maximes et Réflexions diverses de François de La Rochefoucauld

Nos vertus ne sont le plus souvent que des vices déguisés.   Ce que nous prenons pour des vertus n'est souvent qu'un assemblage de diverses actions que la fortune arrange comme il lui plaît, (éd. 1666-1671)   Les vices entrent dans la composition des vertus, comme les poisons entrent dans la composition des remèdes : la prudence les assemble et les tempère, et elle s'en sert utilement contre les maux de la vie. (Maxime clxxxvi, éd. 1678)   Rien n'est plus rare que la véritable bonté : ceux mêmes qui croient en avoir n'ont d'ordinaire que de la complaisance ou de la...
Les caractères

Extrait de Les caractères de Jean de La Bruyère

L’on parle d'une région où les vieillards sont galants, polis et civils ; les jeunes gens au contraire, durs, féroces, sans mœurs ni politesse : ils se trouvent affranchis de la passion des femmes dans un âge où l'on commence ailleurs à la sentir ; ils leur préfèrent des repas, des viandes, et des amours ridicules. Celui-là chez eux est sobre et modéré, qui ne s'enivre que de vin : l'usage trop fréquent qu'ils en ont fait le leur a rendu insipide ; ils cherchent à  réveiller leur goût déjà éteint par des eaux-de-vie, et par toutes les liqueurs les plus violentes ; il...
Oeuvres complètes : Les Hymnes de 1555 - Le Second Livre des hymnes de 1556

Extrait de Oeuvres complètes : Les Hymnes de 1555 - Le Second Livre des hymnes de 1556 de Pierre Ronsard

Que ta puissance, ô mort, est grande et admirable :  Rien au monde par toi ne se dit perdurable ; Mais tout ainsi que l'onde, à val des ruisseaux, fuit Le pressant coulement de l'autre qui la suit, Ainsi le temps se coule, et le présent fait place Au futur importun qui les talons lui trace. Ce qui fut se refait ; tout coule comme une eau, Et rien dessous le ciel ne se voit de nouveau ; Mais la forme se change en une autre nouvelle, Et ce changement-là vivre au monde s'appelle, Et mourir quand la forme en une autre s'en va. Ainsi avec Vénus la Nature trouva Moyen de...
Dictionnaire philosophique

Extrait de Dictionnaire philosophique de Voltaire

Le théiste est un homme fermement persuadé de l'existence d'un Être suprême aussi bon que puissant, qui a formé tous les êtres étendus, végétants, sentants, et réfléchissants; qui perpétue leur espèce, qui punit sans cruauté  les crimes, et récompense avec bonté les actions vertueuses.Le théiste ne sait pas comment Dieu punit, comment il favorise, comment il pardonne ; car il n'est pas assez téméraire pour se flatter de connaître comment Dieu agit ; mais il sait que Dieu agit, et qu'il est juste. Les difficultés contre la Providence ne l'ébranlent point dans sa foi,...
Candide

Extrait de Candide de Voltaire

Cacambo demanda humblement quelle était la religion d’Eldorado. Le vieillard rougit encore. « Est-ce qu’il peut y avoir deux religions ? dit-il ; nous avons, je crois, la religion de tout le monde : nous adorons Dieu du soir jusqu’au matin. - N’adorez-vous qu’un seul Dieu ? dit Cacambo, qui servait toujours d’interprète aux doutes de Candide. - Apparemment, dit le vieillard, qu’il n’y en ni deux, ni trois, ni quatre. Je vous avoue que les gens de votre monde font des questions bien singulières. » Candide ne se lassait pas de faire interroger ce bon vieillard ;...
Les Brigands

Extrait de Les Brigands de Friedrich Schiller

Moor. - Peuh ! La peste soit de ce siècle exténué de castrats, tout juste bon à remâcher les exploits des temps passés, à écorcher de gloses les héros antiques, à les saloper à coup de tragédies. La force de ses reins est épuisée : aujourd’hui, c'est la levure de bière qui doit aider à perpétuer le genre humain.Spiegelberg. - Le thé, frère, le thé.Moor. - Regardez-les cantonner la saine nature dans de fades conventions ; ils n'ont pas le courage de vider un verre, parce qu'il leur faudrait en plus porter une santé... Ils flagornent le cireur de bottes pour qu'il les...
Mémoires - Extraits

Extrait de Mémoires - Extraits de Saint Simon

Peu à peu l'ermitage fut augmenté ; d'accroissement en accroissement les collines taillées pour faire place et y bâtir, et celle du bout largement emportée pour donner au moins une échappée de vue fort imparfaite. Enfin, en bâtiments, en jardins, en eaux, en aqueducs, en ce qui est si connu et si curieux sous le nom de machine de Marly; en parc, en forêt ornée et renfermée, en statues, en meubles précieux, Marly est devenu ce qu'on le voit encore ; tout dépouillé qu'il est depuis la mort du roi. En forêts toutes venues, et touffues qu'on y a apportées en grands arbres de...
Discours et rapports

Extrait de Discours et rapports de Louis-Antoine de Saint-Just

Jusqu'à quand serons-nous dupes, et de nos ennemis intérieurs par l'indulgence déplacée, et des ennemis du dehors dont nous favorisons les projets par notre faiblesse ? Épargnez l'aristocratie, et vous vous préparerez cinquante ans de troubles. Osez! Ce mot renferme toute la politique de votre révolution.L'étranger veut régner chez nous par la discorde : étouffons-la en séquestrant nos ennemis et ses partisans. Rendons guerre pour guerre. Nos ennemis ne peuvent plus nous résister longtemps ; ils nous font la guerre pour s'entre-détruire. Pitt veut détruire la maison d'Autriche,...

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