Lire - Ecrire

Bernard Quiniry

Le rapport à l’écriture

 

ViaBooks : Avez-vous des rituels particuliers ou des habitudes lorsque vous écrivez ?

 Bernard Quiriny : « Pas d’exigence particulière, sinon celles d’avoir un peu de temps devant moi et d’être seul. Avec une surface plane et stable pour poser l’ordinateur (pas de notes à la volée en train, ou sur un banc public). Quant à la musique, elle divertit, donc : le silence est d’or…

Vous imposez-vous des quotas : « j’écris tant de signes/mots par jour » ?

« Non, mais je me dis parfois que je devrais. En général, le plus pénible est de s’y mettre. Une fois que j’y suis, c’est parti ».

Utilisez-vous l’informatique, une machine à écrire, un enregistrement vocal, des cahiers ou/et un stylo particuliers ?

«Un bon vieux Word, et un ordinateur dont la soufflerie n’est pas trop bruyante ».

Etes-vous adepte du premier jet ou de la longue réécriture ?

« Un premier jet aussi vite que possible, pour avoir tout le matériau sous la main. Puis des heures et des heures de découpage, réécriture, etc ».

 

Le rapport à la profession

 

Quand vous êtes- vous dit la première fois : « je suis écrivain » ? Qu’est-ce que ce mot signifie pour vous ?

«Jamais. « Etre écrivain » ne signifie pas seulement « écrire des livres », mais en écrire de bons, posséder un style, un caractère, ce genre de choses. X ou Y publient des livres par tombereaux, mais ne sont pas selon moi des écrivains (pique comique, à placer dans un dîner : « Il n’écrit pas, il publie ») ; l’inverse pour W et Z, rares et discrets. (A la limite, en tirant le fil, je pense qu’on peut être écrivain sans avoir jamais écrit – cf. les bartlebys conceptualisés par Enrique Vila-Matas). Donc, de mon point de vue, je ne suis pas écrivain, j’écris des livres : si je suis écrivain, c’est à ceux qui me lisent de le dire ».
 

Vous sentez-vous appartenir à une famille d’écrivains et si oui laquelle ?

« Une « famille » au sens clos, pas forcément, mais comme tout le monde, j’ai des maîtres, qu’on peut appeler grands-oncles, parrains, etc. Marcel Aymé, d’un côté ; le fantastique sud-américain et le patriarche Borges, de l’autre. Au milieu, la galaxie du fantastique belge, où je dois bien avoir quelques cousins. Cela, pour mes deux livres parus. Mais à nouveau livre, nouveaux maîtres, et nouvelle famille… »

Le rapport à la lecture

 

Lisez-vous beaucoup, rapidement, en prenant des notes ? Et qu’utilisez-vous comme marque-page ?

«Beaucoup et rapidement, oui, en partie par déformation professionnelle (je fais un peu de journalisme, d’où des quantités importantes de livres lus). S’il s’agit d’épreuves, je corne, gribouille et souligne comme un sauvage. Pour un « vrai » livre, sauf urgence (cornage délicat et réversible), n’importe quel bout de papier fait l’affaire ».
 

Comment lisez-vous ? Uniquement par plaisir ou de manière très concentrée, voire professionnelle, pour mieux décortiquer le travail de l’auteur ?

«Là encore, il faut distinguer ce que je lis « professionnellement » de ce que je lis à titre privé. La lecture « professionnelle » est un genre à part – on sait ce qu’on cherche dans le livre, on réfléchit en parallèle sur ce qu’on en dira, on souligne, on compare etc. Pour la lecture « privée », je lis comme tout le monde, je suppose, sans m’acharner à essayer de comprendre « comment c’est fait ».
 

Comment choisissez-vous vos lectures : en lisant les critiques, en regardant les 4 e de couv’, en écoutant les conseils de proches, par hasard…

«Ayant lu X, je sais qu’il a cité Y. Je lis Y, qui se trouve avoir connu Z. Z a fait partie de la même écurie que B dans les années 1940, ce qui m’amène à B. Etc. A force, je me dis que je devrais tomber sur tout le monde. Exemple : Borges mène à Casares, qui mène à Ocampo, etc. Ou Bulteau à Régnier, puis Jaloux, Vaudoyer, etc. Ou alors, plus rarement, je suis les recommandations d'amis de confiance ».
 

Quel a été votre premier « choc » de lecteur ?

«Difficile à dire. Je me souviens avoir été subjugué à l’adolescence par dernière phrase d’un roman de Modiano, mais je ne sais plus lequel (ça finissait par : « Il n’y avait personne pour venir nous chercher »). Plus tard, la relecture du Passe-Muraille m’a poussé à essayer d’écrire ».

Que lisez-vous actuellement ?

« La biographie de Montherlant par Philippe Alméras »


Les livres et les autres

 

Offrez-vous souvent le même ouvrage à vos proches ? Lequel ?

« Pas spécialement. J’offre rarement de livres, en fait ».

Leur offrez-vous les livres que vous avez écrits ? Attendez-vous qu’ils vous donnent leur avis ou préférez-vous ne pas le connaître ?

«Jamais je n’oserais. Ils se sentiraient obligés de le lire, ce serait affreux ! Et je préfère ne pas savoir leur avis ».

Vous arrive-t-il de relire vos livres ? Lesquels ? Pourquoi ? Et qu’en pensez-vous ?

 «De temps en temps, une page ou deux, pour éprouver cette sensation curieuse qu’elles sont d’un autre. Pour vérifier, comme ça, qu’il n’y a pas de coquilles, aussi ».

A quoi ressemble votre bibliothèque ? Les ouvrages sont-ils rangés selon un classement particulier ? Déborde-t-elle ? A-t-elle une histoire ?

«Pour le moment, c’est l’anarchie, faute de place. D’où piles à même le sol, et principe de classement rustique : les plus gros à la base, pour la stabilité. Sinon, petite faiblesse : toujours laisser en vue (sur la première rangée, à hauteur de regard) un auteur inattendu, un second couteau magnifique, ou bien une édition d’époque, qui feront voir au visiteur avisé quels sont mes goûts. Une bibliothèque, si elle est visible du visiteur, c'est aussi un autoportrait latéral, donc... »

Que pensez-vous du livre numérique : Jamais pour vous ! Peut-être en voyage ? Pourquoi pas je me suis bien mis à l’iPod !

« Sans opinion pour le moment. Je n’en ai jamais eu entre les mains. Je n’y crois qu’à moitié, mais à voir à l’usage ».

Actu et Salon du Livre

 

Cette année, la plus grande librairie de France fête son 30 e anniversaire. Auriez-vous un souvenir, une anecdote à partager avec nous ?

« Je n’y suis allé qu’une fois, comme visiteur, en 1999. J’ai rencontré Jay McInernay qui m’a parlé de vins de Bourgogne, et vu Eric Zemmour en vrai.

Quel est votre dernier ouvrage paru ou à paraître ?

« Contes carnivores, Seuil ».

©Mathieu Zazoo

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