Alexis Brocas, auteur de Un dieu dans la machine (éditions Phébus) nous confie les ressorts de son rapport à l'écriture.
-Alexis Brocas : « Pas de rituel particulier, tout environnement m’apparaît propice du moment que j’ai un stylo, du papier, et de quoi m’appuyer. Toutefois, c’est souvent avant de me coucher, dans ma salle de bain, que me viennent les idées que j’ai cherchées en vain la journée… Et je pratique donc souvent l’écriture assis sur un coin de la baignoire ».
-A.B. : « Cela m’arrive, quand je suis en retard ou quand je me fixe un délai. Cela va de 10 000 signes par jour à 25 000 signes par jour. 10 000 signes représentent une petite soirée de travail. 25 000 une journée de travail, mais si l’inspiration est au rendez-vous, cela peut monter à beaucoup plus ».
-A.B. : « J’utilise l’informatique, mais j’ai tout un assortiment de carnets, feuilles et stylos répandus dans mon appartement – et particulièrement ans la salle de bains ! »
-A.B. : « Les deux. Je commence toujours par écrire directement, sans plan, mais avec en tête quelques idées de direction, et, ce qui est essentiel, la fin vers laquelle je m’efforce de tendre. Ensuite, je réécris. C’est la partie la plus longue et la moins amusante du travail. Dans mon cas, cela se résume essentiellement à couper ».
-A.B. : « Je ne me dis pas écrivain – c’est mon éditeur qui prétends que je le suis. Pour ma part, j’ai un peu du mal avec cette appellation, qui me semble décrire à la fois un statut et une profession. Qu’est-ce qu’un écrivain ? Quelqu’un qui écrit et publie ? Dans ce cas, oui, j’ai le statut d’écrivain depuis 2007, date de ma première publication. En revanche, si l’on parle de quelqu’un qui a l’écriture littéraire pour unique profession et source de revenus, je peux difficilement me prétendre écrivain ».
-A.B. : « Oui. Mes lectures, mes inclinations, me rattachent à la vaste famille des auteurs fantastiques, fraction ténébreuse – et à l’espèce encore plus vaste des auteurs pour lesquels la narration prime sur la virtuosité et l’expérimentation formelle »
-A.B. : « Mon rapport à la lecture est obsessionnel et sans doute légèrement pathologique (j’y passe le plus clair de mon temps, la lecture étant pour moi un refuge hors du réel). Ce rapport est aussi professionnel, puisque je travaille comme critique littéraire. La pratique et les exigences journalistiques font que je lis rapidement, en prenant des notes si je pense que l’ouvrage mérite un article. Comme je prends souvent les transports en commun –et que je me sers de la lecture pour les supporter, mon marque page préféré est le ticket de métro ».
-A.B. : « Déformation professionnelle, je lis toujours comme si il y avait un article à la clé. En décortiquant, donc. Mais en prenant du plaisir aussi. »
-A.B. : « En lisant les critiques, en écoutant les avis de lecteurs… Et puis il reste ce phénomène mystérieux qui fait qu’un titre, qu’une couverture vous intrigue, et ce que vous trouvez derrière vous intrigue encore plus ».
-A.B. : « Impossible à dire, ça remonte très loin. Peut-être Tolkien, a 11 ans ou les nouvelles de Maupassant, au même âge. En fait, le choc de lecteur qui a été le plus déterminant n’était pas le premier. Il s’agit de la lecture de Lovecraft, vers 12 ans. Je vous laisse imaginer quel effet les horreurs hallucinées du maîtres de Providence peuvent avoir sur une sensibilité en formation… »
-A.B. : « L’écho des morts, de Johan Theorin. Un polar suédois, qui traduit l’incroyable vitalité d’un genre dédié, à l’origine, au réalisme procédural le plus strict, et en vient aujourd’hui à produire des textes très originaux, à la lisière de l’histoire, du fantastique et du policier… »
-A.B. : « J’en ai beaucoup. Depuis quelques années, Rigodon de Céline traîne sur ma table de nuit. J’ai dû le lire trois fois. C’est le dernier roman de Céline, et à mon sens, celui qui fait mentir la légende selon laquelle l’auteur du Voyage aurait passé son existence à rapetisser pour finir par endosser la médiocrité de ses personnages ».
-A.B. : « Oui, et cela dépend des périodes. Longtemps, ça a été Chroniques Martiennes (Bradbury) puis Sourire de loup (Zadie Smith). Aujourd’hui, c’est Patria o muerte, de Dominique Perrut.
-A.B. : « Je n’offre jamais des livres que j’ai écrits, cela me paraîtrait horriblement narcissique et impoli. J’attends qu’ils me donnent leur avis. Et parfois, effectivement, il vaut mieux ne pas le connaître : j’ai ainsi un proche qui a interprété un de mes bouquins ouvertement comiques comme une sorte de grand cri de désespoir de ma part ! »
-A.B. : « Je ne relis pas mes livres. Je jette un coup d’œil dessus au moment de la sortie. Et je me dis que tout de même, ça a l'air beaucoup plus sérieux imprimé comme cela. Dans la foulée, je relirai peut-être un chapitre mais pas plus, car sinon, les défauts me sauteront aux yeux et me donneront l'impossible envie de tout réécrire ».
-A.B. : « Oui, à H.P Lovecraft : tu as sacrifié ta vie pour réussir ton œuvre. Avec le recul, penses-tu que ça valait le coup ? »
-A.B. : « J’ai deux bibliothèques, une étrangère, une française. Les livres sont classés par genres (roman, poésie théâtre, essais, et par ordre alphabétique) ».
-A.B. : « Même si je suis assez attaché au papier, je pense qu’il s’agit d’une évolution inéluctable, tout du moins pour certains pans de l’édition (édition scientifique en particulier). Pour les romans, je suis plus sceptique. Mais pour un usage pro, j’avoue que ça me faciliterait la vie et débarrasserait mon appartement »
>Alexis Broca, Un dieu dans la machine, Phébus.
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