Andrea H.Japp : « J’écris toujours dans mon bureau, entourée des objets (parfois surprenants, comme cette tasse à thé en porcelaine chinoise très fine) ou tableaux que j’aime, dont la vue me fait plaisir ou me rassure. Le mur qui me fait face est couvert de toiles ou gravures. Je suis une énorme consommatrice de café et de thé, durant toute la journée. En revanche, il m’est impossible d’écrire en musique. La musique est pour moi une occupation à part entière : j’écoute OU je me concentre sur mon texte ».
« Jamais. Il peut m’arriver de rester devant l’écran des heures durant sans qu’une ligne ne me vienne. Dans ces cas, je me prépare un thé, je joue un peu avec mes chiens, je réponds à mes mails, j’attends. Et puis, à un moment, sans que je comprenne très bien comment, le processus démarre. Se produit une sorte de basculement et je peux écrire dix heures d’affilée, dans un état intermédiaire. J’ai parfois le sentiment d’un dédoublement.
« L’informatique et un monceau de petits papiers avec des bouts de phrases, des fragments d’idées qui surgissent. J’ai semé des carnets partout dans la maison, dans lesquels je note ce qui me traverse l’esprit alors que je suis occupée à autre chose ».
« Ni l’un, ni l’autre. Je n’écris pas « dans l’ordre », je n’ai pas de plan. Des scènes me viennent, alors que je ne sais pas très bien où va me conduire l’histoire, ni où elles vont s’insérer. C’est le dédoublement que j’évoquais. J’ai l’impression que mon cerveau sait avant moi ce que je vais écrire. Au fond, j’ai fini par développer une sorte de superstition au sujet de ce processus mental et je n’ai pas trop envie de tenter de le décortiquer. Cela étant, je réécris beaucoup ».
« Lors d’une signature, lorsqu’une lectrice m’a dit « s’il n’y avait pas les livres, dont vos romans, ma vie serait un désert ». La phrase, prononcée sans emphase ni misérabilisme, m’a profondément marquée ».
« Cela, justement. Faire naître un texte qui va pénétrer dans la vie des lecteurs pour quelques heures, quelques jours. Mais c’est également mon seul moyen réel d’expression et de communication. Je n’aime pas tellement parler. Je n’ai jamais l’impression de dire des choses importantes à mes yeux. Je les écris. Je trouve que l’on parle trop vite, en sautant d’une idée à l’autre. Ecrire, c’est avoir le privilège du temps. Avoir le temps de s’interroger sur le bien-fondé ou l’importance d’une idée, d’une observation. Avoir le temps de choisir les mots les plus adéquats pour la décrire et la faire partager ».
« Pas vraiment. Le « courant » qui me conviendrait le mieux, ce sont « les raconteurs d’histoires humaines». Les gens sont leurs histoires. J’aime les histoires, qu’on m’en raconte et en raconter. Au fond, je suis une romancière. Stendhal disait : « le roman est un miroir qui se promène sur une grande route ».
« J’ai été une lectrice vorace depuis le plus jeune âge, un peu moins depuis que j’écris, faute de temps, d’autant qu’il m’est difficile de me plonger dans l’univers d’un autre écrivain lorsque je suis immergée dans le mien. De plus, je suis une lectrice très impatiente ! Si un roman ne m’a pas séduite en cinquante pages, je le referme. Je ne lis pas vite, j’aime entendre le son des phrases dans ma tête. Je marque la page avec n’importe quoi, un bout de papier, un crayon, un marque-page mais je ne corne jamais ».
« Je lis les romans par plaisir, les essais ou les ouvrages de documentation - nécessaires à mon travail ou pas - avec un soin maniaque ».
« Un peu tout. En réalité, certains de mes proches m’offrent un filtre. Je sais que s’ils ont adoré un livre, il me tombera des mains ».
« Un roman de science-fiction, une épopée géniale : « La Plaie » de Nathalie et Charles Henneberg. Il s’agissait sans doute aussi d’une parabole sur le fascisme, mais j’étais très jeune et à l’époque, je suis passée à côté de cet aspect. J’ai dû le lire une bonne dizaine de fois, au point d’en mémoriser des passages entiers ».
« Pas de fiction, j’écris. Les piles de romans m’attendent avec patience. Je lis le remarquable : « Effondrement » de Jared Diamond. L’auteur passe en revue l’effondrement de sociétés disparues et dégage cinq facteurs qui entrent toujours en jeu. L’ouvrage est passionnant. Certes, ça ne se lit pas comme un polar, d’autant que c’est parfois assez angoissant, puisque les facteurs en question commencent à se dessiner dans nos sociétés ».
« Pensées pour moi-même », de Marc-Aurèle ».
« Pensées pour moi-même » de Marc-Aurèle, dont la perspicacité et la modernité me sidèrent toujours ».
« Cela m’arrive. Je n’attends pas particulièrement d’avis, mais il est le bienvenu lorsqu’ils souhaitent le donner. La particularité de certains proches est qu’ils cherchent dans vos lignes la « vérité » qu’ils connaissent de vous et ils se trompent souvent en croyant l’apercevoir ».
« Bien sûr. Tous. Ne serait-ce que parce que je détesterais décliner la même histoire. Je me vois à la manière d’une éponge. J’éponge ce qui fait les êtres, dont moi. Je transforme ce que j’ai épongé et le restitue en mots. Je me nourris de tout, notamment de mon propre passé. Le danger est donc réel de revenir sans cesse aux mêmes souvenirs, aux mêmes obsessions. Relire mes romans revient à prendre de la distance par rapport à moi, à une certaine époque. Ce faisant, je me rends compte des obsessions ou des « failles » que j’ai pu dépasser, ou, au contraire, de celles qui perdureront sans doute jusqu’à la fin ».
« Par précaution, je ne m’intéresse pas vraiment aux auteurs. Ce qui me fascine, ce sont leurs textes. Je détesterais être déçue par la réponse d’un auteur que j’admire, adore, un de ceux qui a construit ma vie, puisque j’ai appris à vivre grâce aux livres. Je me souviens avoir lu qu’un auteur « fondateur » de ma vie était un individu odieux, arrogant, imbu de lui-même alors qu’il avait écrit des lignes sublimes, si parfaites et justes, sur l’état d’humain. Le « décalage » entre l’homme et l’écrivain m’a blessée ».
« Les livres envahissent progressivement la maison. Deux pièces et un large couloir sont tapissés de bibliothèques. J’essaie d’opérer un ordre, une tentative souvent infructueuse. Du moins ai-je séparé les essais et documents de la fiction. J’avoue, à ma grande honte, qu’un de mes critères de rangement est la hauteur du livre, afin qu’il glisse entre deux étagères. Une fraction de ces ouvrages provient de la bibliothèque de mon père ».
« Je suis très attachée au « livre-objet », à l’habitude de tourner des pages en papier. Cela étant, je crois à son avenir. Les livres sont très envahissants et pour avoir habité un petit appartement à Paris, je sais à quel point ils peuvent coloniser l’espace. Personnellement, je pense que je le réserverai aux documents et, en effet, aux voyages ».
« Mes souvenirs de Salon du Livre sont un concentré de rencontres marquantes avec des lecteurs, la plupart très agréables, certaines amusantes, l’une très inquiétante et une autre parmi les plus bouleversantes que j’ai connues. Ce monsieur avait foncé vers ma table de signature et raflé un exemplaire de chaque titre. Je pensais qu’il souhaitait discuter un peu, qu’il s’agissait d’un « fan », mais il ne cessait de regarder sa montre, l’air très pressé. Il a fini par expliquer que sa femme très malade se trouvait à l’hôpital. Elle avait lu « La femelle de l’espèce » dans la nuit et avait confié à son mari que « ça lui avait donné de l’énergie, de la combativité ». Il faisait donc l’aller et retour Tours-Paris pour lui apporter tous mes romans. Cela fait plus de dix ans, mais je repense souvent à ce monsieur et à sa femme ».
« La mort, simplement, Calmann-Lévy, janvier 2010 et Les mystères de Druon de Brévaux, Aesculapius, Flammarion, février 2010 ».
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