Gautier Renault :
« L’écriture est pour moi une activité qui demande beaucoup de
préparation. Il m’est difficile de me mettre devant une feuille blanche
ou une page de traitement de texte, et attaquer dans le vif. J’aime
prendre le temps de gribouiller des idées et des mots clés, réfléchir à
un plan, le triturer … Peut-être l’héritage de méthodes apprises à
l’école pour réaliser une bonne dissertation. J’imagine toujours qu’un
écrit a un début-un milieu-une fin, que l’ensemble forme un tout
cohérent aussi bien au travers des mots, des expressions, le niveau de
langage et l’enchaînement des idées ; je me dis que chaque élément a
un rôle, aucun d’entre eux n’est plus important qu’un autre. C’est
pourquoi je suis plutôt adepte de la longue réécriture pour trouver
l’équilibre du texte ».
« Avec
Une partie en enfer, j’ai découvert la richesse de l’écriture à 4
mains. Il faut bien sûr trouver une manière de fonctionner, mais une
fois cette mise en place effectuée, il est très stimulant d’échanger
avec un autre auteur. Il y a dans cet exercice un miroir immédiat et
permanent qui permet un enrichissement naturel des idées et de la
manière de les communiquer, s’il est sans jugement de valeur et
simplement un jugement de cohérence. J’encourage l’écriture à 4 mains ;
c’est une excellente expérience humaine et une manière formidable de
progresser ».
« Je
suis bien trop humble pour me considérer écrivain d’une manière ou
d’une autre ; je me sentirais aujourd’hui plutôt comme un « conteur
d’histoire ». Se dire « je suis écrivain » est peut-être quelque chose
qui vient avec l’âge et l’expérience, un peu comme les premières fois
où l’on vous appelle Monsieur et que l’on arrête de vous tutoyer
systématiquement…c’est au départ très surprenant, inhabituel voire
complètement hors-contexte, on regarde derrière soi pour savoir à qui
la personne en face de vous s’adresse. Cela peut durer très longtemps
et puis cette distinction s’insinue petit à petit au fil des années, le
vocabulaire change, on s’y fait sans s’en rendre compte… Si je poursuis
dans l’écriture, peut-être que ça se passera comme cela, dans le regard
des autres… »
« Être
écrivain peut peut-être vouloir dire regarder le monde différemment :
faire un pas de côté, s’arrêter et regarder attentivement; être
écrivain est peut-être une attitude qui consiste à décrypter la réalité
avec une autre grille de lecture qui inclurait la patience, le recul,
l’introspection, l’ironie, l’auto dérision, la vérité … »
« Je suis bien trop humble pour me considérer comme écrivain ; je ne me sens donc pas appartenir à une famille ».
« J’ai
toujours un livre en cours, et j’ai la mauvaise habitude d’en commencer
plusieurs à la fois. Cela me demande une grande rigueur de rester
concentrer sur un livre alors que paradoxalement j’adore le sentiment
de se faire happer entièrement par un ouvrage sur une période donnée.
Mais ce besoin d’en commencer plusieurs à la fois vient sûrement du
fait, je pense, que je lis lentement : je lis tous les mots du début à
la fin de l’objet – de la page de garde aux remerciements en passant
par les crédits éditeurs / imprimeurs et enfin le texte. Je pensais
que tout le monde faisait comme ça. J’ai découvert assez récemment
qu’en fait pas du tout. Chacun possède sa manière d’aborder un livre.
Certains commencent par lire la dernière page, certains vont lire la
biographie de l’auteur avant tout, certains vont lire en diagonal au
sens propre… ce fut une grande découverte. Je me suis alors exercé à
lire autrement, sans succès !
Je ne parviens pas à garder un
marque-page, et corner une page m’horripile. J’essaye donc de retenir
le numéro de la page ou du chapitre en me faisant croire que j’ai la
mémoire des chiffres. Il m’arrive très souvent de relire de longs
passages … c’est peut-être pour cela que je lis lentement finalement ».
« Je
lis principalement par plaisir. Je ne prends jamais de note car je n’ai
pas de système de relecture des notes, alors à quoi bon ! »
«De
fil en aiguille et par hasard. Je vais passer d’un livre à un autre car
les thèmes sont connexes, ou parce que les auteurs ont vécu au même
moment, qu’ils faisaient partie du même courant littéraire ou qu’ils
ont été publiés dans la même collection, et ainsi de suite… »
«Les
Enfants de Noé de Jean Joubert à l’âge de 12 ans. C’était probablement
la première fois que d’un simple objet fait de papier et d’encre, je
plongeais dans un univers, une vie de famille et une aventure ».
«American
Tabloïd de James Ellroy, Exit le Fantôme de Philip Roth et To Kill the
Mockingbird d’Harper Lee (Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur NLRD). Mon
avis ? Il faut que je regarde les choses en face, je suis dans une
période « américaine »… Je ne sais pas comment je vais faire pour m’en
sortir ».
«Je n’ai pas de livre fétiche en particulier. J’aurai l’impression de ne pas laisser sa chance aux autres de le devenir ».
«Une
Partie en Enfer, coécrit avec Florian Lafani est mon premier livre
publié. Nous avons fait lire le manuscrit à de nombreuses personnes de
notre entourage dans le souci de progresser, d’avoir un retour pour
mieux avancer. Mais une fois publié, je ne sais pas encore si je
l’offrirai à mes proches ; ce n’est pas sûr car je n’aurai pas envie
d’avoir l’impression de leur imposer la lecture. Peut-être
qu’inconsciemment, je le laisserai traîner bien en vue avec l’espoir
qu’ils y jettent un coup d’œil car au fond de moi je serai, je l’avoue,
très heureux d’avoir leur avis ».
«On verra ; probablement par petite touche, pour redécouvrir l’état d’esprit d’un moment de la vie ».
«Boris Vian, à quel âge avez-vous su qu’il était possible pour vous d’aborder autant de domaines artistiques ? »
«Tous
les membres de ma famille sont de grands lecteurs, bien plus que moi.
Au fil des années, sans le faire exprès, nous avons mis en commun la
plupart de nos livres ; ma bibliothèque est donc plutôt une
bibliothèque familiale. Elle ne subit aucun rangement spécifique à part
peut-être livres de fiction d’un côté, livres de non fiction de
l’autre. Elle n’a pas d’histoire spécialement, mais j’ai remarqué que
je pouvais retracer les différents moments de ma vie au travers de
livres présents dans cette bibliothèque. Et il faut bien l’avouer
aussi, il y a les livres qui sont bien en place et que je n’ai jamais
lus, que je m’étais procuré avec conviction et dont je me suis détourné
avant même de les commencer, pour un moment seulement … enfin j’espère.
J’aime bien la présence de ces livres qui sont dans une bibliothèque et
que l’on fantasme tant qu’on ne les a pas lus ».
«Ma
collaboration active à la création d’une maison d’édition numérique m’a
conduit à confirmer ma conviction de l’existence d’un avenir pour
l’édition numérique. Je crois beaucoup à l’avenir du livre numérique
au sens de contenus développés spécifiquement pour les supports
numériques qui vont s’adresser à d’autres lecteurs ou répondre à
d’autres usages de la lecture. Ces ouvrages intégreront probablement
bien plus d’éléments que le simple écrit. Je pense qu’il faudra être
« multi discipline » et travailler en équipe pour être éditeur ou
auteur de « livres numériques » : auteur, écrivain, musicien,
concepteur de jeu vidéo, réalisateur … Le chemin est encore long, et
rien n’est écrit pour le coup ».
«Je
me souviens du premier sentiment en pénétrant dans cet immense hall des
expositions: celui d’être tout petit et perdu. Et c’est la même chose
chaque année depuis. Le Salon du livre amène une certaine réalité dans
un univers imaginaire que je me crée tout le reste de l’année avec la
lecture. Alors que la lecture est une activité intime, solitaire,
personnelle, où je me fais mes propres images des auteurs, où l’on
croit que nos objets livres sont les seuls au monde, le Salon lui
propose de découvrir les auteurs en chair et en os, d’aller de stand en
stand où les livres se comptent par milliers bien au-delà du
concevable. Ainsi les premiers pas au Salon m’amènent toujours à la
même réflexion : je n’ai encore rien lu. Une fois ces premières minutes
de vertige passées, le Salon devient une grande terre de découverte
sans fin dont je ne saurais me lasser ».
«Nous
aurons l’honneur et le plaisir de dédicacer au Salon du Livre de Paris
le 30 mars 2010 de 19h à 21h sur le stand de First Editions ».
«Une partie en enfer avec Florian Lafani et aux Editions First »
© Editions First
Les lauréats du Prix Mare Nostrum 2024 vient de livrer la liste de ses lauréats. Chaque lauréat recevra une dotation de 2 000 € pour sa c
Légende photo : en haut de gauche à droite : Deloupy (Les Arènes), Carole Maurel (Glénat), Pierre Van Hove (Delcourt/La Revue Dessinée), Sébast