Philibert Humm vient d'être intronisé lauréat du prix Interallié 2022. Ce jeune romancier n'a pas attendu longtemps pour se faire un nom au soleil littéraire. Son Roman Fleuve (Editions des Equateurs), qui raconte une remontée de la Seine en canoë par 3 amis dans le vent, est un petit bijou d'impertinence et d'esprit français. Rencontre avec un hussard d'aujourd'hui qui revendique le temps long et le sens de l'impromptu.
Philibert Humm arrive essoufflé chez Lasserre, juste après qu'il ait appris qu'il était l'heureux lauréat du Prix Interallié 2022 pour son livre Roman Fleuve. Il coiffe au poteau Pierre Adrian, son meilleur ami, avec lequel il a co-écrit précédemment La Micheline, tournée des bars de France et Le Tour de la France avec deux enfants (Editions des Equateurs). Il s'excuse d'arriver en col roulé, car pris au dépourvu. On lui répond que par les temps qui courent, le col roulé est très tendance. Il s'amuse de ce clin d'œil involontaire à l'époque. Ce non-sens de l'à-propos qui finit par tomber à pic est la signature de ce journaliste qui travaille à Paris Match !
Philibert Humm fait souvent mouche sans avoir prévu de le faire. Comme dans ses précédents livres qui vantaient les voyages de proximité. Aujourd'hui on ne parle plus que de cela. Du reste, ce jeune homme de 31 ans a le goût des contradictions : s'il aime le voyage, c'est pour explorer le bout de sa rue; s'il ne veut pas se presser, il fait un sans-faute dans son parcours littéraire : prix Alexandre Vialatte 2021 pour Les Tribulations d'un Français en France, puis, prix Interallié en 2022 pour Roman Fleuve.
Quelle est la recette Humm ? Prenez un peu d'Antoine Blondin, ajoutez un peu de Roger Nimier, un zest de René Fallet, mélangez avec le piment de l'humour, et vous obtiendrez les ingrédients de son texte de résistance. Résistance à la morosité ambiante, aux tableaux Excel, aux aéroports sous hypnose et aux managers, Scrum masters ou autres chief hapiness officer. Humm revendique l'art de l'amitié, de la curiosité, des rencontres impromptues, du temps qui s'écoule au sablier...Comme le dit Gilles Martin-Chauffier, un de ses fervents défenseurs au jury Interallié : « Philibert porte un regard moqueur sur le monde qui l'entoure. Il a le sens de l'inattendu, voire du loufoque, qu'il exprime dans une écriture vive et pleine d'esprit. Qu'est-ce que cela fait du bien ! »
Dans Roman fleuve, nous retrouvons trois amis qui se lancent dans une remontée fluviale de Paris à l'estuaire du Havre, au sein d'un bateau acheté sur un célèbre site de petite annonces, paré d'un rideau de douche qui fera office de voile. On ne peut s'empêcher de penser à Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome, où les protagonistes se lançaient dans une aventure sur la Tamise. Ici, il s'agira de la Seine. Certes sa traversée n'est pas la route du Rhum. Pourtant cette aventure va vite se transformer en épopée avec de nombreux rebondissements. Le canoë prend l'eau, les rencontres fortuites de ceux que Philibert appellent les gens des berges sont autant de portraits de tête qui se dégustent sous les nuages normands... Ce Roman fleuve est un livre plein de fantaisie qui fait l'éloge de l'amitié et des voyages impréparés. Au fil de l'eau, quelques digressions sur la peinture, la littérature et même sur Jean-Pierre Pernaut. Plus profonde qu'il n'y paraît, cette remontée du fleuve en chute douce, nous dresse le portrait d'une France qui continue de vivre aujourd'hui au rythme des crues et des navigations. Rencontre avec un hussard moderne qui vogue entre deux eaux.
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Légende photo : Philibert Humm photographié dans le petit salon classique de chez Lasserre bien loin de ses aventures fluviales. © Olivia Phélip
-Philibert Humm : Je suis un aventurier des temps modernes car je voyage au pied de chez moi ! L'aventure est au bout de la rue, j'en suis certain. Pas nécessairement au bout du monde. Peut-être même, surtout pas au bout du monde. J'aime l'idée de construire un projet avec une idée, mais sans but précis, afin d'être disponible. L'esprit d'aventure, c'est accepter (voire rechercher) de se mettre dans l'embarras. Accueillir l'imprévu, le non linéaire. Pour cela il faut accepter de prendre son temps. Je dis souvent en riant que je suis un capitaine au lent cours !
-P.H. : C'est avec les amis que se créent les meilleurs souvenirs, non ? Je partage avec quelques-uns de mes amis ce goût des aventures impromptues. Avec Samuel et François, nous avons formé une joyeuse bande aussi désorganisée que stimulante. L'idée de l'un conduisait à celle de l'autre etc. Nous sommes les rois de l'esprit d'escalier. Roger Nimier disait que «l'amitié c'est de se retrouver dans la panade. » Dans notre petite aventure, nous avons vécu une succession de panades. Et on a ramé, beaucoup, dans tous les sens du terme !
-P.H. : Nous pratiquons l'inverse du voyage organisé : le voyage désorganisé. Bien sûr, c'est un choix ! Cela nous oblige à nous adapter, à chercher des solutions, à faire preuve d'invention. Quand nous avons acheté notre bateau sur le Bon Coin, il s'agissait d'un vague canot. Ce qui nous a amusés, c'est que le vendeur nous a assuré qu'il avait appartenu à Véronique Sanson. Cela ne s'invente pas ! Nous l'avons baptisé Bateau, pour bien montrer qu'il s'agissait d'un objet sans attrait particulier. Mais il nous fallait trouver une voile. Nous avons bricolé quelque chose avec un rideau de douche et une tringle. Il fallait y penser ! Je crois que nous avons voulu ériger l'amateurisme en art.
-P.H. : Parce qu'elle est à nos pieds. J'aimais l'idée de partir près de nous, le long d'une fleuve que nous ne connaissons pas bien et qui ne se prête pas du tout à la navigation. La Seine est sale, industrielle. De Paris à Honfleur elle connaît de nombreuses circonvolutions. Mon grand-père disait : «La Seine zigzague après Paris, car elle est saoule d'avoir traversé la capitale.»
-P.H. : On a rencontré plus de visages que de paysages dans notre périple fluvial. Je ne suis pas sociologue, mais nous avons croisé des personnalités incroyables. Ces contacts avec ceux que j'ai appelés les gens du fleuve nous ont montré un certain visage des Français qui sont très loin de ceux que nous côtoyons à Paris.
Par exemple, parmi les personnes qui nous ont marqués : un immuable tenancier de guinguette, les travailleurs d'un chantier naval, un policier, des pompiers, des mariniers... Sylvain Tesson et son père nous ont même ravitaillés à Chatou, lors de notre première escale.
-P.H. : J'aime l'insolence et l'humour. Une ironie douce sur les choses et les gens. Je manie aussi l'autodérision d'ailleurs avec volupté.
En revanche, je ne suis jamais cynique. J'aime taquiner sans blesser, réveiller ce qui dort en nous et qui va disparaître si nous n'y prenons garde. L'humour est le pendant de la curiosité, finalement.
> Philibert Humm, Roman fleuve, gravures d'Arthur Capmas, Editions Des Équateurs, 288 pages, 19 €
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