Claudie Hunzinger vient de remporter le prix Femina 2022 pour Un chien à ma table (Grasset). Un livre comme une ode à la nature à travers la vie d'un couple vivant dans une forêt qui voit sa vie bouleversée par l'arrivée d'un chien. Un texte poétique, rempli de sagesse et de contemplation, qui résonne avec une particulière acuité en période de COP27.
Claudie Hunzinger vient d'obtenir le prix Femina 2022 pour Un chien à ma table, un roman qui sent la terre, les feuilles et les mousses des bois, dont la lecture fait du bien comme une promenade en forêt. C'est aussi un livre de retour aux sources du monde animal. Du reste, étymologiquement, le mot anima vient du latin et signifie « souffle, âme ». Claudie Hunzinger nous parle avec poésie de ce souffle vital primordial, comme elle l'avait déjà évoqué dans La langue des oiseaux (Grasset) ou encore dans Les Grands cerfs (Grasset) -Prix Décembre 2019.
Dans Un chien à ma table, un couple âgé qui vit au milieu d'une forêt des Vosges, partage son temps entre lectures, souvenirs et promenades. Tous deux ont atteint cet âge où le temps s'écoule intensément. Sophie est une écrivaine qui ressemble beaucoup à l'auteure, et qui développe un lien presque charnel, sensoriel avec sa forêt. Elle habite avec son compagnon Grieg, dans ce lieu sauvage comme un bout du monde. Ici, il s'agit d'humer l'odeur des fougères et d'admirer l'intensité des moraines glaciaires. Ici la vie se regarde dans le reflet d'un lac gelé.
Et puis, surgit un improbable. Un être qui vient bousculer l'ordre établi du couple. Un chien abandonné ou plus exactement une chienne. Errante, blessée. Sophie décide de lui porter secours et de l'accueillir.
«Ça m’est venu en un éclair, and yes I said yes I will yes, je l’ai appelée Yes.
J’ai dit : Je suis là, Yes, et je me suis accroupie, et j’ai passé mes doigts à travers le pelage feutré de son encolure, mêlé de longues tiges de ronces, de feuilles de bouleau, de débris de mousses, et trempé. La fuyarde avait pris la pluie avant nous, elle venait de la pluie, de l’ouest, et sentait le chien mouillé. J’ai cherché s’il y avait une plaque au collier. Au passage, j’ai scruté le pavillon de ses oreilles à la recherche d’une identité, d’un tatouage, de quelque chose, mais rien, sauf une tique que j’ai enlevée avec le crochet en plastique jaune toujours dans la poche de mon pantalon. La chienne se laissait faire. Je lui disais, je suis là, c’est fini, tout va bien. Elle répondait, j’entendais qu’elle me répondait de tout son corps qui s’était remis à trembler pour me signifier sa peur et sa confiance en moi. J’ai aussi compté les doigts de ses larges pattes fourrées, elle en avait quatre plus deux ergots aux pattes arrière. Une race de berger, a dit Grieg penché au-dessus de nous. (...) J’étais sans voix. Puis j’ai chuchoté, encore et encore je suis là, c’est fini.»
Yes est d'abord comme un étranger de passage. Puis, petit à petit, la chienne prend sa place à la table de ses maîtres. Il se crée une amitié entre les trois protagonistes, un échange invisible. Les blessures passées de l'animal rappellent la barbarie du monde dit humain, lorsqu'il abîme ce qu'il y a de plus sacré : la vie.
Un chien à ma table n'est cependant pas un récit d'anthropomorphisme. Hommes et chien restent bien dans leur condition. Mais le récit ouvre une voie. Et, si l'âme du monde résidait dans ce petit coin de forêt ? Et si Yes devenait le guide vers une humanité augmentée ?
Il semble bien que le secret du bonheur se trouve ici entre le bruissement des feuilles et le souffle du vent. Les jurées du prix Femina ont été transportées comme nous par ce texte enchanteur. Merlin aurait-il quitté sa forêt de Brocéliande pour se cacher dans ce Bois des Vosges ?
Alors que le COP 27 se tient avec gravité, prenant acte des dégradations environnementales, Un chien à ma table compose en contrepoint le tableau d'une nature exaltée et exaltante. Grâce à Claudie Hunzinger, nous pouvons entendre désormais le bruissement des feuilles nous parler du souffle de la vie.
> Claudie Hunzinger, Un chien à ma table, Grasset, 288 pages, 20,90 euros
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