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Embrasse tes petits pour moi

Embrasse tes petits pour moi

Je partis me renseigner auprès du médecin pour savoir si ses troubles étaient ou non irréversibles. La réponse resta évasive, il fallait être patient. L’alcool détruit les neurones et visiblement, mon père en avait perdu quelques paquets. Sur les images de son IRM, on pouvait constater des zones sombres, à la fois sur le pourtour et à l’intérieur de son cerveau, qui montraient la quantité de matière définitivement disparue. Le docteur déclara : — On peut dire que c’est une chance pour les alcooliques d’avoir un cerveau rétréci. Quand ils tombent sur la tête,...
Embrasse tes petits pour moi

Embrasse tes petits pour moi

— Au revoir ma fille. — Au revoir, je t’aime papa ! C’était un cri du cœur, comme parfois il m’arrivait de le lui dire le soir en le quittant, quand il était sobre, quand il me serrait fort l’épaule en m’embrassant sur le front. Des gestes pudiques dans lesquels circulait l’affection qu’il me portait, auxquels j’aurais pu simplement répondre « moi aussi » tant j’entendais « je t’aime ma fille ».
En salle

Claire Baglin in En salle, 2022

Chouchou a peur que je m'ennuie alors elle me propose des activités, faire un tour de balayette, changer les poubelles comptoir, elle veut savoir si ça ne me dérange pas de nettoyer les toilettes. Je n'ai pas le temps d'y aller qu'elle se tourne vers une autre équipière et lui dit mais c'est pas possible, tout le monde sait le faire pourquoi pas toi?
en couple avec moi-meme

Marcela Iacub in En couple avec moi-même, 2020

C'est seulement alors qu'elles prennent conscience que loin d'être des anormales, des ratés, des monstres, elles sont les premières habitantes d'un monde en train de naître des entrailles rouillées du nôtre. Elles comprennent aussi que si elles avaient tant souffert de leur situation précédente c'est parce que la société dominante, celle composée par des couples classiques, ne cesse de faire violence sur elles afin de les convaincre de se ranger par des moyens les plus humiliants. De se ranger, en se trouvant n'importe quel conjoint ou bien de disparaître dans la dépression voire...
Une nuit particulière

Une nuit particulière

J’ai parlé ce soir de beauté et de douleur. J’ai parlé de ce que la première crée la seconde et que cette dernière est insupportable. Elle est un silex dans la bouche, un feu dans les entrailles. J’ai parlé de l’immense beauté de l’amour et de la grande douleur d’être quittée. Abandonnée. Jetée. Aux chiens de la solitude, aux vents du froid. J’ai parlé d’une femme ce soir délestée de tout. De son cœur évidé, de sa peau arrachée. J’ai parlé de ce que l’amour est assassin. J’ai parlé de la mort. J’ai parlé de moi. Mes mots ont fini par s’échouer...
Le temps des féminismes

Le temps des féminismes

Essai d’ego-histoire Peut-être suis-je devenue historienne pour ne pas parler de moi, voire pour ne pas y penser, parce que je trouvais que le moi, mon moi, n’avait rien d’extraordinaire. Le milieu bourgeois dont je venais n’avait pas beaucoup d’intérêt et je n’avais aucune gloire à en tirer. Je n’ai presque jamais tenu de journal, et n’ai jamais fait de psychanalyse, à tort peut-être… Face à quelqu’un, ma position n’est pas conflictuelle, elle est plutôt d’entendre, de comprendre les différences. J’ai toujours ressenti vivement ce sentiment d’étonnement,...
Ce matin-là

Ce matin-là

Clara, la vaillante, vacillante. Une lettre en plus qui dit l'effondrement. Une lettre qui se faufile au milieu de la vaillance, la coupe en deux, la cisaille, la tranche. Une lettre qui dessine une caverne, un trou où elle tombe, un creux, une lettre qui l'empêche de retrouver celle qu'elle était, entière, debout.
Les sources

Les sources

Elle pense à sa mère et à ses tantes qui disent toujours que ça passe vite, la vie, le temps, les années de jeunesse où on a les enfants petits avec soi dans les maisons. Elle commence à le comprendre, elle déglutit dans le silence de la sieste, elle appuie son menton sur ses mains et ses coudes sur la toile cirée, de part et d'autre de son assiette, elle déglutit encore. Bientôt huit années depuis son mariage; elle compte, dans six mois et dix-sept jours, ils se sont mariés le 30 décembre 1959. Elle n'aime pas penser à ça, il ne faut pas. Huit ans de mariage, et quatre ans à...
L'Amour aura tes yeux

L'amour aura tes yeux

Âge d’or La sensation de remonter un trésor du fond des mers. Un trésor jamais perdu. Ce trésor qui m’a faite. Je laisse glisser une à une les lettres hors de l’enveloppe brune rangée vingt-cinq ans dans ma chambre d’enfant, les voilà chez moi après la vente du pavillon de mes parents. Depuis deux ans, je suis installée avec mon mari et mes deux enfants dans la maison au figuier. Je n’ai jamais retouché à l’enveloppe. Aujourd’hui je la renverse. Je suis la seule à avoir lu ces lettres. Ni mes parents, ni les professeurs de l’époque, ni les avocats n’ont mis leur...
Entre nuage et eau: Le quotidien d'un apprenti moine zen

Entre nuage et eau

Sans rien chercher, juste s’asseoir  L’hiver est vite arrivé. Une lourde cape de neige est venue étouffer notre petit temple, qui semble s’enfoncer dans le blanc comme une bûche meurt dans la cendre. Nous venons de fixer les yuki kakoi, sortes de grandes plaques démontables en bambou utilisées pour protéger les habitations des chutes de neige. Le bois nécessaire à la cuisine et à la chauffe du bain a été stocké, les derniers hakusai et daikon ont été récoltés et stockés à l’intérieur de la grange principale. Afin de prévenir les coupures de courant,...
Les quatre filles du Docteur March Édition complète et originale

Les quatre filles du docteur March

Où le lecteur fait connaissance avec la famille américaine « Noël ne sera pas Noël si on ne nous fait pas de cadeaux, grommela miss Jo en se couchant sur le tapis. – C’est cependant terrible de n’être plus riche, soupira Meg en regardant sa vieille robe. – Ce n’est peut-être pas juste non plus que certaines petites filles aient beaucoup de jolies choses et d’autres rien du tout », ajouta la petite Amy en se mouchant d’un air offensé. Alors, Beth, du coin où elle était assise, leur dit gaiement : « Si nous ne sommes plus riches, nous...
Ainsi gèlent les bulles de savon

Océane

Océane avait deux passions dans la vie. La première consistait à souffler des bulles de savon et à les contempler alors qu'elles s'envolaient, prêtes à risquer leur vie pour atteindre le ciel et la lumière, indifférentes à leur propre fragilité. Elle ne s'en lassait pas. Elle vivait dans l'espoir qu'un jour, une bulle parviendrait à sa destination, tout là- haut, sans éclater. [...] La deuxième passion d'Océane était la lecture. Les livres, quoique générateurs d'émotions extrêmes, voire de graves traumatismes (elle ne s'était jamais totalement remise de L'Attrape-cœurs...
Philip Roth: Biographie

Philip Roth : Biographie

Le 23 octobre 2005, Newark célèbre la Journée Philip Roth. Deux bus remplis d’admirateurs ont entrepris une tournée des lieux avec quelques haltes significatives – Washington Park, la bibliothèque municipale, le lycée de Weequahic – où les passagers lisent chacun à leur tour des extraits pertinents des œuvres de Roth. Enfin, la foule débarque devant sa maison d’enfance, au 81, Summit Avenue et, quand il apparaît en personne dans une limousine, c’est le délire. « Et maintenant, vous allez tout de suite monter me faire une bise », dit Mme Roberta Harrington, actuelle...
Traité sur l'intolérance

Traité sur l'intolérance

À quoi bon plaider une fois de plus… À quoi bon me répéter à l’infini alors que depuis quinze ans j’ai dit tout ce que j’avais à dire, sous tous les angles possibles, sur la liberté d’expression, la nécessité du blasphème, l’histoire de Charlie Hebdo et des caricatures. Je l’ai dit au procès des caricatures de Mahomet en 2007 puis en appel en 2008, puis lors d’innombrables procès de presse, puis il y a deux ans, longuement, en première instance ; j’ai défendu Mila et Baby Loup, j’ai écrit des articles, publié des livres,...
Texaco: Et pourtant nous vaincrons

Mot de la fin

de
Puisse cette lecture inspirante aider à faire connaître et à amplifier le combat de tous ceux qui, à l'instar de Pablo et des Plaignants contre Chevron, refusent de voir sacrifier leurs droits.

Soleil noir

Chapitre 1 Les monts Obregi An 315 du soleil (Dix ans avant la Convergence) Ô Soleil ! tu projettes une ombre cruelle La chair carbonisée, la teinte des plumes As-tu renoncé à la pitié ? Extrait du Recueil de lamentations à la suite de la Nuit des Poignards Aujourd’hui, il allait devenir un dieu. Sa mère le lui avait annoncé. — Bois, dit-elle en lui tendant un long gobelet fin qui contenait un liquide pâle et crémeux. Le garçon le renifla et visualisa les fleurs orange au cœur de miel dont les vrilles s’enroulaient autour de sa fenêtre. Il...
Une chance sur un milliard

20/90-1/8

À travers les différentes facettes de nos vies, nous croisons un impressionnant cumul d'individus pour le travail, à titre personnel, mais aussi dans la multitude d'interactions qu'engendre le simple fait d'exister.
L’automne est la dernière saison

L'automne est la dernière saison

Été. Leyla Je te cherchais, je courais. Sur le carrelage blanc glacial du hall de l’aéroport. Dans un silence de mille ans. À chaque foulée, ma respiration haletante bourdonnait à mes oreilles, de plus en plus fort, emplissant ma gorge d’amertume. Les vols internationaux étaient à l’autre bout. Ce n’était pas l’aéroport Imam Khomeini. Non, plutôt Mehrabad. La zone d’embarquement ne cessait de s’éloigner, j’ai pourtant fini par atteindre la porte. Tu avais le dos tourné, mais je t’ai reconnu aussitôt. Tu portais ta veste bleu foncé. Tu attendais...
Le secret de Sybil

Le secret de Sybil

Chapitre 1 De dix à quatorze ans, j’ai connu l’amour. Je ne le savais pas, j’aurais dit qu’il s’agissait d’amitié. J’ai fait le rapprochement bien plus tard, après m’être essayée à ce qu’il est convenu d’appeler amour : ce que j’avais connu à dix ans n’était pas d’une autre nature. À ceci près qu’il n’entrait dans la joie d’alors ni saisons ni brouillards, ce qui est rarement le cas entre adultes. C’est la sécurité affective dont j’ai le souvenir, la sécurité absolue nous baignant comme une mer chaude qui me fait appeler amour ce que nous...
Vertiges persans

Vertiges persans

Chapitre 1. Les avalanches Nous sommes deux avalanches, la pente de pierre descend en même temps que nous, dans une fumée grise, jaune ; nous glissons, poussières. Nous déshabillons la montagne de sa parure de roches brisées. Nous sommes deux femmes devenues avalanches, glissements. Comme elle me l’a demandé, je me tiens tout près derrière Zohre, ainsi les pierres que je déloge en déboulant ne prennent pas trop de vitesse avant d’atteindre ses chevilles. De loin en loin, nous nous arrêtons, le pied enfoncé dans la pente, enracinées dans la montagne dégringolante. Zohre...

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